« Le réchauffement climatique est une compétition encore gagnable »

Hervé Le Treut, climatologue et membre de l’académie des sciences, met en garde les régions de monocultures, qui sont les premières à subir les effets du réchauffement climatique. Mais pour lui rien d’impossible, avec de l’anticipation et du sérieux, « la compétition est encore gagnable ».

 

Hervé Le Treut à l’école Polytechnique (Flickr)

 

L.B : Quel climat faut-il envisager, en France, à l’horizon 2050-2100 ?

Hervé Le Treut : Il est difficile de dater précisément les choses, je ne peux pas dire si les prévisions vont s’avérer en 2040 ou 2060. Il y aura des changements et notre volonté est de supprimer la climato-dépendance. Le réchauffement va, en premier lieu, toucher tout ce qui est lié à l’eau. Ainsi, l’agriculture va être très perturbée à cause des sécheresse et de la montée du niveau de la mer, qui s’étendra bien au-delà de 2050. Avec un niveau de l’eau plus élevé, le littoral va être plus sensible aux marées, aux périodes de tempêtes et au débit des rivières. Quant aux 50°C annoncés dans le Bordelais me semblent peu probables, mais envisageables, donc il faut considérer cette hypothèse comme un risque.                                     

L.B : Quels changements ont déjà été observés ?

H. Le Treut : On constate, par exemple, des sécheresses plus marquées depuis 20 ans, un déplacement de la végétation animale et végétale, c’est pourquoi les régions trop dépendantes de la monoculture souffrent plus que les autres.

L.B : Quelles conséquences sur la vigne ? Est-ce la fin de l’excellence du vin à la française ?

H. Le Treut : Non, il y a des domaines, notamment dans la région de Bordeaux, où des organismes comme le CIVB* investissent pour faire un vin futur de haute qualité. Des tests concernant les changements de cépages ont aussi été effectués … C’est une compétition qui est encore gagnable. Il faut prendre de l’avance, se documenter et se concentrer sur ce que l’on peut et sait faire.

CIVB* : Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux

Lise Boulesteix et Yann Haefele

Le vin de Montmartre, une tradition perpétuée chaque année

La fête des vendanges s’est installée pour sa 84ème édition sur les hauts de Montmartre, ce mercredi. Entre tradition et folklore, les vignes du Clos Montmartre témoignent d’une richesse passée. Focus chez un caviste de la Butte.

Parmi les 1 762 pieds de vigne, on retrouve dans le Clos de Montmartre 30 cépages différents. Crédit : Garance Feitama
Parmi les 1 762 pieds de vignes, on retrouve dans le Clos de Montmartre 30 cépages différents. Crédit : Garance Feitama

Dans cette petite cave à vin située rue des Abbesses (18e arrondissement), à deux pas des vignes de Montmartre il est impossible de trouver une bouteille de la « Cuvée des Lumières ». Chaque année, la cuvée de la Butte est vinifiée dans les caves de la mairie du 18e arrondissement, actuel propriétaire, et célébrée lors de la fête des vendanges pendant quatre jours. A cette occasion, les centaines de bouteilles de vin produites dans l’année sont vendues à prix d’or, non pas pour leur qualité mais pour leur rareté. Au prix de 45 euros la bouteille, l’ensemble des bénéfices issus de la vente du Clos Montmartre est reversé aux oeuvres sociales du quartier.

La 84ème édition de la fête des vendanges de Montmartre aura lieu du 11 au 15 octobre. Crédit : Comité des fêtes de Montmartre
La 84ème édition de la fête des vendanges de Montmartre aura lieu du 11 au 15 octobre. Crédit : Comité des fêtes de Montmartre

Adossé à son comptoir, le caviste Jérémy Vincent grimace à l’évocation de cette cuvée spéciale.  » Cette microproduction est infâme à la dégustation: c’est un vin clairet, presque limpide et acide. Mais je comprends qu’on veuille s’approprier un bien unique de Montmartre », explique-t-il. Une production de qualité moyenne qui se justifie par sa situation géographique.

1 556 m2 de vignes

Au XVIIe et XVIIIe siècle, les vignes recouvraient les trois quarts de la colline. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 1 556 m2, plantés au Nord de la Butte, entre la rue des Saules et la rue Saint-Vincent. « De ce côté là, il n’y a pas de lumière. Les vignes ont besoin au minimum de cent jours de soleil. De plus, des cépages de toutes sortes sont mélangés : pinot noir, gamay et autres variétés. On ne s’y retrouve plus gustativement », poursuit le propriétaire de la cave à vin.

Cette carte postale est une reproduction d’une gravure de 1820. Crédit : Archives de Paris
Cette carte postale est une reproduction d’une gravure de 1820. Crédit : Archives de Paris

Installé dans la boutique juxtaposant la cave, le maire du Bas-Montmartre, Guy Florentin souhaite avant tout faire perdurer, à travers cette production, la tradition viticole à Paris. « Les premières vignes ont été plantées au XIIe siècle par les soeurs de l’abbaye de Montmartre. Elles ont par la suite progressivement disparu pour laisser place à des habitations. Puis, elles ont réapparu en 1933 », développe l’antiquaire féru d’histoire.

Malgré la fermeture des chais de Bercy où s’élaboraient vins et spiritueux au XIXe siècle, la capitale s’accroche à son héritage viticole à travers la conservation de ses vignes à Montmartre, mais pas seulement. A Belleville, on produit aujourd’hui du pinot meunier, quant au parc de Bercy, on y retrouve du Chardonnay et du Sauvignon blanc. Une manière de nous rappeler que l’Ile-de-France était au XVIIIe siècle, la première région vinicole et viticole de France.

Garance Feitama