Syrie : l’offensive turque laisse craindre le retour de Daesh

La Turquie annonce ce lundi qu’une offensive visant une milice kurde dans le nord de la Syrie pourrait avoir lieu « à tout moment ». Les Kurdes syriens avertissent alors qu’une invasion militaire turque entraînerait une résurgence majeure du groupe jihadiste Etat islamique (EI). 

Une offensive turque pourrait être lancée à tout moment dans le nord de la Syrie, affirme ce lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan. « Il y a une phrase que nous répétons tout le temps : on pourrait entrer (en Syrie) n’importe quelle nuit sans prévenir. Il est absolument hors de question pour nous de tolérer plus longtemps les menaces provenant de ces groupes terroristes », déclare le chef d’Etat turc lors d’une conférence de presse.

La déclaration de Recep Tayyip Erdogan provoque une levée de boucliers au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui redoutent le retour de l’Etat islamique dans la zone après une telle offensive. Celle-ci annulerait des années de combats fructueux des FDS, alliance de combattants kurdes et arabes, contre l’EI et permettrait aux chefs de l’organisation encore en vie de sortir de leur cachette, expliquent les FDS dans un communiqué.

« La Turquie va continuer de se battre contre Daech (acronyme arabe de l’EI) et ne le laissera pas revenir, que ce soit sous une forme ou une autre », rétorque sur Twitter le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.

Les Nations Unies, elles, disent « se préparer au pire » en vue de cette invasion militaire. « Nous ne savons ce qui va se passer (…) Nous nous préparons au pire », déclare le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Syrie, Panos Moumtzis, lors d’une conférence de presse à Genève. L’ONU a un plan d’urgence pour répondre à de nouvelles souffrances des civils, mais « espère qu’il ne sera pas utilisé », ajoute-t-il.

Retrait des troupes américaines

Les Unités de protection du peuple ont été le fer de lance dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) avec l’appui des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, comme la France. Mais la Turquie considère les YPG comme un groupe « terroriste » en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Cette déclaration intervient après l’annonce, par la Maison Blanche, que les troupes américaines déployées en Syrie allaient se retirer de certaines zones afin de libérer la voie à une opération turque contre les YPG. Lundi,  les Forces démocratiques syriennes et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) confirment dans un communiqué le retrait des troupes.

Nettoyer la région des « terroristes » kurdes

La Turquie se dit déterminée à « nettoyer » le nord de la Syrie des « terroristes » qui menacent sa sécurité, déclare lundi son ministre des Affaires étrangères, après l’annonce par les Etats-Unis qu’ils ne s’opposeraient pas à une opération d’Ankara contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG).

La Turquie est « depuis le début de la guerre en Syrie, nous avons soutenu l’intégrité territoriale de la Syrie et nous continuerons de le faire. Nous sommes déterminés à protéger notre (…) sécurité en nettoyant cette région des terroristes », a déclaré le ministre des Affaires étrangères turques sur Twitter.

La Turquie est déjà intervenue deux fois en Syrie depuis trois ans. Sa première opération en 2016 visait l’EI et la deuxième les YPG en 2018.

Une djihadiste franco-marocaine mise en examen à son retour en France

Photo : Mahmoud Bali (VOA)

Elle avait rejoint les rangs jihadistes en Syrie en 2014. Une femme de 26 ans a été inculpée à son retour en France et écrouée, a appris l’AFP de source judiciaire, confirmant une information de BFMTV. Interpellée le 6 mai à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle alors qu’elle était visée par un mandat d’arrêt, cette Franco-Marocaine a été inculpée pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».

Selon BFMTV, la jeune femme, qui avait épousé un combattant tunisien mort depuis, avait dit vouloir réaliser une opération kamikaze et s’était inscrite sur une liste de volontaires pour commettre un attentat-suicide. Après s’être rendue en octobre 2018 aux autorités turques, elle avait été emprisonnée avant d’être finalement remise à la France la semaine passée.

Adrien Grange avec AFP

 

Syrie : la tension monte entre les États-Unis et la Russie

Comme un parfum de guerre froide… Alors que les puissances occidentales renforcent leurs menaces sur une possible intervention en Syrie, c’est à coup de joutes verbales que la Russie et les États-Unis ont poursuivi leurs affrontements.

Sur les réseaux sociaux, Russie et États-Unis ne voilent pas leurs menaces (© Kremlin)
Sur les réseaux sociaux, Russie et États-Unis ne voilent pas leurs menaces (© Kremlin)

Comme à son habitude, c’est dans un tweet que Donald Trump a ouvert les hostilités, sans ambiguïté. Suite à l’attaque présumée chimique perpétrée par le régime de Damas, le président des États-Unis a accusé la Russie d’être « partenaire d’un animal qui tue son peuple avec des gaz« . Et le milliardaire d’ajouter, prémonitoire : « les missiles arrivent« .

Donald Trump s’est également vanté de posséder des missiles puissants pour contrer les Russes : « La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et intelligents!' », a-t-il indiqué dans un tweet. Moscou, qui avait en effet menacé de détruire les missiles qui pourraient être tirés sur la Syrie, a mis en garde contre tout acte pouvant « déstabiliser la situation déjà fragile dans la région » et qui aurait de « graves conséquences ».

Enfin, le président des États-Unis a déploré des relations « pires qu’elles n’ont jamais été » avec la Russie et a appelé au désarmement. Les relations des deux pays se sont en effet brutalement dégradées mardi 10 avril au soir, lors du vote à l’ONU sur une intervention en Syrie.

La Russie répond à Trump

Mais pour la diplomatie russe, qui interpelle Donald Trump par la voix de sa porte-parole, Maria Zakharova, les États-Unis devraient orienter leurs tirs vers « les terroristes » que seraient les rebelles, et non vers « le gouvernement légitime » de Bachar el-Assad. C’est ce qu’a annoncé Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe, dans un post Facebook.

La Russie a en outre insinué que les frappes américaines pourraient servir à « effacer les traces des provocations » que les Occidentaux dénoncent comme une attaque à l’arme chimique. « L’idée serait-elle d’effacer rapidement les traces de provocations par des frappes de missiles intelligents, pour que les inspecteurs n’aient plus rien à trouver en termes de preuves ? », interroge la diplomate.

De son côté, le régime de Damas a condamné une dangereuse escalade de la violence menée par les États-Unis. « Nous ne sommes pas étonnés par cette escalade dangereuse en provenance d’un régime comme celui des Etats-Unis qui a parrainé et parraine encore le terrorisme en Syrie », dit-on au ministère syrien des Affaires étrangères. Le Premier ministre turc Binali Yıldırım a quant à lui appelé à l’apaisement, et a prié Moscou et Washington à cesser leur « combat de rue ».

Colin Gruel

INFOGRAPHIE – Quelles sont les forces russes présentes sur le sol syrien ?

Alors que les crispations sont de plus en plus fortes autour de l’attaque présumée chimique du régime de Damas et que les puissances occidentales renforcent leurs menaces sur une possible intervention, contre l’avis de la Russie, quel est le poids militaire des russes en Syrie ?

Colin Gruel avec AFP