« Tunnel », un thriller haletant, dernier né du cinéma sud-coréen

Combien vaut la vie d’un seul homme ? C’est toute la question soulevée par Tunnel, dernier long-métrage du réalisateur sud-coréen Kim Seong-hun, sorti ce mercredi en salles.

Tunnel

Après un passage remarqué au Festival de Cannes pour Hard day, en 2014 le réalisateur sud-coréen Kim Seong-hun revient avec Tunnel, un film catastrophe spectaculaire, avec, en filigrane une critique acerbe de la société sud-coréenne.

Jung-soo (interprété par Ha Jung-woo aussi vu dans Mademoiselle) est un jeune cadre sud-coréen prospère. Alors qu’il s’apprête à rejoindre femme et enfant pour fêter un anniversaire, il se retrouve piégé six pieds sous terre suite à l’effondrement d’un tunnel, dans lequel il était a priori seul à rouler. Il comprend rapidement qu’il va falloir s’armer de patience avant que les sauveteurs ne parviennent à l’extirper de la montagne de décombres. Avec pour seul soutien un Smartphone au stock de batterie limité, Jung-soo devient un homme en sursis, pris au piège.

 

Véritable succès en Corée, le film a réuni plus de 7 millions de spectateurs, se plaçant directement à la deuxième place du box office, une preuve de plus que le cinéma sud-coréen a le vent en poupe. C’est en effet l’un des seuls à parvenir à concurrencer le cinéma américain sur son propre territoire.

Un film de genres

Tunnel s’inscrit avant tout dans la catégorie du film catastrophe. L’effondrement du tunnel survient dès les premières minutes du film. Moins radical que Buried de Rodrigo Cortès, Tunnel reprend néanmoins le motif anxiogène de « l’enterré vivant. » Mais contrairement à Buried, le film de Seong-hun, n’est pas entièrement en huis clos. Le spectateur prend des bouffées d’air frais grâce aux séquences à la surface où le réalisateur met en scène l’hystérie des secours et des médias. C’est l’un des tours de force du film : proposer deux visions de l’événement. Le spectateur vit alors le drame tantôt du côté de la victime, tantôt du côté des secours.

Mais Tunnel ne s’en tient pas à son statut de film catastrophe. Mélanger avec brio les films de genres est d’ailleurs une grande spécialité du cinéma sud-coréen. Aussi, Kim Seong-hun parvient à faire cohabiter séquences irrespirables et passages frisant le burlesque.

Le réalisateur a également porté un soin tout particulier à la composition de ses personnages. Aussi, le spectateur s’identifie très vite à Jung-soo, homme ordinaire dont le véritable caractère se révèle au gré des coups du sort. Si c’est le personnage principal qui porte le film, Kim Seong-hun n’a pas pour autant négligé ses seconds rôles. La performance de l’acteur Oh Dal-Su en policier exemplaire est particulièrement convaincante, et vient renforcer le sentiment que les responsables politiques sont corrompus et négligents.

Une critique du gouvernement et des médias

Ce film vient faire écho à une successions de faits divers qui ont couté la vie à plus d’un millier de Coréens : effondrement d’un centre commercial, d’un pont ou plus récemment naufrage d’un ferry. Tunnel est aussi l’occasion pour le réalisateur de filmer l’engrenage d’un système défaillant pris dans une course effrénée à la rentabilité. L’accident est ici causé par la négligence des dirigeants politiques et des entreprises du bâtiment qui ont préféré faire des économies plutôt que de s’assurer de la solidité de la construction. Alors que le fait divers relaté par le film prend une ampleur nationale, les médias se révèlent également particulièrement perfides, prêts à tout pour une exclusivité.

Authenticité du décor, justesse des acteurs, rebondissements propices et effets spéciaux convaincants, le film parvient à tenir le spectateur en haleine pendant les deux heures de spectacle. Jung-soo verra-t-il finalement le bout du tunnel ?

 

Clothilde Bru