Primaire des écologistes : « Sandrine Rousseau risque de l’emporter »

Il ne sont plus que deux. Le député européen Yannick Jadot et l’économiste Sandrine Rousseau ont devancé Delphine Batho, Eric Piolle et Jean-Marc Governatori lors du premier tour de la primaire des écologistes le 19 septembre dernier. Ils débattent en prévision du second tour (25-28 septembre) ce mercredi soir sur LCI. Stéphane Rozès, politologue et président de la société de conseil CAP, analyse les enjeux de ce duel entre les deux candidats issus d’Europe Ecologie Les Verts.

Yannick Jadot revendique une écologie de gouvernement alors que Sandrine Rousseau évoque une écologie radicale : quels sont les enjeux de ce clivage ? 

D’abord, ce sont des enjeux de conviction pour Sandrine Rousseau comme pour Yannick Jadot. Yannick Jadot, c’est un écologiste associatif qui, dans les institutions européennes, est confronté à la question nationale, en cohérence avec les urgences de la période. Ce sont celles qui sont essentielles pour accéder au pouvoir et peser rapidement sur les choix gouvernementaux. C’est une écologie de l’efficacité immédiate par les institutions.

Sandrine Rousseau, elle, avec son écologie radicale, est à l’image de ce qu’ont longtemps été les Verts et les militants. C’est très idéologique, la question environnementale et la critique du système prévalent. Yannick Jadot veut peser sur le système à l’intérieur pour agir rapidement, alors que Sandrine Rousseau dénonce le système à travers l’écologie. Ce n’est d’ailleurs qu’un de ses éléments parmi d’autres dits intersectionnels, c’est-à-dire, faisant converger l’écologie dans le combat des minorités. Entre les deux candidats, ce sont donc des différences de conviction et d’engagement.

Sandrine Rousseau avait déjoué les pronostics au premier tour, elle peut réitérer ?

Pour moi, elle ne déjoue pas les pronostics car j’ai l’expérience des précédentes primaires et je connais la culture des militants écologistes. Il y a un écart très important entre les militants de l’écologie et l’électorat potentiel écologiste. Dans l’électorat potentiel écologiste, Yannick Jadot est loin devant. Par contre, les militants, comme de coutume dans le passé, ne vont pas forcément élire celui qui sera le plus crédible pour l’Elysée.

Dans les intentions de vote réalisés par les instituts de sondage, les sympathisants des écologistes mettent en avant Jadot, alors que ceux qui sont allés voter sont un noyau plus restreint quantitativement. C’est ce qui explique que l’élection de Yannick Jadot n’est pas assurée. L’écart au premier tour est très faible.

A qui peuvent profiter les voix des candidats déchus Eric Piolle et Delphine Batho ?

Les votes d’Eric Piolle peuvent profiter à Sandrine Rousseau, même s’il y a une inconnue sur son électorat. Une partie non négligeable des votants de Delphine Batho est sur les positions de Yannick Jadot, mais une autre partie de son électorat ira vers Sandrine Rousseau. C’est pour cela que Sandrine Rousseau risque de remporter la primaire. Sur le papier je dirais donc avantage Rousseau, sauf si le débat de ce soir change les choses.

Justement, dans les débats précédents, les différents candidats ont évité de se lancer des invectives. Est-ce-qu’il y a un risque ce soir de sortir de cette règle de la bienséance ? 

Non, je ne pense pas, même si les débats seront tranchants. Sandrine Rousseau, qui a une image radicale, désordonnée et extrémiste, va s’appliquer à avoir un ton plus policé pour récupérer les voix de Piolle et de Batho. Et Jadot, avec sa position de l’écologie de la responsabilité, qu’il tient depuis le départ, ne peut pas montrer une image clivante.

 

Baptiste Farge 

 

En France, les Américains préfèrent Bernie Sanders

A l'étranger, les démocrates ont massivement voté pour Bernie Sanders (Phil-Roeder. Flickr-Creative Commons)
A l’étranger, les démocrates ont massivement voté pour Bernie Sanders (Phil-Roeder. Flickr-Creative Commons)

Les Américains démocrates installés en France n’ont qu’un nom en tête pour la course à la Maison Blanche : Bernie Sanders. Le 4 mars, 2 800 Américains avaient fait entendre leurs voix dans les primaires par le biais de l’association Democrats Abroad, qui représente le parti à l’étranger. Bernie Sanders l’a largement emporté avec 63 % des votes contre 36 % pour sa rivale, Hillary Clinton.

Entre 4 et 7 millions d’Américains vivent à l’étranger. Côté démocrates, certains électeurs votent à distance dans leur État d’origine, mais les membres de Democrats Abroad, eux, représentent un 51e État à part entière, comme la Floride ou le Texas. « À l’issue des scrutins organisés entre le 1er et le 8 mars dans plus de 170 pays où nous sommes présents, nous élirons 17 délégués, qui seront à la Convention nationale », explique Joseph Smallhoover, président de Democrats Abroad France. Côté républicains, les Américains de l’étranger votent tous dans le dernier État où ils ont été inscrits.

L’influence du socialisme français

« Les membres de Democrats Abroad sont souvent des personnes installées en France depuis vingt ou trente ans », explique Jean Eric Branaa, maître de conférences à l’université Paris II Panthéon-Assas et spécialiste de la politique américaine.  » Ils connaissent depuis des années la sécurité sociale pour tous et l’école gratuite. Pour eux, Bernie Sanders, c’est le candidat qui introduit ces idées dans leurs pays d’origine. »

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Il y a 30 ans, Kathleen Higgins Sanchez posait ses valises en France. Originaire du Minnesota, cette chercheuse en sciences de 55 ans n’a pas hésité une seule seconde avant de voter pour Bernie Sanders. « Je vois les choses différemment des gens qui n’ont jamais quitté les États-Unis. J’ai déjà connu des politiques socialistes et j’en ai vu les bénéfices », explique t-elle.  » Je n’ai plus peur du mot socialisme ». Julia Edward est arrivée en France il y a six mois pour travailler comme jeune fille au pair. Comme beaucoup d’autres étudiants, la jeune femme de 18 ans soutenait déjà activement le candidat avant son départ. «  Maintenant, je suis totalement convaincue. J’ai pu voir que le socialisme fonctionne et je suis sûre que certaines politiques peuvent être facilement instaurées aux États-Unis », témoigne-t-elle. Parmi les promesses préférées des Américains installés dans l’Hexagone : la réforme des impôts et de l’éducation, une refonte du droit du travail ou encore une politique étrangère pacifiste.

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La nouveauté contre l’establishment

A 48 ans, Elizabeth Schub Kamir a aussi donné sa voix à Bernie Sanders, malgré son envie de voir une femme à la tête des États-Unis. « Hillary Clinton a des idées trop conservatrices, surtout en matière d’affaires étrangères », confie la professeure à l’école internationale de création audiovisuelle et de réalisation. À l’inverse, c’est l’expérience de l’ancienne Première dame qui a séduit Suzy Glespen. «  Ça fait vingt ans que je soutiens Hillary Clinton. Elle a la maturité et l’expérience suffisante pour diriger le pays « , affirme la femme de 65 ans. « Elle a été sénatrice et a mené avec brio son mandat de secrétaire d’État. C’est certain qu’elle saura mener à bien ses projets à Washington. »

 » Clinton représente l’establishment américain que les expatriés ont parfois fui « , analyse Jean-Eric Branaa. « Pour autant, elle est appréciée et ceux qui ont voté Sanders sauront se mobiliser derrière elle le moment venu. »

Qu’ils aient voté Sanders ou Clinton, tous refusent de voir Donald Trump accéder à la présidence des États-Unis. « Les Américains à l’étranger ont plus à cœur que quiconque l’image de leur pays. Sanders a une bonne réputation et renvoie une image positive des États-Unis. A l’inverse, ils ont honte de Trump comme ils avaient eu honte de Bush père », résume le politologue. « Le succès de Trump n’aide pas à améliorer notre image », s’agace Elizabeth Schub Kamir.

À l’échelle mondiale, l’ancien sénateur du Vermont obtient 69 % des suffrages, soit environ 23 700 voix sur 34 500. L’influence du vote des Américains de l’étranger reste donc minime de part l’avance accumulée par Hillary Clinton. « Il n’y aura pas d’influence mathématique mais Sanders pourra au moins se vanter d’avoir su capter cet électorat particulier », conclut Jean-Eric Branaa.

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Cyrielle Cabot

Article initialement publié sur le Monde.fr le 21/03/2016