4 dates pour tout comprendre au conflit en Irlande du Nord

Vous n’avez rien suivi au conflit en Irlande du Nord ? Pas de panique, nous vous avons préparé une petite chronologie pour tout vous expliquer… En quatre grandes dates.

Whiterock Road, Belfast. Time for Peace, Time to Go
Vingt ans les accords de paix ayant mis fin au conflit en Irlande du Nord, cet épisode reste toujours présent dans les esprits… et dans les rues du pays. Crédit : CC

Depuis 1919, Britanniques et Irlandais, qui cultivent leurs rivalités depuis le début de l’occupation britannique en Irlande trois siècles auparavant, se livrent une guerre sans merci, sur fond de conflit religieux.

1921 : L’Irlande est coupée en deux

Des négociations ont donc lieu et amènent à un traité qui va couper l’Irlande en deux. Le Sud, catholique, devient l’État libre d’Irlande. Le Nord, divisé entre catholiques et protestants, reste occupé. La guerre continue entre les nationalistes catholiques et les loyalistes protestants qui gouvernent.

Les protestants profitent de leur position pour mener la vie dure aux catholiques. Par exemple, jusqu’en 1969, une loi leur permettait de voter plusieurs fois aux élections, du fait de leur richesse supérieure. Des marches pour les droits civiques sont donc régulièrement organisées. Face aux nationalistes, la police et les militants loyalistes moins pacifistes usent de la violence.

La situation se détériore quand les loyalistes et les nationalistes voient naître dans leurs camps des groupes paramilitaires. Attentats à la bombe, terreur, l’Irlande du Nord s’enfonce dans la guerre civile. Pour calmer le jeu, l’Angleterre, toujours puissance occupante, déploie son armée…

30 janvier 1972 : I can’t believe the news today…

Sanglant dimanche que celui du 30 janvier 1972, quand l’armée britannique tire sur la foule, pendant la marche de l’association nord-irlandaise pour les droits civiques. Treize hommes dont sept adolescents sont tués immédiatement. On déplore également de nombreux blessés par balle, ou écrasés par des véhicules.

Une enquête menée rapidement blanchit l’armée britannique en concluant qu’elle répondait aux tirs de l’IRA provisoire, la fraction radicale de l’organisation paramilitaire des nationalistes. Dans le même temps, des milliers d’activistes catholiques sont emprisonnés sans procès. Pour protester, certains entament des grèves de la fin, grèves auxquelles la Première ministre Margaret Thatcher ne cède pas. En conséquence, de nombreux activistes décèdent dans leurs cellules.

Les attentats de l’IRA, jusqu’alors circoncis au sol irlandais, vont alors se déplacer en Angleterre, à Londres, Manchester ou Warington, où deux enfants sont tués. C’est ce qui inspirera aux Cramberries leur célèbre chanson.

10 avril 1998 : l’accord du Vendredi Saint

Tony Blair arrive au pouvoir en 1997 avec l’intention de débloquer la situation. L’année suivante, le Good Friday Agreement (« Accord du Vendredi Saint ») est signé. Il prévoit la libération de prisonniers politiques et le désarmement des groupes paramilitaires. Un référendum valide cet accord à plus de 70%.

23 juin 2016: les Britanniques votent « oui » au référendum sur le Brexit

Sous l’impulsion du parti anti-européen UKIP et aujourd’hui porté par le gouvernement de Theresa May, les Anglais s’engagent pour le « leave » en 2016 et décident de sortir de l’Union européenne. Un choix qui fait craindre pour la stabilité de l’accord de paix d’après l’ancien Premier Ministre Tony Blair. Le Brexit « change la symétrie des relations entre l’Irlande, le Royaume-Uni et l’Europe », a-t-il affirmé lors d’une visite à Belfast mardi. 

Colin Gruel et Clara Losi

 

 

 

 

Irlande du Nord : « L’éducation est une priorité pour faire avancer les accords de paix », juge le père Aidan Troy

L’Irlande du Nord fête mardi les 20 ans de la signature de l’accord de paix, mettant alors fin à plus de trente ans de conflit entre catholiques et protestants. A l’occasion de cet anniversaire, le père Aidan Troy revient sur l’importance de ce pacte. Aujourd’hui curé de l’église anglophone Saint Joseph à Paris, il est devenu l’un des héros de la réconciliation lors d’un mouvement de protestation lancé dans une école catholique pour filles en 2001.

Aidan Troy, curé de l'Eglise Saint Joseph à Paris 8ème.
Aidan Troy, curé de l’Eglise Saint Joseph à Paris 8ème.
Où étiez vous pendant la période qui marque la fin du conflit et la signature des accords de paix?

J’étais en réalité à Rome en 1998, quand les accords ont été signés. Mais trois ans plus tard, en 2001, j’ai été envoyé dans le nord de Belfast, auprès de la paroisse d’Ardoyne. Deux mois avant mon arrivée, un affrontement avait éclaté entre catholiques et protestants à la Holy Cross School, une école primaire catholique réservée aux filles. Située dans un quartier protestant, elle était bloquée depuis mi-juin par des protestants. C’était impossible de rentrer, et les enfants n’avaient pas pu aller à l’école depuis. À mon arrivée au mois d’août, j’ai rencontré les parents de chaque communauté, mais aussi les responsables politiques, et tous étaient d’accord pour condamner ce blocus. Personne n’est mort, mais cela nous a rappelé combien l’accord de paix pouvait être sous tension encore.

Jugez-vous que la situation a évolué positivement entre catholiques et protestants depuis la paix signée en 1998 ?

L’évolution est constante oui, même si on peut toujours faire plus. Mais personne ne saurait contredire le fait que la situation s’est nettement améliorée en Irlande du Nord grâce à ces accords de paix. Je crois fermement que l’on continue aujourd’hui encore à faire de réels progrès.

Comment expliquez-vous alors qu’il reste encore des dizaines de « murs de la paix » à Belfast, ces façades qui séparent les quartiers protestants des catholiques ?

Les murs ne sont jamais bons. Mais ces gens de part et d’autre de ces murs de séparation, je les connais. Et ce serait malvenu de décider d’abattre ces murs d’un coup, sans leur consentement. Il faut d’abord travailler à créer plus de confiance entre les deux communautés. Ils ont besoin de cette confiance, ces murs sont comme une soupape de sécurité pour eux aujourd’hui. Mais j’espère et je prie pour qu’un jour très prochain ils puissent être démolis.

Quels sont les prochaines actions à mener en vue de fortifier la paix en Irlande du Nord ?

Ce qui me paraît le plus important c’est de s’occuper de l’université et de faire en sorte que plus de jeunes y aillent et soient éduqués. Depuis des dizaines d’annéee nous évoluons dans un système éducatif cloisonné, où catholiques et protestants ne se mélangent pas jusqu’à parfois leur majorité. Mais à l’université, tout le monde se côtoie. Et c’est pour certains la première fois qu’ils font la rencontre de personnes de l’autre communauté. Alors je pense que l’éducation est une priorité pour faire avancer les accords de paix oui, afin que les communautés apprennent à mieux se comprendre et s’accepter.

Propos recueillis par Clara Losi