« Les innocentes », la tragédie secrète de nonnes polonaises

Le dernier film d’Anne Fontaine, « Les innocentes », raconte le viol d’un couvent au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Dans une atmosphère pesante et austère, ce drame historique questionne la foi et rappelle que le viol est aussi une arme de guerre. Critique.

Pologne, 1945. Dans un couvent reculé au cœur de terres enneigées, des nonnes vivent sous le poids du secret et de la honte. Pour elles, la fin de la guerre a marqué le début des atrocités. Enceintes et sur le point d’accoucher, une dizaine de ces sœurs portent en elles le fruit de viols collectifs et répétés, commis par des soldats russes en route pour Berlin. Mathilde Beaulieu, une jeune aide-soignante française ayant arrêté ses études pour s’engager dans la Croix-Rouge, va leur venir en aide, jusqu’à ce que la vie renaisse.

Comment ne pas perdre sa foi face à la violence de l’homme ? C’est la question que pose ce film basé sur des faits réels. D’une esthétique travaillée à la beauté froide et austère, il dénonce ces crimes de guerres oubliés. Pour préserver l’honneur de son couvent, la Mère ira jusqu’à mettre en danger la vie des sœurs et de leurs enfants.

Lou de Laâge, magistrale

Dans son dernier long-métrage, la réalisatrice Anne Fontaine met en scène la rencontre de deux univers que tout oppose, celui de l’aide-soignante, non croyante, farouche et indépendante, et celui du couvent. Mathilde Beaulieu, cette jeune femme de 25 ans, va progressivement gagner la confiance des sœurs au quotidien rythmé par les prières et le silence. Peu à peu, une relation va s’établir, une complicité apparaître. Déjà saluée dans « Respire » de Mélanie Laurent, Lou de Laâge livre ici une performance magistrale, pleine de justesse et de retenue, confirmant ainsi son statut de jeune espoir du cinéma français.

« Les innocentes » nous confronte à la barbarie de l’homme. Il est pourtant empli d’humanité. « On dénonce plus quand on fait ressentir les choses de l’intérieur », confiait récemment la réalisatrice Anne Fontaine à Allociné. L’effet est réussi. Le spectateur est confronté à une violence indicible, presque exclusivement suggérée, ce qui accentue encore sa brutalité.

Laura Daniel