Gaspillage alimentaire : vrai geste pour la planète ou coup de com’ ?

Chaque année, un Français jette plus de vingt kilos de déchets alimentaires. ©CreativeCommons
Chaque année, un Français jette plus de vingt kilos de déchets alimentaires.
©CreativeCommons

 

Le gaspillage alimentaire coûterait deux à trois fois plus cher à la France que la dette de la sécurité sociale. Plusieurs alternatives ont été mises en place pour palier à ce fléau. N’est-ce pas aussi un nouveau moyen marketing pour les revendeurs ?

 

Quelques haricots verts, des tomates, des champignons, des mûres et des kakis. Le tout, pour 4 euros. Des fruits et des légumes qui risquaient, d’une minute à l’autre, de finir au fond de la poubelle dans ce petit primeur du 10ème arrondissement de Paris. L’application Too Good to Go fait partie de ces nouvelles start-up qui luttent contre le gaspillage alimentaire.

Le principe  de ce genre d’applications est simple, autant pour le consommateur que pour le revendeur. Pour l’utilisateur, il suffit de télécharger l’application, de se géolocaliser pour pouvoir faire une commande le plus proche de chez lui, et de se rendre dans le point de vente choisi pour récupérer son panier. Boulangers, restaurants, grandes surfaces ou primeurs peuvent faire un geste pour la planète en “vendant leurs invendus”. Mais ils maximisent aussi leur chiffre d’affaires : en moyenne, cela leur rapporte 300 euros par mois. L’application de son côté garde une commission d’un euro sur la somme payée aux commerçants.

Chaque année, plus de 20 kilos de déchets alimentaires sont jetés par chaque français. Au niveau mondial, cela représenterait plus de 350 milliards d’euros : un tiers des aliments destinés à la consommation humaine est perdu tout au long de la chaîne alimentaire. La lutte contre le gaspillage alimentaire n’en est qu’à ses débuts et peine à fonctionner réellement dans l’Union Européenne, alors qu’une partie de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. S’ajoute à cela la future raréfaction de la nourriture qui, selon les scientifiques, devrait arriver plus tôt que prévu, et l’impact environnemental avec une surconsommation de CO2.

Limiter le gaspillage alimentaire 

 

Too Good to go n’est pas la seule start-up à s’être lancée dans l’anti gaspillage alimentaire. Depuis 2016, la loi Garot, unique en Europe, oblige les supermarchés à distribuer les invendus alimentaires aux associations et interdit “pour les distributeurs, de rendre impropres à la consommation des invendus encore consommables”. Ceux qui refusent de donner écopent d’une amende de 3750 euros. Depuis la promulgation de la loi, 5000 nouvelles associations se sont créées pour récupérer et distribuer des invendus. Cette loi était en effet attendue puisque certaines grandes enseignes étaient (et certaines le sont encore) suspectées d’asperger leurs invendus avec de la javel, pour empêcher les personnes sans-abris de les récupérer.

Les bons et les mauvais élèves de l'anti-gaspi
Les bons et les mauvais élèves de l’anti-gaspi

 

Alors, véritable geste pour la planète ou coup de pub pour fidéliser et voir grossir son chiffre d’affaires ? Si la loi oblige à distribuer les déchets alimentaires, c’est seulement aux associations, et sans aucune somme en contrepartie. Or, ces nouvelles applications permettent aux commerçants de revendre leurs produits qui auraient fini à la poubelle : parfois même, ces invendus sont périmés. De peu, mais par exemple un paquet de filets de poulet pourra avoir dépassé les deux jours de la date de péremption. Pour eux, l’intérêt de réduire le gaspillage alimentaire est d’abord économique. Et pour certains, cela leur permet de faire « bonne figure » auprès de leur clientèle. Un avantage certain pour ces supermarchés, mais le tableau n’est pas si noir : depuis cette loi, environ 10 millions de repas ont été distribués à des personnes nécessiteuses.

 

 

Dorine Goth et Léa Broquerie

Semaine du goût : des écoliers initiés à l’anti-gaspillage

Pour la semaine du goût du 9 au 15 octobre, des ateliers sont organisés dans les classes. Ce mardi matin, des primaires d’une école du 16ème arrondissement de la capitale ont appris une recette anti-gaspillage avec le chef Akrame Benallal. L’occasion pour eux de goûter des cakes particuliers. 

Les CE2 de l'école Paul Valéry du 16ème arrondissement de Paris ont goûté, sans le savoir, des gâteaux à base d'épluchures de carottes et de bananes. Crédits : Lou Portelli

Les élèves étaient attentifs ce matin devant le chef Akrame Benallal, venu leur faire découvrir des saveurs particulières.

Crédits : Lou Portelli

Toques sur la tête, cuillère dans les mains… les CE2 de l’école Paul Valéry à Paris attendent impatiemment l’arrivée du chef étoilé Akrame Benallal. Et surtout de goûter ce qu’il a préparé. Le but de l’atelier : leur faire découvrir des saveurs originales et les inciter à ne pas gaspiller. Devant les enfants, trois mets sucrés. Ils ne le savent pas encore, mais ils s’apprêtent à manger un cake à la peau de banane, de la crème vanille préparée avec des épluchures de carottes et des chips à la pelure de pomme. « C’est à quoi ? » interroge d’emblée un élève. Le chef garde la surprise. Alors, les écoliers se lancent.

« Il y a de la banane » conclut Elisa, 8 ans. « Moi je sens de la vanille et de la noisette » ajoute Rayhanna. A 7 ans, elle a déjà un fin palais. Elle a beaucoup appris avec sa mère, pâtissière. « Je sais même faire des gâteaux en trompe-l’œil » raconte-t-elle fièrement entre deux bouchées, peu impressionnée par le cake dans son assiette. Rayhanna confond pourtant la noisette avec les fanes (c’est-à-dire les feuilles) de carottes. A la révélation des ingrédients secrets, surprise générale. Les « miam » laissent place aux « beurk ». Etonnés, les enfants se rendent compte qu’ils ont mangé – et même apprécié – des ingrédients habituellement jetés à la poubelle.

« Rien ne se jette »

« On peut cuisiner avec des restes, tout se mange et rien ne se jette, insiste le cuisinier et père de famille. Je veux sensibiliser les enfants à l’anti-gaspillage et qu’ils se rendent compte qu’il faut manger proportionnellement à ce que notre corps demande. »  Les yeux écarquillés, les élèves sont attentifs et comprennent très vite la notion de gaspillage. « Pourquoi à la cantine on jette le pain alors ? » s’inquiète Clément. Lui n’a pas tout mangé ce matin mais a retenu la leçon. Les apprentis cordons-bleus n’hésitent pas à proposer des idées au chef. « On peut faire frire des épluchures de tomates ? » l’interrompt Rayhanna. « Pourquoi pas » lui sourit-il.

 

Les enfants ont goûté une recette réalisée par le chef étoilé Akrame Benallal. Crédits : Lou Portelli
Les enfants ont goûté une recette réalisée par le chef étoilé Akrame Benallal.
Crédits : Lou Portelli

Akrame Benallal aime surprendre. « Dans mes restaurants je fais pareil. Je cache certains intitulés car les gens ont des a priori. Si on leur dit qu’ils vont manger des épluchures de banane, ils ne vont pas vouloir goûter ou vont dire qu’ils n’aiment pas. C’est d’autant plus vrai avec les enfants » confie-t-il.

Le ventre bien rempli, les cuisiniers en herbe rendent toques et tabliers. Dotés de la recette, ils pensent déjà à la reproduire à la maison et promettent même de finir leur assiette. Affaire à suivre.

 

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Lou Portelli

 

 

Dans le XIV arrondissement, la chasse au gaspillage alimentaire

Débuté samedi dernier, la semaine du développement durable se terminera vendredi 5 juin. Pour l’occasion, l’association Le Chaînon Manquant, créée en 2014, récupère les invendus des enseignes du 14e arrondissement pour les redistribuer aux associations du secteur. Toute la journée, Julien Meimon, directeur exécutif de l’association, et Ninon Chappet ont sillonné les rues à bord de leur fourgon réfrigéré, afin d’apporter des denrées alimentaires aux plus démunis.

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