Carte vitale : une fusion avec la carte d’identité qui fait débat

Le rapport de l’IGAF et de l’iIGF publié jeudi 1er juin a ravivé les doutes quant à la faisabilité et à l’utilité de la fusion des cartes vitale et d’identité. En cause : un courrier de l’Assurance maladie qui fait état de « très fortes réserves » sur l’initiative annoncée en début de semaine par le ministre des Comptes publics, et qui ne cesse depuis de faire débat.

Crédit : Louis Rousseau

Après deux années de “quoi qu’il en coûte”, l’explosion du déficit public qui a atteint les 3 000 milliards d’euros, et la perte du triple A fin avril, le gouvernement tente par tous les moyens de montrer son sérieux en matière de rigueur budgétaire.

Trois semaines après l’annonce d’un plan de lutte contre la fraude fiscale, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal se lance à l’assaut de la fraude sociale. Une gabegie qui représente une perte de 6 à 8 milliards par an selon les chiffres du gouvernement. De son côté, la Cour des comptes estime que les fraudes concernant uniquement l’assurance maladie coûtent « entre 3,5 et 4,6 milliards d’euros » par an à l’État. Parmi les mesures annoncées par Gabriel Attal dans Le Parisien lundi 29 mai , une en particulier a fait l’objet de nombreux commentaires : la fusion de la carte vitale avec la carte d’identité.

Et pour cause, dès l’annonce du plan, des doutes ont émergé sur la sécurité, l’utilité et la faisabilité d’une telle mesure. En émettant des avis divergents, les principaux acteurs concernés ont créé la confusion, alimentant les incertitudes qui pesaient déjà sur l’application de ce projet.

Une crainte pour la sécurité des données personnelles

Si Gabriel Attal a assuré de son côté, lors d’une visite à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) à Paris, que « la Cnil ne s’y oppose pas, que les directions des différents ministères ne s’y opposent pas, que les représentants de médecins ne s’y opposent pas », le ministère de l’Intérieur l’a immédiatement mis en garde sur le risques d’une telle mesure quant à la protection des données personnelles. “Attention à ne pas enfreindre la protection des données et les libertés individuelles et à faire des effets d’annonce. La solution reste la carte vitale biométrique qui a été votée et qu’il faut mettre en place”, a commenté auprès de l’Agence France-Presse (AFP) un cadre de la place Beauvau, sous couvert de l’anonymat. 

À l’inverse, dans un communiqué publié mardi 30 mai, la Cnil s’est dit plus favorable à une fusion de la carte vitale et de la carte d’identité qu’à la mise en place d’une carte vitale biométrique qui présente, selon elle, le “niveau de risques le plus élevé d’atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles”. Elle évoque les “difficultés de déploiement chez les professionnels de santé (qui devraient être équipés de dispositifs de contrôle biométrique et les mettre en œuvre)”, “la sensibilité des données en cause” et les “risques importants pour les personnes en cas d’attaque informatique visant à récupérer les données biométriques des assurés sociaux”.

Toutefois, l’autorité administrative indépendante reste prudente et a formulé plusieurs recommandations afin de garantir la protection des données personnelles et du secret médical. Elle préconise entre autres la mise en place de mesures de sécurité qui permettraient d’assurer que le numéro de sécurité sociale (NIR) ne soit visible que par le personnel médical ou médico-social. 

L’utilité de la fusion remise en cause

Si l’aval de la Cnil apparaît comme une petite victoire pour le gouvernement, il n’en reste pas moins que le rapport de l’inspection des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF) publié jeudi 1er juin a ravivé les doutes sur la faisabilité et l’utilité de cette fusion. Et pour cause, on y apprend que l’Assurance maladie émet de très fortes réserves, estimant que la fusion entre les deux cartes ne répond “à aucun besoin”. Le rapport assure en outre que la fraude à l’identité reste “résiduelle en nombre de cas détectés (…) et en montant”

Or, la lutte contre les fraudes à l’identité, où une personne utilise la carte d’une autre, constitue un des principaux arguments du gouvernement. La “plus-value en matière de lutte contre la fraude reste entièrement à démontrer”, puisque “les montants de fraude susceptibles d’être liés à une utilisation frauduleuse de la carte vitale sont minimes”, écrit dans un courrier figurant dans le rapport IGAF/IGF le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), Thomas Fatôme. Le rapport montre en effet que trois-quarts de la fraude détectée serait le fait des professionnels et établissements de santé, et non de personnes qui usurperaient l’identité d’assurés pour bénéficier de soins remboursés par la sécurité sociale. En outre, une telle mesure pourrait “fragiliser” le déploiement de l’application carte Vitale sur les smartphones, selon le directeur général de la Cnam.

L’IGAF et IGF optimistes malgré les réticences de l’Assurance maladie

Malgré les réticences de l’Assurance maladie mises en avant dans leur rapport, l’IGAF et l’IGF se montrent plutôt optimistes quant à la fusion des deux cartes. Elles assurent notamment qu’elle permettrait de combattre les quelques cas de fraudes à l’identité, et pourrait résoudre des « difficultés récurrentes » sur le rattachement des enfants mineurs à leur parents par exemple. Par ailleurs, et à l’instar de la Cnil, les deux autorités se disent opposées au déploiement d’une carte biométrique, qui, selon leur rapport, serait « onéreux et mal accueilli par les professionnels de santé ».

Après l’abandon du projet de carte vitale biométrique, une expérimentation de la fusion de la carte vitale et de la carte d’identité va donc être expérimentée en juillet par l’exécutif. Plusieurs pays européens tels que la Belgique, la Suède ou encore le Portugal, l’ont déjà adoptée.

Ambre Mathieu Xerri

10e circonscription des Hauts-de-Seine : le renouveau pour champ de bataille

Affiches des candidats à la législative 10e circonscription des Hauts de Seine. Crédit photo : Emilie Salabelle
Affiches des candidats à la législative 10e circonscription des Hauts de Seine. Crédit photo : Emilie Salabelle

A quinze jours du premier tour, la tranquille 10e circonscription des Hauts-de-Seine est bousculée par des candidats qui s’essayent au défi du renouveau. L’esprit de la campagne présidentielle a imprégné sa marque dans la course aux législatives.

A Issy-les-Moulineaux, Vanves, Meudon, et Boulognes-Billancourt Sud, le prochain scrutin est un saut dans l’inconnu. Il signera la fin du mandat de l’historique André Santini (Union des Démocrates et Indépendants (UDI)), maire d’Issy et député depuis 1988, qui renonce à se représenter, répondant ainsi à l’exigence de non-cumul des mandats.

Le siège vide n’a pas tardé à trouver de nouveaux aspirants. Pas moins de 17 candidats à la députation se présentent, soit cinq de plus qu’en 2012. Pour succéder au long règne de M. Santini, la carte du renouveau est toute trouvée. C’est d’abord par la refonte des partis politiques qu’elle se joue. Plusieurs candidats se présentent hors parti, notamment Bertrand Soubelet. L’ex numéro 3 de la gendarmerie, qui avait fait un court passage dans le parti d’Emmanuel Macron avant d’en claquer la porte, a décidé de se présenter sans étiquette.

Des candidats de tout bord, des favoris qui se détachent

Du côté des étiquettes justement, les Marcheurs et les Insoumis incarnent tout naturellement cet appel à un nouvel ordre politique, dont ils sont en grande partie à l’origine. Le parti de Jean-Luc Mélenchon est allé loin dans l’esprit de rupture  en investissant un surprenant candidat : Gérald Dahan, l’humoriste célèbre pour avoir piégé de nombreux politiques dans des canulars téléphoniques. La nouvelle a été accueillie diversement par les habitants.

« C’est étonnant. Je n’apprécie pas vraiment l’humoriste, avance, à Vanves, Jean-Michel, sympathisant de la France Insoumise (FI). Mais il peut très bien être un mauvais humoriste et avoir des points de vue intéressants sur le plan politique, même au niveau national » concède-t-il.  « Je suppose qu’il va suivre le programme du parti », imagine Vincent, lui aussi pro-Mélenchon. Malgré l’intérêt suscité par le leader du mouvement, la victoire de la FI dans une circonscription traditionnellement de droite paraît improbable. « Je pense que c’est pour ça qu’il a été positionné ici, ça permettait de faire un coup de com’ sur la personne sans qu’il n’ait aucune chance », analyse Jean-Michel.

Le centre droit (UDI-LR) challengé par l’arrivée de La République en marche

Le véritable enjeu de la campagne se situe probablement dans des eaux plus centristes. Le mois de juin signera-t-il la fin d’un fief UDI dans la 10e circonscription ? L’ancien maire adjoint de Vanves, Jérémy Coste (UDI-Les Républicains (LR)), le successeur d’André Santini qui reste suppléant, doit faire face à une nouvelle concurrence de taille : celle du candidat investi par La République en marche (REM), Gabriel Attal. Certes, le travail de son prédécesseur recueille une relative unanimité auprès des habitants, les Isséens saluant notamment un maire « compétent et à l’écoute ». Mais ces bonnes opinions ne garantissent pas la fidélité dans les urnes. « Je ne vote pas aux législatives pour un candidat, mais pour un parti et un programme. Je veux donner ma voix à Macron, pour qu’il puisse avoir une vraie majorité au Parlement, et que cela lui donne les moyens de redresser le pays », résume Caroline, habitante d’Issy-les-Moulineaux.


Comment vont voter les Isséens et les Venvéens ?

Les regards glissant rapidement sur les tracts n’aident certainement pas à distinguer les deux candidats. Car, à première vue, les profils concurrents ne sont pas sans points communs : dans les deux cas, des hommes aux sourires décidés et aux physiques altiers incarnent le dynamisme et la nouveauté de la jeunesse. Le renouvellement est affiché, mais il s’illustre plus dans la continuité que dans la rupture : forte attache au programme macronien pour l’un, héritage santinien pour l’autre. Deux visages neufs qui appellent à transcender les divergences partisanes pour incarner une force d’écoute et de collaboration.

Des leçons de la part des nouveaux centristes, je n’ai pas à en recevoir. Jeremy Coste

Mais la comparaison fait bondir Jeremy Coste : « Je suis centriste depuis l’âge de seize ans, donc des leçons de la part des nouveaux centristes, je n’ai pas à en recevoir. Le dialogue, on sait ce que ça veut dire. je n’en dirais pas autant de mon concurrent qui en réalité est socialiste… Il siège au parti socialiste de la mairie de Vanves et s’oppose à toutes les délibérations municipales de la majorité centriste de Bernard Gauducheau. Quand il prône le dialogue entre la droite et la gauche, ce n’est pas ce qu’il fait concrètement au quotidien. »

Face à un candidat de REM qu’il considère inféodé au programme du nouveau président, Jeremy Coste veut assumer un rôle actif. « Si les gens veulent donner une vraie majorité à Macron, il faut qu’ils votent pour des députés constructifs », assure-t-il avec conviction, lors d’un café-rencontre organisé à Meudon. L’avis est partagé par Hervé Marseille, vice-président du Sénat et maire de Meudon : « S’il y a une majorité uniforme, tous les députés seront interchangeable, il y aura un mot d’ordre, tout le monde votera dans le même sens. Il est important qu’il y ait des députés qui puissent exprimer les valeurs qui sont les nôtres, et qui aient la possibilité de voter ce qui est positif tout comme de s’exprimer sur les choses qui ne vont pas. »

Affiche de campagne de Jérémy Coste, candidat UDI-LR.
Affiche de campagne de Jérémy Coste, candidat UDI-LR.

Le pari de la jeunesse

Etre député à trente ans, est ce un atout ou une faiblesse ?  L’arme peut être à double tranchant. « On réclame souvent du sang neuf, et en même temps, il y a un climat de défiance face aux jeunes responsables. On se demande comment il ont pu en arriver là si rapidement. Ce sont des questions légitimes, mais assez contradictoire. Les jeunes ne sont pas plus aptes, mais il y a une notion d’inconscience et de spontanéité qui manque aujourd’hui aux plus matures » estime  Saïda Belaïd, conseillère municipale à Meudon, et soutien de Jeremy Coste.

L’intéressé assume avec auto-dérision cet atout ambivalent : « Le nouveau président a 39 ans. A priori dans la trentaine on est capables de faire des choses. Mais je fais plus jeune, ma mère est réunionnaise, et dans nos îles là-bas, souvent, on ne fait pas nos âges » sourit-il.

A ceux qui argueraient un manque d’expérience, Jeremy Coste a préparé sa réponse : « Je ne suis pas un nouveau en politique, et je l’assume. Justement la démarche que je défend en politique, c’est le fruit d’un parcours, de connaissances de terrain et de connexion avec les élus. Si demain on veut être efficaces très rapidement, il faut être en mesure de faire remonter les besoins identifiés sur le territoire au niveau national. » « Expérience et renouveau », le slogan de sa campagne résume l’idée. Entre équilibre et équilibrisme.

Emilie Salabelle

Les 17 candidats à la 10e circonscription des Hauts-de-Seine  (Boulogne-Billancourt-Sud (partie), Issy-les-Moulineaux,Vanves, Meudon (partie))
1 – Mme Laurence VIGUIÉ EXG
2 – M. Gérald DAHAN FI
3 – Mme Pauline COUVENT ECO
4 – M. Michel FOSSAERT ECO
5 – M. Stéphane CROS DIV
6 – M. Gabriel ATTAL REM
7 – M. Bertrand SOUBELET DIV
8 – M. Jeremy COSTE UDI
9 – M. Boris AMOROZ COM
10 – Mme Anne-Laure MALEYRE FN
11 – M. Thomas PUIJALON SOC
12 – M. Nicolas MOREAU DVG
13 – M. Messaoud ZAZOUN DIV
14 – Mme Philippine COUR DLF
15 – Mme Laurence LECOCQ DIV
16 – Mme Marie-Thérèse DRELON DIV
17 – Mme Anne-Violaine VIGNON DVD

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