Renaud Camus, théoricien de l’extrême droite et candidat aux européennes

Père de l’idée du “grand remplacement”, l’écrivain Renaud Camus sera tête de liste pour la « Ligne Claire » aux élections européennes.  Portrait d’un idéologue sorti de l’ombre, considéré comme une figure de l’extrême droite identitaire française.

A 72 ans, Renaud Camus sera à la tête de la « Ligne Claire », une liste d’extrême droite anti-immigration.

“Je ne suis pas un philosophe, pas un intellectuel, mais bien un écrivain.” Avant d’être cité dans les milieux d’extrême-droite nationalistes et identitaires, le nom de Renaud Camus était avant tout celui d’un écrivain salué par la critique dès le début de sa carrière dans les années 70. Son premier roman, “Passage”, est apprécié par Roland Barthes qui préfacera “Tricks” en 1978, dans lequel Renaud Camus raconte sa vie mouvementée d’homosexuel. Plusieurs récompenses viendront saluer l’oeuvre et le style de l’auteur dont les prix littéraires Fénéon et Amic, ainsi qu’un Goncourt des Animaux en 2003.

En 1987, Renaud Camus débute l’écriture de son journal avec son premier tome “Journal Romain”. En 2019, trente-trois opus de ce “journal” ont été publiés dont les six derniers en auto-édition. Il y raconte sa vie de bourgeois de province, né en 1946 à Chamalières près de Clermont-Ferrand avant d’être diplômé de Sciences Po en 1970.

 

“L’affaire Renaud Camus”

En 1994, Renaud Camus publie la “Campagne de France”, neuvième opus du journal de l’auteur. Dans une des quelques cinq cents pages de l’ouvrage, un journaliste des Inrockuptibles, Marc Weitzmann, relève un passage où l’écrivain critique la “sur-représentation” des journalistes juifs  sur les antennes de France Culture. Les Français écoutent, quelques années plus tard, Renaud Camus se défendre d’accusations d’antisémitisme devant Thierry Ardisson.

Nous sommes alors en 2002 et les spectateurs de France 2 découvrent un homme bien habillé, au langage châtiée et aux petits sourires amusés. A l’époque, Renaud Camus est pourtant connu pour ses positions radicales sur l’immigration. Ancien membre du Parti socialiste, il fonde le “parti de l’in-nocence”, s’associe à la création du média “TV Libertés” avec plusieurs figures de l’extrême-droite comme Martial Bild, et appelle à voter pour Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2012. A travers ses engagements, Renaud Camus défend l’idée de la  “préservation de la civilisation” et critique farouchement le multiculturalisme. Ses différents engagements forcent ses éditeurs P.O.L. et Fayard à cesser leur collaboration avec l’écrivain sulfureux.

 

Lorsque l’extrême droite s’inspire de Renaud Camus

Quelques heures après l’attentat de Christchuch, causant la mort de 51 personnes dans une mosquée néo-zélandaise an mars dernier, l’enquête annonce que le tireur voulait “lutter” contre le multiculturalisme, le “Grand Remplacement”. La théorie, développée par Renaud Camus en France, annonce un mouvement migratoire de masse venant d’Afrique pour “remplacer la civilisation blanche”.  Interrogée sur la théorie, la présidente du Rassemblement National Marine le Pen fait alors mine de ne pas la connaître, elle qui évoquait pourtant le « remplacement de la population française » en 2011. Depuis quelques années, la thèse de Renaud Camus, expliquée dans un livre paru en 2011 « le Grand Remplacement », inspire les milieux d’extrême-droite nationalistes qui érigent l’écrivain comme le penseur de l’anti-immigration et du multiculturalisme. En 2014, Renaud Camus écope d’une amende de 4000 euros après avoir qualifié les musulmans de « voyous » et de « colonisateurs »

 

La « Ligne Claire »

En 2019, Renaud Camus est officiellement tête de liste aux élections européennes. Sa liste anti-immigration, baptisée « Ligne Claire », compte 77 candidats et s’articule autour de la thèse du Grand Remplacement. Outre l’écrivain, la liste possède également deux autres visages reconnaissables dans ses rangs : le président du parti souverainiste SIEL Karim Ouchikh et Fiorina Lignier, étudiante de 20 ans blessée par un tir de flash-ball en décembre dernier.


En 2014, lors du dernier scrutin européen, une liste avait déjà été menée par Renaud Camus mais uniquement dans la circonscription du Sud-Ouest; elle avait recueilli 0,05% des suffrages. Dans le programme de la Ligne Claire, les obsessions de l’écrivain se retrouvent : la capitale de la « collaboration bruxelloise », la « guerre de la décolonisation » et « le crime contre l’humanité qu’est le Grand Remplacement ».

Si une fois de plus, la liste devrait avoisiner les 0% selon un dernier sondage IFOP, elle fera néanmoins partie des listes d’extrême-droite qui secoueront le prochain scrutin européen.

Edouard Lebigre

Un média breton d’extrême droite condamné pour provocation au crime

L’administrateur de Breiz Atao, site breton d’extrême droite, a été condamné lundi à 18 mois de prison et 8 000 € d’amende pour provocation au crime, rapporte Ouest-France.

Le site breton Breiz Atao fichait des militants engagés notamment pour les migrants ou contre l'homophobie.
Le site breton Breiz Atao fichait des militants engagés notamment pour les migrants ou contre l’homophobie.

« Le siège de Vienne par les Turcs musulmans (documentaire) », « Angleterre : prière de rue organisée à quelques mètres… de la mosquée de Londres (vidéo) », ou encore, « Belgique : les nouveaux élus du parti « Islam » annoncent vouloir instaurer la charia et un état islamique dans le pays (vidéo) »…, voilà un petit florilège des articles publiés, lundi 9 avril 2018, sur le site Breiz Atao, alors que son procès était en cours. L’administrateur du média, qui se revendique comme « quotidien de l’Etat national breton », Boris Le Lay, était jugé à Rennes pour diffamation et injures publiques, mais aussi provocation au crime ou délit. Il a été condamné à 18 mois de prison et 8 000 euros d’amende.

18 personnes fichées

Le site d’extrême droite organise un fichage de militants rennais, engagés auprès des migrants, des sans-papiers, contre le sexisme, ou encore l’homophobie, rapporte Ouest-France. La première plainte a été déposée il y a deux ans. Dix-huit femmes et hommes victimes de ce fichage étaient présents au procès lundi.

Boris Le Lay, 35 ans, lui, était absent. Natif de Quimper, il serait domicilié au Japon. Ayant déjà fait l’objet de deux mandats d’arrêt, il a déjà été condamné en France pour apologie du crimes et provocation à la haine. Son site, créé en 2010, serait hébergé aux Etats-Unis. Il avait déjà été déréférencé de Google pour qu’il n’apparaisse plus dans les résultats de recherche, mais le site est toujours accessible.

Un euro symbolique aux victimes

Le procureur de la République a requis 18 mois de prison, 5 000 euros d’amende et a demandé à ce qu’un nouveau mandat d’arrêt soit ordonné. Le tribunal l’a suivi, tout en alourdissant le montant de l’amende, fixé à 8 000 euros. Boris Le Lay a également été condamné au versement d’1 euro symbolique, à chacune des parties civiles.

Solène Agnès

CARTE – Où en est l’extrême droite en Europe ?

Populistes, nationalistes, anti-immigration et surtout europhobes, les partis d’extrême droite ont le vent en poupe depuis plusieurs années en Europe, et les récentes élections en Italie et en Hongrie le confirment. Viktor Orban a rempilé dimanche pour un troisième mandat consécutif, renforçant sa position au Parlement. Icône des partis populistes europhobes, il a su tout de même rester proches des partis traditionnels, et siège aux côtés d’Angela Merkel au Parlement européen. Alors que les élections européennes se rapprochent, où en est l’extrême droite en Europe ? Qui sont les principaux partis, les noms et les forces politiques en présence ?

 

Colin Gruel