Pilule qui « simule l’activité physique » : trois questions à un médecin du sport

Des chercheurs de l’Institut Salk à San Diego en Californie ont publié mardi, dans la revue Cell Metabolism, des travaux  sur une pilule aux même effets bénéfiques qu’une activité sportive. Un espoir pour les sédentaires, les handicapés, ou encore les obèses et les cardiaques. Mais est-ce réaliste ? Pour le docteur Frédérique Benat, médecin du sport, « c’est une grande avancée qu’ils viennent de réaliser avec ces tests sur les souris » mais il est « dangereux » de laisser penser qu’un remède miracle permettra de rester en bonne santé sans ne rien faire.

Un monde sans personne en surpoids, où l’obésité n’existe pas, où le diabète est éradiqué, le tout, sans jamais faire de sport. C’est plus ou moins ce que promettent des chercheurs américains de l’Institut Salk à San Diego (Californie). Ces scientifiques ont mis eau point une pilule permettant de reproduire les effets bénéfiques d’une activité physique. Cette molécule expérimentale nommé GW1516 (GW) agit notamment sur un gène qui joue un rôle clé pour brûler la graisse de l’organisme et doper l’endurance. Plusieurs tests ont été effectués sur des souris avec des résultats saisissants. Une souris qui a pris la pilule court en moyenne 270 minutes avant d’être épuisée. Celles qui n’ont pas pris de pilule ne courent pas plus de 160 minutes. Soit un gain d’endurance de 70% ! De plus, les souris traitées pendant deux mois ont pris nettement moins de poids et ont mieux contrôlé leur taux de glycémie que celles qui n’ont pas été traitées. La preuve, peut-être, que la pilule permettrait de lutter contre le diabète. De nombreux tests doivent encore être effectués avant que la pilule puisse être mise sur le marché. Il y a dix ans, des chercheurs avaient mis au point une molécule avec les mêmes bénéfices … qui provoquait le cancer.

Croyez-vous en l’efficacité de cette nouvelle pilule et pensez-vous qu’elle puisse un jour être utilisée sur les hommes ?

Docteur Frédérique Benat : C’est difficile à prédire. C’est une grande avancée qu’ils viennent de réaliser avec ces tests sur les souris. De ce qu’ils disent, les résultats ont l’air positif, mais s’ils communiquent dessus c’est justement parce que ces tests sont probants. Il y a forcément des choses qu’ils ne disent pas, qu’ils gardent pour eux. Sinon la pilule serait déjà sur le marché. Mais scientifiquement parlant, ça ne me paraît pas impossible. En stimulant certains gènes, cette molécule peut créer une forme de simulation d’activité physique et en tirer tous les avantages sans bouger le petit doigt. Attention également aux effets secondaires, qui peuvent être plus dérangeants que les avantages.

Est-ce qu’on a trouvé la solution miracle pour lutter contre l’obésité, voire le diabète ?

Docteur Frédérique Benat : Non, pour l’instant, la seule solution c’est de faire du sport et de manger sainement. Rien d’autre ! Il ne faut pas laisser penser qu’un remède miracle permettra de rester en bonne santé sans ne rien faire. C’est dangereux. Évidemment que si ce médicament peut aider les personnes en surpoids, les diabétiques ou même les handicapés c’est super. Mais le but ce n’est pas de devenir dépendant à cette pilule. Et puis on ne sait pas combien elle coûtera. Il ne faut pas qu’elle créée plus d’inégalités, entre ceux qui peuvent se l’offrir et ceux qui ne peuvent pas par exemple. Pour toutes ces raisons, je préfère répéter que la seule solution viable pour lutter contre l’obésité c’est le sport et l’alimentation.

N’y t-il pas un risque d’abandon de l’activité physique à terme si une pilule comme celle-ci venait à être mise en vente ? Quelles en seraient les conséquences ?

Docteur Frédérique Benat : Je ne pense pas parce qu’il y a un fort aspect divertissant dans le sport. Les gens ne pratiquent pas le football ou le basketball uniquement parce que c’est bon pour la santé. Ils le pratiquent pour la compétition et pour le plaisir que cela créé. Il n’y a qu’à voir les audiences que font les événements sportifs comme la Coupe du Monde de football ou les Jeux Olympiques. Donc je ne m’inquiète pas trop. En revanche, ça aurait effectivement des conséquences désastreuses. Il y a beaucoup d’autres bienfaits dans l’activité physique que la simple perte de poids. Dans la répétition des efforts, dans le dépassement de soi, dans la dimension collective de certains sports, ce sont plein de valeurs importantes véhiculées par le sport. Il peut permettre d’augmenter la confiance en soi par exemple ou encore augmenter les liens sociaux. Ce sont toutes ces choses qu’apporte le sport et qu’une pilule ne peut remplacer.

 

Ryad Maouche