Tentative de blocus avortée à l’université de Nanterre

Lundi matin, une cinquantaine de CRS ont fait évacuer trois bâtiments abritant le département des sciences sociales et de psychologie, bloqués et occupés par une trentaine d’étudiants depuis 7 heures. Par mesure de sécurité, les autres bâtiments ont fermé leurs portes. Leur revendication officielle? Protester contre la loi Vidal, qui instaure une sélection à l’entrée de l’université. La faculté Paris X-Nanterre est actuellement partiellement fermée, sur ordre de la direction. Sept étudiants ont été arrêté sur place, dont un militant de l’UNEF, qui est actuellement encore en garde à vue.

« On Nanterre la sélection », comme celui-ci à l’université Paris X-Nanterre, les murs ont été entièrement recouverts de tags revendicatifs. Sur une cloison en bois, érigée spécialement pour l’anniversaire de Mai 68, des lettres noires dégoulinantes indiquent « Macron, on va te pendre », au dessus d’une photographique signée Jean Pottier et sous-titrée, « Mai 68, ici et encore ». Mais, cinquante ans après, que reste-il de l’esprit de mai 68 à Nanterre?

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Arrivé sur le toit du bâtiment E, le petit groupe d’étudiant a déroulé plusieurs banderoles « On Nanterre la sélection », pour protester contre la loi Vidal.

« Pas grand chose », selon Myriam, étudiante en deuxième année de Licence de lettres modernes. Cette jeune femme aux longs cheveux noirs, est venue ce matin pour réviser ses partiels, qui auront lieu la semaine prochaine. « Je comprends leurs revendications, mais ils nous empêchent de travailler. Nous, on a rien demandé ! », s’indigne la jeune femme, prostrée devant le bâtiment L, qui abrite le département d’art du spectacle.

Plus tôt dans la matinée, les étudiants ont organisé une assemblée générale, pour voter le blocage de l’université Paris X-Nanterre, qui s’est soldé par un échec. Adrien, étudiant en Master 2 de droit dénonce un « bordel », qui serait orchestré par une « minorité bruyante ». « C’est toujours la même chose ici. Quand vous votez contre le blocus, on vous traite de facho et on ne prend pas en compte votre avis, ce n’est absolument pas démocratique », dénonce le jeune homme, qui préfère rentrer chez lui pour travailler ses partiels, qui auront lieu dans une semaine. Pourtant, à Nanterre, le syndicat étudiant UNEF « est toujours mobilisé », assure un de ses militants étudiant en histoire, qui souhaite garder l’anonymat. « Le but du blocus organisé aujourd’hui, c’est principalement pour faire enterrer la loi Vidal. On dit non à la sélection de la fac! Mais c’est aussi plus largement le ras-le-bol d’une jeunesse qui se sent totalement délaissé par le gouvernement, qui tente de nous bâillonner! », s’insurge ce militant de l’UNEF. « On a tenté de se réunir pour une Assemblée générale à plusieurs reprises, et à chaque fois, la direction, nous en a empêché! », conclut le jeune homme.

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Officiellement mobilisés contre la loi Vidal qui instaure une sélection à l’entrée de l’université, une partie des étudiants déclare vouloir « défendre le service public, les infirmières, les cheminots, les zads… ». Dimanche, le président de la faculté de Nanterre, Jean-François Balaudé, avait empêché la Coordination étudiante de se réunir et d’organiser un blocus des lieux.

Au bâtiment E, qui arbitre les plus grands amphithéâtres de l’université, une poignée d’étudiants ont bloqué les lourdes portes de l’entrée avec des chaises, rendant son accès impossible. Retranchés sur les toits du bâtiment, ils ont déployé plusieurs banderoles « On Nanterre la sélection », tout en scandant « Balaudé, démission ». Face à eux, une centaine d’étudiants, intrigués, sont venus écouter les revendications de leur camarades. Parmi eux, Blandine, étudiante en troisième année de Licence de psychologie. « Je suis d’accord avec leur combat. Commencer à sélectionner les élèves dès l’entrée de la faculté, ce n’est pas égalitaire! », explique l’étudiante, avant d’aller à la rencontre d’un CRS. Sur place, l’ambiance est bon enfant. Certains étudiants se laissent même aller à quelques blagues avec les policiers, comme Adrien. « Je les plains. Ils sont venus jusqu’ici pour pas grand chose. C’est une réaction disproportionnée », confie l’étudiant en droit. Vers 13 heures, la faim des étudiants commence à se faire sentir. « On crève la dalle », lâche l’un d’entre eux. La pluie froide, de plus en plus forte, démotive certaines étudiants. La foule commence à se dissiper. Déployés autour et à l’intérieur des bâtiments, les CRS sont parvenu a évacué l’ensemble des étudiants vers 15 heures. Sept étudiants retranchés à l’intérieur des bâtiments ont été arrêtés. Un militant de l’UNEF a été placé en garde à vue.

 

 

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Suite au blocus de trois amphithéâtres, la direction de l’université a ordonné la fermeture de tous les bâtiments du campus. Depuis les fenêtres, les étudiants ont pu assister aux revendications de leurs camarades.

 

L’université Paris X-Nanterre a réagi dans un communiqué publié cet après-midi, précisant, qu' »aucun dialogue n’a été possible avec ces personnes qui ont d’ores et déjà vandalisé des salles du bâtiment. Ne pouvant plus avoir de contrôle sur cette partie de nos locaux, et en considération du contexte national, nous avons décidé de procéder à l’évacuation. » « Il s’agit de mettre fin à l’occupation illégale d’un lieu », a confié Baptiste Bondu, le directeur de cabinet de l’université, au Parisien 92. Monsieur Bondu assure qu’« il ne s’agit pas pour autant d’empêcher les étudiants de se mobiliser ». La direction a également a ordonné la suspension des activités de la faculté pour la journée de lundi.

 

 La Coordination nationale étudiante (CNE) a appelé à une nouvelle mobilisation sur les campus mardi.

Camille Bichler