Des entreprises de collecte de déchets médicaux à la limite de la saturation

Masques, blouses, gants… avec le retour de l’épidémie, les établissements de santé ont de nouveau produit plus de déchets médicaux. Face à cette augmentation, les entreprises de collecte de déchets médicaux doivent elles-aussi s’adapter.

Les bacs des déchets médicaux, appelés DASRI (déchets d’activités de soins à risque infectieux) sont conduits à une usine de traitement où leur contenu est incinéré. (Photo by JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

« On doit ramasser beaucoup plus de déchets que pendant le premier confinement. » Ces dernières semaines, Olivier Gillet, patron d’une petite entreprise de collecte de déchets médicaux dans l’Allier a été beaucoup plus sollicité qu’en temps normal. Relativement épargné lors du premier pic de la crise sanitaire au mois d’avril, ce département d’Auvergne-Rhône Alpes connaît depuis mi-octobre une augmentation du nombre de cas de Covid-19. Au 12 novembre, 75,2 hospitalisations ont été enregistrées pour 100 000 habitants. SI bien que la région est devenue l’épicentre de la pandémie en France. Les soins ont entraîné une surproduction de déchets qui oblige alors les entreprises de collecte à s’organiser. « En ce moment, on passe dans les établissements de santé deux fois par semaine alors qu’ordinairement, c’est une fois tous les quinze jours. »

« C’est assez différent de la première vague », constate à son tour Sébastien Rigal, directeur de l’unité de tri de Veolia dans le Puy-de-Dôme. Comme Olivier Gillet, lui et ses équipes ont dû s’adapter à une augmentation du nombre de déchets médicaux. « On remarque une augmentation de 5 à 10% par rapport au mois de mai », estime-t-il, « c’est lié au fait que le covid est arrivé plus brutalement ici et jusqu’à la semaine dernière, les hôpitaux n’avaient pas encore suspendu leurs opérations.» En effet, les opérations chirurgicales produisent des déchets médicaux plus lourds que les soins Covid. Au mois de mai, Sébastien Rigal avait même noté une baisse du tonnage de déchets médicaux traité par ses équipes du fait de la priorisation au Covid-19 des services hospitaliers.

Une pénurie de bacs de déchets médicaux

« Le problème n’est pas tant l’augmentation des déchets mais celle des bacs dans lesquels on les met », explique-t-il. « Les hôpitaux nous en demandent 10 à 12 à chaque fois, ce qui nous oblige à augmenter les rotations et les équipes au sein des usines de traitement pour maintenir un rythme plus important que d’habitude. » Face à cette hausse de la demande de bacs, l’entreprise de gestion et de tri a dû utiliser son stock mais craint bientôt de ne plus en avoir assez. « On en aurait bien demandé aux régions voisines mais il y a une pénurie au niveau national », assure le directeur.

Face à une forte demande des hôpitaux, la filière de traitement des déchets médicaux arrive à saturation. (Photo by JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Les bacs, une fois récupérés à l’hôpital par des camions dédiés à ces déchets médicaux, sont emmenés dans des centres d’incinération spéciaux où ils sont brûlés. Les bacs sont ensuite nettoyés puis emmenés de nouveau dans des établissements de santé où ils seront remplis. Un système de rotation qui est donc arrivé à saturation face à cette augmentation du nombre de bacs. « Même en renforçant les équipes pour la collecte, on avait plus de bacs à fournir parce qu’on n’a pas pu vider tous les bacs qui étaient arrivés en traitement », déplore Sébastien Rigal.

Malgré le besoin, le recrutement a en plus été difficile, faute de personnes formées. «Le métier du déchet est de plus en plus spécialisé et on a beaucoup de mal à recruter des gens », regrette le directeur, « au mois de mai, on a surtout mis en valeur les collègues qui ramassent les ordures ménagères, sauf que le déchet, ce n’est pas que ça. Mais ça reste une filière où les gens n’ont pas envie d’aller.» En attendant, les entreprises de collecte espèrent que l’épidémie ne va pas s’intensifier. « Autrement, ça va vraiment être compliqué», lâche Olivier Gillet, amer.

Aurélie Loek

Au Québec, un soutien virtuel face au Covid-19

« J’ai eu la COVID-19 » est un groupe Facebook visant à favoriser l’échange entre victimes directes ou indirectes du coronavirus. Sa créatrice Julie Breton envisage d’étendre l’édition québécoise à l’Hexagone.

Julie Breton a créé la page Facebook « J’ai eu la COVID-19. » pour rassembler des témoignages et informer la population. Photo Julie Breton

“Le” ou “La” Covid, la question fait débat. Et si l’Académie Française, tout comme l’Organisation Mondiale de la Santé, recommande bien de parler de “la” Covid, les Québécois, eux, ont déjà tranché sur la question depuis longtemps.

« J’ai eu la COVID-19” se destine à « être un lieu de témoignages de gens qui se sont rétablis. » Créé il y quelques semaines par Julie Breton, enseignante québécoise de 42 ans, il rassemble des posts de personnes testées positives au coronavirus ou de leurs proches. « L’objectif est d’avoir un endroit où se rassurer ; au Québec, on n’a pas tous les jours le nombre de morts, d’hospitalisations, de soins intensifs. À l’occasion on a un nombre de gens rétablis, mais c’est tout. Je voulais donner une voix à ces gens.»

Comptant 289 membres à l’heure actuelle, le groupe facebook est un moyen pour les patients remis de la maladie de partager leur expérience. Sélectionnés à l’entrée, les membres doivent obligatoirement avoir été testés positifs au Covid-19, ou connaître une personne ayant reçu un diagnostic médical. Écrire, raconter son vécu est alors une façon d’affronter psychologiquement cette crise sanitaire, et de créer un lien social : « Parmi les membres, certains ont écrit dans le groupe que cela leur avait fait du bien d’en parler. D’autres membres déjà rétablis reviennent donner des nouvelles, et les membres entre eux s’écrivent, se soutiennent » explique Julie Breton.

Pour l’instant, le groupe ne possède pas d’équivalent sur la toile française. Au Québec, selon les chiffres du 18 mai, on compte 42 920 cas confirmés de coronavirus, 3562 décès et 11 754 guérisons.

Colette Aubert

Concours 2020 : le marathon continue

L’épidémie du Coronavirus a bouleversé le calendrier des concours nationaux. Entre modifications des épreuves, report des examens et annulations en cascade, les candidats aux grandes écoles vivent tant bien que mal une situation inédite.

Chaque année, ils sont des milliers à tenter le concours de Polytechnique pour moins de 400 places attribuées.

La date du concours d’entrée à Polytechnique, Augustin la connaît depuis près de deux ans. Voilà 21 mois que cet étudiant en prépa d’un prestigieux lycée dans le 6ème arrondissement parisien travaille d’arrache-pied avec un objectif : être prêt pour le 20 avril 2020. Pourtant, le 15 mars dernier, tout bascule pour lui. Le ministère de l’Enseignement supérieur décrète le « report des examens nationaux et des concours » en raison de l’épidémie du Covid-19. « C’est comme si on disait à un sprinter qui est dans les starting-blocks que la course est annulée », analyse l’étudiant. Reporter le concours signifie reporter des mois d’efforts. Comme lui, ce sont près de 20 000 candidats aux écoles d’ingénieurs, réglés comme des horloges, qui découvrent un nouveau sentiment : l’incertitude. « Le concours était censé être la délivrance. Se dire que l’on doit patienter deux mois supplémentaires cela fait monter la pression ». Un comble pour le microcosme des grandes écoles où la pression est, dès mars, à son paroxysme.

Pour certains candidats, le constat est encore plus amer. Le Covid-19 a eu raison de certaines épreuves, notamment pour les écoles qui n’avaient pas eu le temps de faire passer leurs écrits avant le confinement. Les Instituts d’études politiques de province, dits « Science Po », les écoles de commerce ou encore certaines écoles de journalisme ont dû annuler leurs concours d’entrée. Ils ont été remplacés en urgence par une sélection sur dossier. « Ce n’est pas facile de se défendre avec un dossier lorsque tu t’es préparé pour des écrits », commente Elizabeth Balas, responsable pédagogique à l’Institut Céres de Lyon, une préparation privée pour les concours. A l’École normale supérieure (ENS) de Rennes, c’est l’oral de culture générale qui a été supprimé. « Ce qui est dommage c’est que mes étudiants ont développé des capacités qui leur permettent de faire la différence, ajoute Nicolas Duprey, professeur d’une prépa « ENS Rennes » au lycée Jean-Mermoz de Montpellier. Certains se disaient « on sauve les meubles à l’écrit car à l’oral on se sent mieux ». Il faut changer la stratégie. ». Et Adrien le sait bien. A 22 ans, il avait fait le choix de passer son printemps dans des salles d’examen bondées en s’inscrivant à sept écoles de journalisme. Depuis septembre, il se réveille tous les jours à sept heures pour écouter les matinales radio et lire les premières éditions des journaux. « Cette intensité ne m’a servi quasiment à rien, analyse-t-il aujourd’hui avec amertume. J’ai fait 6 dossiers en 2 mois. J’ai expliqué 6 fois de manière différente pourquoi j’étais motivé. A la fin, je peux t’assurer que tu n’es même plus motivé ».

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Des inégalités qui se creusent

Dans ce contexte inédit, toute la difficulté pour les étudiants réside dans le fait de garder le rythme. Avec la mise en place du confinement et l’annulation des cours en présentiel, les conditions de travail sont devenues encore plus difficiles. « On a baissé le rythme par rapport à la prépa car 12 heures de travail par jour c’est impossible à tenir à la maison », détaille Augustin. L’étudiant le reconnaît : se confiner avec trois amis à lui, tous candidats aux mêmes écoles, l’a aidé à se motiver. « Tout seul, j’aurais eu énormément de mal ».

Pour Alix Robichon, professeure d’anglais pour les classes préparatoires au lycée Carnot de Dijon, le Covid-19 a creusé les inégalités des élèves face aux concours. « Ils doivent tenir à la maison une discipline déjà compliquée à respecter à l’école, observe-t-elle. Il faut s’astreindre à un certain nombre d’heures, être rigoureux … Cela dépend énormément de l’endroit où ils sont confinés ». Elle confie par exemple entendre des enfants en bas âge pleurer lors de cours virtuel qu’elle organise via les outils numériques. « Ils ne sont pas tous égaux face à la situation. Il y en a qui n’ont même pas accès à internet. C’est dramatique », commente la professeure. « D’un coup, le rythme s’est écroulé en mars. Au début, je me suis senti un peu perdu, ajoute Adrien qui est confiné seul chez ses parents à Toulouse, bien loin de Lille, sa licence et ses amis. Avec le confinement on ne peut même plus souffler en sortant voir des amis. Il n’y a plus cet esprit de camaraderie si utile à la préparation. Là, on se retrouve vraiment tout seul chez soi ».

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Les premières années, premiers perdants

En temps normal, les classes préparatoires publiques sont censées corriger au maximum les inégalités entre étudiants. « Ce qui t’aide à travailler en prépa c’est l’environnement. La routine, voir les mêmes personnes, la même classe, la même école … Les élèves baignent dedans et ça les motive », affirme Alix Robichon. Mais avec l’épidémie, ce modèle d’accompagnement est mis à mal. « Depuis le 31 mars, on a interdiction de mener des khôlles [N.D.L.R. : exercice oral spécifique aux classes prépas]. On n’a plus aucun accompagnement en trinôme ou en binôme, déplore Nicolas Duprey. On ne peut plus creuser avec eux, les accompagner, vérifier leur travail correctement … C’est pourtant ce qui fait la spécificité de la prépa ».

Pour le professeur d’économie, les grands perdants du Covid-19 sont pourtant les futurs candidats: les premières années. « A cet âge-là, lorsque tu es au mois de mars, c’est très difficile d’être autonome. Tu ne te connais pas assez bien, tu ne connais pas parfaitement ton rythme de travail. Il va y avoir un vrai impact sur la promotion en cours », affirme celui qui encadre les futurs candidats à l’ENS de Rennes. En plus, « les élèves qui voulaient arrêter la prépa veulent tous rester car ils se disent que c’est, au final, gérable comme quotidien. En deuxième année on va être encore 45. Cela va poser de gros problèmes ». Et à Alix Robichon d’ajouter. « Ceux qui n’ont en plus pas accès à internet ne peuvent pas suivre ce qui s’est fait ces dernières semaines. Or, 6 semaines sur 2 ans c’est énorme. Beaucoup de chapitres et de notions passent à la trappe. Je ne vois pas comment les premières années pourront s’en sortir l’année prochaine. ».

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Un système chamboulé

C’est donc un épisode délicat qui se joue actuellement pour les concours d’entrée aux grandes écoles. Entre l’annulation de certaines épreuves, le report d’autres et les inégalités qu’accentuent le confinement, les futures promotions risquent d’être fortement affectées. Avec l’épidémie, c’est le système méritocratique français incarné par la figure de l’examen qui vacille. Une croyance fortement répandue chez les élèves si l’on en croit les pétitions qui se multiplient sur internet. Plus de 6 500 signatures pour le maintien des oraux en école de commerce, 2800 pour demander la tenue des épreuves de Science Po au nom de l’égalité des chances … Les élèves admis dans les grandes écoles en 2020 s’inquiètent déjà pour la valeur de leur futur diplôme. « L’avenir nous le dira mais comme les oraux sont d’ordinaire assez impersonnels en science il n’y aura probablement pas de dévaluation du diplôme », affirme pour autant Alix Robichon. Par contre, des surprises peuvent être attendues cette année. « On se dit naïvement que cela peut être le moyen que les cartes soient rabattues. Les boîtes à concours qui font du bachotage n’ont plus l’avantage concurrentiel car il y a plus de temps pour tout le monde. Potentiellement, il peut y avoir des surprises. Mais il peut aussi y en avoir des mauvaises … », tempère de son côté Nicolas Duprey. Pour Augustin, en tout cas, l’école qu’il vise a décidé de maintenir coûte que coûte ses épreuves, oraux compris. Et cela rassure l’étudiant. Au moins, « On ne pourra pas dire que Polytechnique aura été bradé ».

 

Gianni Roche et Paul De Boissieu

La longue route vers la rémission des patients Covid

Selon des chiffres du gouvernement datés du 18 juin, près de 74000 patients atteints du Covid-19 se sont rétablis après avoir été hospitalisés. Mais que l’on soit passé par l’hôpital ou non, le rétablissement peut être long, et certains malades font face au rejet de leur entourage. Comment vit-on l’après-Covid-19 ?

Pour les patients les moins gravement atteints, l’usage du paracétamol est largement recommandé. Photo Elisa Fernandez

“On entend souvent “Vous avez de la fièvre ou de la toux ? Vous êtes peut-être malade”. Ça me fait rire. Ma fille et moi, on avait bel et bien le Covid, pourtant on n’avait pas ces symptômes-là”. À l’hôpital d’Aix-en-Provence, Murielle Bonati s’est portée volontaire pour travailler en service Covid. Mais lors de sa première nuit, l’aide-soignante de 44 ans ne sent plus le goût des aliments. À cela s’ajoute une difficulté pour respirer. Elle et sa fille de 14 ans sont testées positives et Murielle est arrêtée pendant près d’un mois.

Mais alors qu’elle récupère ses capacités et que ses derniers tests sont négatifs, elle perçoit une certaine méfiance dans son entourage : “Ma fille avait prévu d’aller dormir chez une copine, et finalement sa mère a refusé parce que personne ne sait réellement combien de temps on est malade. On a laissé tomber. Si par malheur elle l’attrapait de son côté, elle aurait pu dire que c’était de notre faute”. Une réaction qu’elle trouve légitime, mais qui lui donne l’impression d’être considérée comme une “pestiférée” : “Cette joie de retrouver nos proches après le confinement, c’est quelque chose qu’on n’aura pas tout de suite. Je comprends qu’on puisse se méfier, avoir de l’appréhension. Mais on n’est plus contagieuses et je n’ai pas envie que les gens aient peur de nous côtoyer”

Cette sensation de rejet, Joseph Amzallag en témoigne également alors que toute sa famille a contracté le virus au début du confinement. Pour l’étudiant en sciences politiques, confiné avec ses parents et son frère, le caractère inconnu du virus a pu nourrir cette méfiance : “Quand on disait aux gens de notre entourage qu’on avait le virus, ils étaient, peut-être pas dégoûtés, mais surpris. C’était au début du confinement, et on ne connaissait encore personne qui l’avait attrapé”.

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“Un grand coup de massue” 

Le docteur Leborgne a été hospitalisé après de fortes difficultés respiratoires. Photo Colette Aubert

J’ai commencé à être malade le 20 mars. Le premier symptôme que j’ai eu, c’est comme si j’avais pris un grand coup de massue, je me suis senti fatigué comme rarement. Le lendemain, j’étais très essoufflé, je toussais énormément, les bronches me brûlaient et j’avais de la fièvre”À 66 ans, Patrick Leborgne, médecin généraliste à La Roche Blanche dans le Puy-de-Dôme, a passé quatre jours en réanimation sous assistance respiratoire à la suite d’un test positif.

Ayant directement pris un traitement à base de chloroquine, il note une nette amélioration de son état au bout de cinq jours. Avant une sévère rechute : “J’allais très bien jusqu’au septième jour, c’était un samedi. Je disais même à une amie que j’allais reprendre le travail le lundi. Et le samedi après-midi, d’un seul coup, j’ai été profondément épuisé. Le lundi soir, mon fils appelait les pompiers pour me faire hospitaliser car j’étais passé en détresse respiratoire.” À l’heure actuelle, après sept semaines d’arrêt de travail, il ressent encore la trace laissée par la maladie sur son corps : “J’aime bien faire du golf, et un parcours fait 12km. Aujourd’hui je ne pourrais pas le faire, c’est trop”. 

Paul, un policier de 26 ans touché par le virus fin mars, a aussi eu à supporter une rémission physique lente : “Parler, monter les escaliers, faire de tout petits efforts était devenu pénible, j’étais essoufflé très vite”. Si la récupération physique a pu être vue comme une étape courte et sans séquelles a posteriori, elle n’a pas toujours été bien vécue : Louis Delahaye, 17 ans et amateur de triathlon, explique que le Covid-19, en plus de l’avoir isolé de sa famille, a largement limité ses capacités physiques : “Le temps que ça aille mieux, que je puisse reprendre le sport et revoir ma famille, il m’a bien fallu une semaine en plus pour vraiment être en pleine forme”. Au-delà de la fatigue, Joseph Amzallag souligne la persistance de la perte de goût, deux mois après avoir été infecté : “L’odorat est revenu, mais le goût, ça va ça vient.” 

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Une rééducation balbutiante

Si les symptômes dépendent largement de chaque individu, l’étendue des séquelles physiques a été largement sous-estimée selon le Dr Leborgne : “Au début, on a tous cru que c’était une grippe habituelle. On s’est rendu compte ensuite que le virus atteignait le système vasculaire, le coeur, le foie, les intestins… il y a même des lésions neurologiques, et on l’ignorait.”

La maladie pourrait engendrer, au lieu des huit semaines de rémission présumées, plus d’une année de rééducation pour les patients les plus atteints : “Pour 85% des cas c’est une petite grippe, pour 15% c’est une maladie sévère” explique le médecin généraliste. Et si les patients les plus sévèrement touchés ne peuvent a priori pas être de nouveau contaminés par le virus, les rechutes ne sont pas exceptionnelles ; elles surviennent le plus souvent entre le huitième et le dixième jour après l’apparition des premiers symptômes.

Pourtant, la rééducation des patients semble encore difficile. D’autant qu’il est encore difficile pour les kinésithérapeutes de les recevoir : “Pour accueillir les patients, il faut du matériel qu’on n’a pas encore : sur-chaussures, gants, charlottes, visières… pour l’instant, on n’est pas équipés” dénonce Guillaume Chambas, kinésithérapeute à Clermont-Ferrand.

Quant au traitement à la chloroquine préconisé par l’infectiologue Didier Raoult, le médecin généraliste puydômois rappelle qu’il fait encore débat : “Dans l’ensemble des CHRU, on ne le dit pas officiellement, mais tous les patients en reçoivent. Sauf à Paris, où il y a un certain ostracisme. C’est un médicament que l’on manipule depuis longtemps, des milliers de personnes en prennent chaque année pour traiter des maladies auto-immunes. Mais, par précaution, il faut faire un électrocardiogramme car il y a une contre-indication.” 

 

“Je pensais que j’allais mourir”

Pour lutter contre la propagation du virus, au moins quatorze jours de quarantaine sont recommandés pour les malades. Photo Elisa Fernandez

L’isolement est la première mesure recommandée par le corps médical afin de freiner la propagation du virus. Mais il n’est pas sans conséquences pour certains malades ; dans plusieurs cas de figures, il a généré du stress : “J’étais enfermé dans ma chambre toute la journée. Pour ne pas contaminer les autres, c’était l’enfer. Je restais dans ma chambre, et ils me mettaient mes repas devant la porte”, se souvient Louis Delahaye. Paul a lui aussi souffert de cet isolement, doublé du sentiment d’être un danger pour les autres : “Ma copine ne voulait pas me voir pendant quelques jours après la fin de ma quarantaine.”

Chez certains patients, la peur de la maladie a pris un tournant plus grave. Laurence Trastour-Isnart, 48 ans, députée française et conseillère municipale dans les Alpes-Maritimes, a été contaminée “sûrement lors du premier tour des municipales”. Sévèrement atteinte, le virus a fortement atteint son moral : “À certains moments, je pensais que j’allais mourir. Je me sentais tellement mal que je pensais que je n’allais jamais surmonter ça.” Angoissée à l’idée de ne jamais guérir, la députée appréhende le retour au travail : “Je veux désinfecter toute la permanence, prendre des précautions, ne laisser entrer qu’une personne à la fois.”

Afin d’aider les patients en convalescence, une aide psychologique leur est proposée, notamment après les hospitalisations. “Je n’en ai pas eu besoin’ explique le Dr Leborgne ; “beaucoup d’amis et de patients m’ont demandé si j’avais eu peur. Non, mais le fait d’être médecin m’a aussi permis de prendre du recul”. 

 

Maintenir les consultations à distance 

 

Mesures de distanciation sociale oblige, beaucoup de psychologues ont opté pour la téléconsultation afin de continuer à répondre à la demande. Au début du confinement, Marie-Jo Brennstuhl et ses collègues du centre Pierre Janet à Metz décident de mettre en place un dispositif de rendez-vous téléphoniques inédit : “C’est quelque chose qui se fait très peu en psychologie. On a dû trouver des solutions pour garder le contact. Et s’adapter aux contraintes qui s’imposent d’elles-même : le manque de réseau ou de matériel informatique…”. Les patients prennent rendez-vous sur la plateforme Doctolib et échangent gratuitement avec un psychologue pendant une heure. “Pour les patients Covid, il y a un choc lié à l’annonce. L’idée d’être diagnostiqué positif peut déclencher de l’anxiété, voire du trauma”, explique Marie-Jo Brennstulh.

Si le maintien d’un lien peut être bénéfique, reste encore à savoir comment envisager l’après-Covid-19. Sophie Riou, psychologue à Nice, soulève les prochains enjeux de l’accompagnement psychologique : “Une fois qu’ils s’en sont sortis, qu’est-ce qu’il se passe ? Il est encore difficile de se projeter. C’est une source d’interrogation qui est angoissante chez l’être humain en général”. Même une fois le patient rétabli, la psychologue tente de garder un contact avec lui : “Comme pour d’autres expériences traumatisantes, on verra peut-être apparaître des formes de mal-être, de décompensation. C’est pour ça que j’essaie de maintenir le lien absolument”

 

Colette Aubert et Elisa Fernandez