Football : les clubs adaptent leurs réseaux sociaux au confinement

Les community managers des clubs de foot, chargés du contenu publié en ligne, doivent s’adapter à l’interruption de toutes les compétitions sportives liée à la pandémie de Covid-19 et au confinement. Comment parviennent-ils à garder l’attention de toute une communauté de d’abonnés ?

Entrée du Stade Vélodrome de Marseille. Flickr

L’arrêt brutal des championnats sportifs dans l’Hexagone a pris de court tous les supporters ainsi que les clubs. Et modifier la communication de ces derniers sur les réseaux sociaux. Les joueurs, confinés comme le reste de la population, ont jeté leur dévolu sur les jeux vidéo. Ils s’affrontent lors de tournois de football en ligne disputés sur le jeu FIFA 20. Parfois, ces compétitions virtuelles sont à but caritatif comme la ePremier League Invitational en Angleterre. Des extraits de ces rencontres sont repris et diffusés sur les réseaux sociaux par les community manager, ces personnes chargées de gérer tout le contenu du club publié sur internet. Ils permettent de continuer à faire vivre le club auprès de toute la communauté d’abonnés.

Mais les supporters peuvent se réjouir, les rencontres virtuelles ne constituent qu’une minorité des publications partagées sur les réseaux sociaux des clubs. Le confinement est l’occasion pour certains clubs de faire rejaillir la gloire d’antan. Grâce à des photos et des vidéos, les équipes permettent à leurs communautés de vivre ou revivre des matchs des légende, des victoires en coupe nationale ou européenne mais surtout les meilleurs moments du club. A l’image du FC Nantes qui, dans une publication Instagram datée du 23 avril, rappelle le parcours européen des Canaris lors de la saison 1985-1986. Cette année-là, les Nantais échouaient en quart de finale face aux Italiens de l’Internazionale Milan. Le community manager en profite également pour annoncer que ce match qui fait partie de l’histoire du club sera diffusée « en direct vidéo sur toutes [leurs] plateformes ».

L’Olympique de Marseille (OM) suit la même tendance que son concurrent en Ligue 1. Raison de plus, cette année l’OM fête ses 120 ans. L’arrêt du championnat n’empêche pas l’équipe de les célébrer avec ses supporters, le tout à distance. Les comptes du club mettent autant en avant son histoire récente que lointaine. Jeudi dernier, Marseille célébrait sa deuxième victoire consécutive en Coupe de la Ligue, en 2011. Pour cet anniversaire, les community manager ont publié un montage photo en insérant des références à l’univers des jeux vidéo, en particulier FIFA. Le buteur qui donna la victoire à l’OM est affiché sur la couverture du jeu, dont le nom est remplacé par celui de la compétition. La photo s’accompagne d’une vidéo du but inscrit en finale. La légende de la publication est sommaire : « L’OM remportait sa deuxième @CoupeLigueBKT ». La localisation est celle du Stade de France, lieu du sacre. La riche histoire du club lui permet de renouveler ce genre de post régulièrement.

Messages de solidarité

Les clubs tentent de diversifier leurs publications sur les réseaux sociaux. Au-delà du sport, les équipes affichent leurs soutiens au personnel soignant et autres professions mobilisées dans la lutte contre le Covid-19. Le Paris Saint-Germain a posté sur son compte Instagram de nombreux messages de solidarité. Certains sont mêmes publiés avec des photos d’abonnés qui travaillent avec le maillot sur les épaules ou le drapeau du club dans leur bureau. Le PSG manifeste son soutien à ceux qu’il surnomme affectueusement les #HérosDuQuotidien. Les joueurs aussi sont mis à contribution, dans des messages vidéo, ils invitent les supporters à rester chez eux et à ne pas prendre de risques inutiles. A l’instar de l’équipe parisienne, le FC Nantes et l’Olympique de Marseille affichent aussi leurs soutiens aux soignants. Les Phocéens ont rejoint avec leur fondation Phocéo, le fonds de dotation de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.

Abdou-Karim Diop

Community manager, un métier difficile devenu indispensable

En une dizaine d'années, la gestion des réseaux sociaux est devenue vital pour les entreprises Crédits : Pexel
En une dizaine d’années, la gestion des réseaux sociaux est devenue vital pour les entreprises
Crédits : Pexel

Dépositaire de l’image publique de l’entreprise, le community manager est un élément clef souvent sous-estimé. C’est un métier difficile, en constante évolution, dont dépendent pourtant les habitudes d’achats de nombreux consommateurs.

La compagnie aérienne américaine United Airlines a perdu un milliard de dollars suite à la publication en avril dernier de deux vidéos sur Twitter. Celles-ci montraient des employés de la compagnie être violents avec un passager. Maîtriser les réseaux sociaux est devenu vital, à l’ère où les commentaires Facebook et les tweets peuvent faire la fortune ou la ruine d’une entreprise.

“Attirer de nouveaux clients tout en satisfaisant les anciens”

Depuis l’apogée des réseaux sociaux, le garant de l’image d’une marque sur internet, c’est lui. Le community manager (CM), animateur de réseaux sociaux, est devenu l’outil indispensable des entreprises. Son objectif ? Attirer de nouveaux clients tout en satisfaisant les anciens.

Répondre aux usagers en colère, c’est la partie la plus visible de son travail. La tâche est chronophage mais permet de créer le sentiment d’une relation humaine, au cas par cas. “On répond avec bienveillance, c’est évident”, affirme Yohan Ammouri, 28 ans, community manager indépendant depuis quatre ans. “Je suis adepte du précepte “le client est roi. Mais s’il y a des insultes, notre charte stipule que l’on peut bannir les utilisateurs. Un peu comme on appelle la sécurité dans un magasin.” Le CM doit répondre dans l’instant pour contenter les clients, et tous les lecteurs potentiels.

Ces clients ne sont pas que les jeunes internet natives. “Sur Facebook, il y a tout le monde, les personnes actives ont entre 25 et 45 ans », constate Amélie Bourgeois, cogérante de l’agence Zébrure. « Pour autant, il faut garder un esprit jeune pour renouveler sa communication.” Il est donc important pour les marques de renvoyer une image positive, mais aussi de publier régulièrement pour donner rendez-vous sur le site.

Pour cela, il est indispensable de maîtriser les particularités de chaque réseau. Les hashtags sur Twitter, les émoticons sur Facebook et les photos sur Instagram. “Il faut bien saisir quel réseau choisir dès le début. Une dimension stratégique est venue s’ajouter, ce métier évolue sans cesse”, explique Yohan Ammouri.

Des conséquences directes sur le chiffre d’affaires

Les réseaux sociaux permettent de toucher une audience très large, très rapidement. Contrairement aux journaux, à la radio ou à la télévision, internet permet de cibler directement les personnes qui voient les messages des entreprises grâce à des algorithmes précis. Ainsi, la page Facebook d’un hôtel de luxe sera recommandée aux personnes avec un certain niveau de revenus et qui ont l’habitude de voyager.

Une bonne campagne sur les réseaux sociaux est probablement le meilleur investissement qu’une entreprise puisse faire pour atteindre les clients”, affirme Tristan Mendès-France, spécialiste de la question. “Mais sans community manager, il y a peu de chances que la présence en ligne soit efficace.

40% des utilisateurs admettent avoir été influencés par les réseaux sociaux pour faire un achat important, selon une étude de Vision Critical. La même étude a trouvé que le plus important pour une marque est d’être représentée par une personne amusante et humaine sur internet. Plus que la qualité des produits ou services vendus, c’est le ton du CM qui attire et fidélise les clients.

Un métier commercial et créatif

La place du community manager dans l’entreprise est primordiale et elle attire des profils différents de la plupart des métiers du digital. Le community manager-type est une femme de moins de 30 ans, diplômée d’un bac + 5 en école de commerce. Sa rémunération est très variable, mais commence à environ 2 000€ brut par mois.

La majorité des community managers sont des femmes.
La majorité des community managers sont des femmes.

Mais certains recherchent des profils différents de ce carcan, comme Amélie Bourgeois. Elle n’a retenu aucune candidature issue d’une école de commerce ou de marketing digital. “Un diplôme dans le numérique, ça ne suffit pas. Il est plus important de fournir un contenu créatif”, explique-t-elle.

Ce “métier du futur” convient particulièrement aux jeunes recrues, déjà férues de réseaux sociaux. Pour les jeunes diplômés, ce poste est souvent un premier emploi pour “mettre un pied dans la porte”. Le community manager reste rarement plus de 5 ans en poste. Les jeunes qui l’exercent ont rapidement envie de gagner plus d’argent et de responsabilités.

L’autre explication est moins glorieuse : le métier est éreintant. Toujours collé à un écran, le CM n’a pas de temps libre, il doit répondre aux sollicitations en permanence. “On répond le plus vite possible”, témoigne Amélie Bourgeois “mais on reste des humains, on répond sur les horaires de bureaux pour “éduquer” la communauté.” Sans compter le caractère souvent agressif des messages des utilisateurs. Des critères qui expliquent les risques de burn out, particulièrement élevés dans la profession.

Louise Boutard & Jean-Gabriel Fernandez

A lire aussi :

Portrait de Camille Cancian, community manager de 28 ans

Top 3 des bad buzz les plus marquants des derniers mois

 

Camille Cancian, community manager sans pression

Sur Instagram, Camille Caucian partage des images de voyages et de cuisine, ses deux spécialités (capture d'écran)
Sur Instagram, Camille Caucian partage des images de voyages et de cuisine, ses deux spécialités (capture d’écran)

Elle vous fait découvrir la cuisine et les voyages depuis votre canapé. A 27 ans, Camille Cancian est community manager pour la petite entreprise niçoise de restauration Socca Chips. Elle anime sur internet la communauté de la société créée depuis deux ans.

Difficile de se lancer en Freelance

Diplômée d’un bachelor en business marketing, la jeune blonde énergique a eu différentes expériences professionnelles. En particulier celle de community manager indépendante, qu’elle exerce encore sur son temps libre. “J’avais envie de travailler pour moi et j’appréciais de pouvoir gérer ma journée comme je l’entendais, travailler sur la plage par exemple”, explique-t-elle. Mais la jeune femme peine à percer seule. Elle cherche un emploi à mi-temps pour assurer son salaire. A temps-plein chez Socca chips depuis juin dernier, Camille reste dans un univers culinaire et méditerranéen.

En indépendante ou au sein d’une entreprise, le métier reste le même.  »Il faut toujours être en alerte, avoir une présence sur les réseaux, et savoir s’adapter. » Une caractéristique appréciée par cette autodidacte :  »Sur Instagram, l’échange est très personnel, donc je signe facilement de mon nom. Sur Facebook c’est différent, je signe uniquement si on a eu un échange suivi. »

Le blog de Camille Cancian lui permet de travailler en tant qu'indépendante (capture d'écran)
Le blog de Camille Cancian lui permet de travailler en tant qu’indépendante (capture d’écran)

Qualités requises

Autre aspect primordial du métier : la créativité.  »On a une liberté d’expression totale”, s’enthousiasme Camille. “Certains clients savent précisément ce qu’ils veulent. Ce n’est pas très intéressant. A l’inverse, parfois, il est difficile de cerner leurs besoins, ils demandent de modifier le rendu en permanence. »

Le point faible de Camille a d’abord été le réseautage.  »C’est quelque chose de vital quand on n’a pas de carnet d’adresse, et j’ai négligé cette partie dès le début. » Désormais, elle se renseigne auprès de plateformes dédiées comme Malt. Indispensables, ces sites mettent en relation les différents métiers du digital et leur actualité.

Camille Cancian aime son métier. Pourtant, elle assure que les réseaux sociaux ne lui sont pas indispensables au quotidien.  »C’est un plaisir, pas une passion. J’ai besoin de souffler parfois.”‘ Alors que certains community manager sont toujours connectés et s’en plaignent, la jeune femme s’impose des horaires.  »Je vais voir mes publications le soir, et je réponds parfois, mais jamais trop tard. » Pour elle, les réseaux sociaux ne sont qu’un métier, elle ne les laisse pas dévorer sa vie.

Louise Boutard

A lire aussi :

Community manager, un métier difficile devenu indispensable

Top 3 des bad buzz les plus marquants des derniers mois

 

Community manager : un nouveau métier créé par et pour les réseaux sociaux

DSC_7286-2

Twitter, Facebook, Instagram, Snapchat… afin de faire de ces réseaux un atout et un outil de communication, un nouveau métier a émergé au tournant des années 2010 : celui de « community manager » (CM) ou animateur de communauté. Ces communiquants 2.0 sont chargés de renforcer l’image de la marque sur le web et d’attirer de nouveaux consommateurs, comme Alexia C., CM du Grand Palais.

Un œil sur la page Facebook du Grand Palais, ouverte sur son ordinateur, l’autre sur le compte Instagram du musée qui défile sur son smartphone, Alexia C. surveille la fréquentation des réseaux sociaux de l’institution. La jeune femme est la “community manager” (CM) du Grand Palais, ou l’animatrice de communauté (bien que l’anglicisme est entré dans le dictionnaire en 2016).

Apparu au tournant des années 2010, quand les entreprises ont réalisé la force d’influence que représentaient les réseaux sociaux, le CM est en charge de l’interaction et de l’échange avec les internautes au nom de la marque qu’il représente. Le but : s’appuyer sur des réseaux dans lesquels gravitent des millions de consommateurs potentiels (Facebook compte 33 millions d’utilisateurs rien qu’en France), pour faire connaître sa marque. “Tous les jours, nous partageons des publications sur le musée et ses expositions, qui vont intéresser différentes communautés d’utilisateurs, explique Alexia. L’enjeu est de renforcer l’image du musée auprès de groupes influents pour attirer du monde.

Les communautés sont aussi diverses que les réseaux. “On adapte notre ton et notre contenu à chaque réseau social et au public qu’on a réussi à happer, explique la CM du Grand Palais. Par exemple Twitter est un réseau plus professionnel et on s’adresse surtout aux “Muséo Geeks” : des passionnés de musée qui relayent des contenus qui les intéressent professionnellement parlant.” Comme cette annonce de conférence au sujet de l’exposition Gauguin l’alchimiste.

 

Sur Facebook, l’audience est plus large, plus hétéroclite. Mais notre communauté est essentiellement féminine et la moyenne d’âge est de 35 ans, donc quand on communique autour d’événements pour les enfants par exemple, ça marche bien,” poursuit Alexia.

 


Sur Instagram l’audience est plus jeune, et nous allons toujours chercher à toucher les influenceurs de ce réseau,” avance-t-elle. Une stratégie qui se retrouve bien avec cette photo de la mannequin Taylor Hill (dont le compte Instagram regroupe 9,5 millions d’abonnés) à l’exposition Irving Penn.

 

L’idée est de toujours apporter de la valeur ajoutée par rapport à l’exposition. “Internet est un monde à part, il peut s’y passer des choses qu’on ne pourrait pas voir in situ, comme des visites guidées avec des commissaires d’exposition, ou des entretiens avec des artistes” décrit Alexia.

 

DSC_7321 - copie

Pour aller plus loin : Enquête sur les community managers en France : les résultats 2017

Un poste parfois remis en question

Peut-être parce qu’il est récent, le poste de CM n’est pas toujours bien compris et il faut parfois faire des efforts pour faire valoir son intérêt, même en interne. “On voit souvent le CM comme un geek aux idées farfelues. Certaines personnes trouvent toujours incongru qu’on passe du temps sur des choses qu’ils jugent futiles, remarque Alexia. Une bonne partie du travail est de faire de la pédagogie auprès de ses supérieurs pour démontrer l’utilité de notre poste.”

Selon Alexia, être CM demande d’avoir un bon relationnel, de la polyvalence ainsi que… de la patience pour gérer les critiques des internautes : des files d’attentes trop longues au prix des expositions.

Clara Charles


A lire aussi :

Le numérique : portrait d’un usager moderne

Google is watching you : un espion dans la poche