Les agriculteurs mobilisés à Paris pour demander une rémunération juste

300 agriculteurs venus de toute la France se sont rassemblés à l’appel de la FNSEA, premier syndicat agricole, ce mercredi place de la République à Paris. Ils souhaitent attirer l’attention des consommateurs sur la rémunération de leur production. Un évènement qui intervient avant les annonces d’Emmanuel Macron pour le monde agricole.

Des vaches sont présentes place de la République à Paris pour interpeller sur la rémunération des éleveurs. Crédit: Chloé Tixier
Des vaches sont présentes place de la République à Paris pour interpeller sur la rémunération des éleveurs. Crédit: Chloé Tixier

« 1,20 euros les six oeufs, 1,20 euros ! «  Marie-Françoise, agricultrice dans la Somme, s‘époumone pour attirer les consommateurs parisiens à son stand. À ce prix-là, ils sont nombreux à acheter des boîtes d’œufs. Félix, un habitant du quartier, est étonné du coût. « Je paye quasiment deux euros les miens, c’est inadmissible. Là ils sont frais, ça se voit. Quand on sort du boulot on ne se prend pas la tête on va au supermarché du coin. Mais en voyant ce que je viens de payer là on se rend compte qu’on se fait bien avoir d’habitude. »

Sensibiliser les consommateurs au juste prix, c’est l’objectif des agriculteurs présents ce mercredi place de la République. Un rassemblement qui précède le discours d’Emmanuel Macron à Rungis mercredi soir. Il doit mettre fin au premier chantier des États généraux de l’alimentation consacrés à la création et à la répartition de la valeur au sein de la filière agroalimentaire. Douze régions ont décidé de se mobiliser pour défendre la diversité et la qualité des produits français.

Marie-Françoise est ici pour mettre en avant sa production. Elle produit du lait, élève des bovins et fait de la polyculture (pommes de terre, betteraves) sur 220 hectares. Aujourd’hui, elle ne s’y retrouve plus. « Sur un litre de lait, je ne gagne que 24 centimes. Il me faudrait 10 centimes de plus pour que je puisse couvrir mes coûts comme l’alimentation des bovins notamment. Les producteurs doivent être rémunérés au juste prix. Les industriels prennent 33 centimes ! Ils nous écrasent », souffle-t-elle. Les agriculteurs souhaitent reprendre la main sur la construction des prix et ne plus laisser les distributeurs et industriels imposer leur loi. Ils veulent fixer les prix à partir de leur coût de revient sur lequel les distributeurs appliquent leurs marges.

 

Les producteurs de lait se sont rassemblés place de la République à Paris pour interpeller sur leur rémunération. Sur une bouteille de lait à 0,77 centimes, 0,24 centimes revient aux éleveurs. Crédit: Chloé Tixier
Les producteurs de lait se sont rassemblés place de la République à Paris pour interpeller sur leur rémunération. Sur une bouteille de lait à 0,77 centimes, 0,24 centimes revient aux éleveurs. Crédit : Chloé Tixier

 

Corinne, Parisienne, est venue avec sa cousine agricultrice. Devant les cagettes de pommes de terre, elle reste stupéfaite. « Je n’en reviens pas, je paye plus de deux euros d’habitude ». Ici, le kilo de pommes de terre comme la « Charlotte » est vendu 1,20 euros. « Vous savez combien elle coûte à produire? Trente centimes environ », lui rétorque Romain Cintrat, producteur de pommes de terre dans l’Aisne. « Le kilo de pommes de terre me coûte entre 15 et 20 centimes, explique-t-il. En supermarché les consommateurs le payent entre 1,40 et 1,50 euros. Or la vente ne me rapporte que 25 centimes. Le reste revient aux industriels », s’agace-t-il. Cette décomposition du prix étonne Corinne. « Je ne me rendais pas compte à quel point les agriculteurs gagnaient peu. C’est scandaleusement bas pour eux, déclare-t-elle. On se moque de nous mais quand on travaille toute la journée on n’a pas le temps et on va au plus simple, quitte à payer très cher quelque chose qui n’est pas de bonne qualité ».

Deux euros le kilo de poireaux, 1,50 euros un chou-fleur… Au stand de la région Normandie, les consommateurs viennent faire leur marché. « C’est 40 à 50 centimes moins cher que ce que je paye habituellement donc ça vaut le coup, estime Claudine, retraitée. Je vais pouvoir acheter des légumes de qualité à des prix raisonnables, c’est très rare à Paris. Je savais qu’il y avait un écart de prix entre acheter dans un supermarché et directement au producteur mais je ne pensais pas autant. Quand je vois une salade batavia à 50 centimes c’est incroyable tellement le prix est faible ». Aux supermarchés du coin, une batavia coûte 1,39 à 1,60 euros, soit un écart allant jusqu’à plus d’un euro. Le producteur, lui, a besoin de vendre sa salade 50 centimes pour se rémunérer et payer les charges : salaires, taxes, investissements…

 

Au stand de la région Normandie, il est possible d'acheter un kilos de poireaux pour 2 euros. Crédit: Chloé Tixier
Au stand de la région Normandie, il est possible d’acheter un kilos de poireaux pour 2 euros. Crédit: Chloé Tixier

Pour Anne-Marie Denis, agricultrice en Normandie depuis 24 ans, quelques centimes de plus au prix d’achat peuvent faire toute la différence. « Pour un camembert au lait cru vendu 3,4 euros à Paris, il faudrait juste le vendre dix centimes de plus pour qu’on s’y retrouve. Il faut deux à 2,3 litres de lait pour faire un camembert or le lait on le vend soixante centimes. Soit on fait payer un peu plus aux ménages, soit on arrive à mettre la pression sur les industriels ». En attendant, elle a dû diversifier son activité. Elle tient désormais une chambre d’hôtes qui lui permet de vivre avec 900 euros par mois. Selon la Mutualité sociale agricole, 30% des exploitants auraient un revenu inférieur à 350 euros par mois. Le revenu moyen en 2016 d’un agriculteur était entre 1083 et 1250 euros par mois. « J’ai mis plus de trois mois à chercher une nouvelle voiture pour trouver la moins chère possible, glisse-t-elle. J’aime mon métier, j’en suis fière mais il faut pouvoir en vivre ».

Chloé Tixier

L’agriculture urbaine a-t-elle un avenir ?

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Micro-fermes urbaines sur des fiches industrielles, potagers sur les toits, cultures verticales… Les initiatives se développent à Paris et en petite couronne. Le retour de l’agriculture en ville est-il un simple effet de mode ou un véritable nouveau mode de vie ?

« A la vue des chemins de fer qui s’établissent de toute part, il est facile de prévoir que la culture maraîchère de Paris est à la veille de recevoir des modifications » écrivaient alors deux maraichers en 1845 dans le Manuel pratique de la culture maraichère de Paris. Ils ont vu juste, mais ne s’attendaient sûrement pas à ces cultures nouvelle génération. Des fraises récoltées dans des containers, des fruits et légumes poussant dans un parking ou dans des bottes de paille, des salades sur un toit… Compte tenu du manque de foncier disponible à Paris, tous les espaces sont convoités. Et le potentiel est énorme. Selon une étude de l’Atelier Parisien d’Urbanisme, 80 hectares de toits seraient exploitables pour l’agriculture. Or, seulement 1,7 hectare de toitures est cultivé.

Au coeur du XIe arrondissement, difficile d’imaginer un jardin sur le toit d’une ancienne manufacture de chaussures. Il est aujourd’hui occupé par le collectif La Générale. Sur quatre étages et 8000 m2, le lieu, dédié à la création, accueille des artistes, des compagnies de théâtre, des cuisiniers et… des jardiniers amateurs. Depuis 2016, un verger est installé au sommet du bâtiment. « Notre but en installant ce jardin, c’est le rayonnement du quartier », explique Gaël Thomas, en service civique à La Générale. « Chaque bénévole a sa parcelle et on les fournit en graines. Les gens viennent quand ils peuvent, ou quand ils veulent profiter du jardin. La plupart se déplacent environ une fois par semaine. On aimerait aussi alimenter la cuisine avec le potager ». Les légumes, les arbustes et les fleurs se répartissent dans ce jardin aménagé aux côtés des 16 pieds de houblon. « On aimerait à terme brasser notre propre bière », confie Gaël Thomas. La récolte sera peut-être plus difficile pour les radis, carottes et salades: « On est coincés entre deux immeubles, le vent sèche à mort donc il faut couvrir le sol », souffle-t-il en glissant ses mains dans la terre. Les jardiniers doivent donc s’adapter: « On met de la paille pour préserver l’humidité dans le sol », révèle-t-il.

Quid de la pollution? La ville est souvent associée à la pollution automobile. Pour Gaël Thomas, « penser que les particules fines restent au niveau de la route est une légende urbaine ». Mais l’équipe de la Générale n’a pas pu faire de tests sur la terre. En effet, même s’ils sont soutenus par la Région Ile de France, leur installation est devenue illégale. « On a gagné un appel à projets de la région mais la mairie de Paris est propriétaire du bâtiment et n’autorise plus notre activité, confie le jeune homme. On a quand même ouvert le jardin malgré l’opposition de la mairie. Elle nous a prévenu que c’était illégal pour se dédouaner mais elle ferme les yeux sur notre activité ».

La mairie de Paris soutient toutefois certains projets à vocation associative. C’est le cas de la nouvelle pépinière de l’association Pépins Production qui vient d’ouvrir rue de Charrière dans le 11e arrondissement de Paris. Elle a remporté l’appel à projets « Parisculteurs » lancée par la municipalité l’année dernière. Installée sur un ancien transformateur ERDF prêté par l’entreprise, la pépinière est composée d’un jardin ombragé à l’entrée et d’une serre en pleine terre encore en construction à l’étage. « On a accès à l’eau non potable. Mais on ne doit pas être plus de 10 personnes sur le site et on doit prévenir quand on part car c’est un site sensible », explique Amélie Anache, présidente de Pépins Production. Ce lieu insolite intrigue les riverains, nombreux ce dimanche, jour de brocante. Certains s’arrêtent sur le stand où s’étalent des semis en godet: plantes aromatiques, ornementales et un peu de comestibles comme des tomates et du maïs. Prix des plants ? 3 euros les plantes annuelles et 4 euros les vivaces après avoir payé une adhésion obligatoire à l’association de 2 euros. Mais la pépinière n’a pas vocation à devenir seulement un lieu de vente: « On ne veut pas que ce soit juste une usine à plantes, on veut créer une dynamique et que les citadins se réapproprient leur environnement », précise Amélie Anache.

Des « terrains délaissés » aménagés

A Bobigny, en Seine-Saint-Denis, la ferme éphémère La Prairie du Canal va tenter de renouer avec les grandes traditions maraichères des années 1950. En 1951, la ville comptait 180 familles exploitantes avec pour tête d’affiche le melon jaune. Ce dernier va renaître dans les 800 bottes de paille installées le long de la RN3. Une initiative de l’association La Sauge, Société d’agriculture urbaine généreuse et engagée, qui a notamment lancé les « 48h de l’agriculture urbaine ». A la veille de l’ouverture au public, les membres de l’association s’activent. « Dans 2-3 semaines, nous serons prêts », assure Swen Déral, co-président de l’association, balai en main. Sous la pluie, les  bénévoles doivent nettoyer cette dalle bétonnée de 2000m². Terrain de l’ancienne usine MBK et d’un camp de rom démantelé, il est difficile d’imaginer qu’au début du XXe siècle, un berger faisait paître ses moutons à cet endroit précis. Pourtant, les animaux et la verdure sont de retour à proximité du canal de l’Ourcq. Mais pas indéfiniment. « C’est une ferme écologique éphémère : l’objectif est de se déplacer de friche en friche », explique Swen Déral. Subventionnée à hauteur de 20 000 euros par la communauté d’agglomération Est Ensemble, la ferme fermera ainsi ses portes le 6 octobre prochain. Le prochain terrain n’est pas encore trouvé mais cela n’inquiète pas les équipes de La Sauge. Selon elles, « la ville regorge de terrains délaissés et en friche ».

Ces terrains à l’abandon sont dorénavant réaménagés: dans la ferme cohabiteront forêt, potager, poulailler, serre, plantes médicinales… Mais rien ne sera vendu ni donné aux bénévoles, « officiellement »: Si « les gens peuvent repartir avec quelque chose, la consommation n’est pas l’objectif », révèle Swen Déval. L’association préfère axer sur l’aspect ludique de l’agriculture urbaine. Pour cela, des ateliers vont être notamment mis en place autour des cosmétiques et du brassage de la bière. « Les ateliers sont un prétexte. Il y a un aspect ludique à faire jardiner. L’herboriste doit toujours avoir un pied dans le jardin donc les gens iront chercher ce dont ils ont besoin dans le jardin avant de passer à l’atelier pour leur montrer que nous avons les recettes au quotidien », ajoute le co-président de La Sauge. Côté cuisine justement, la ferme s’est dotée d’un restaurant alimenté « à hauteur de 50% » par les produits du container où pousseront légumes et environ 15 kilogrammes de champignons par semaine. L’occasion de goûter au kebab de pleurotes ou à la bière brassée dans les locaux de la brasserie parisienne Demory située à quelques mètres de La Prairie du Canal. En contrepartie, l’entreprise finance les 250 plants de houblon. « On a la plus grande houblonnière d’Ile-de-France », se félicite Swen Déral. Pour l’instant. Car un autre projet de plus grande ampleur voit le jour dans la vallée de la Chevreuse à Bonnelles (Yvelines). Johann Laskowski, paysagiste, va monter la plus grande houblonnière de la région parisienne. Sur deux hectares, plus de 6700 pieds de houblon vont être plantés cet automne. L’objectif est de promouvoir la culture du houblon, longtemps délaissée en Ile-de-France au profit de l’Alsace et du Nord. Actuellement 50 brasseries sont installées dans la région, des dizaines en cours de construction, alors qu’il n’y en avait plus en 1990. Problème: les bières ne sont pas 100% parisiennes, le houblon n’étant pas produit localement.

Cultiver dans des parkings et des containers: l’agriculture 2.0

D’autres se sont lancés le défi de produire des fruits dans des containers. Fils d’agriculteurs, Guillaume Fourdinier et Gonzague Gru ont créé la start-up Agricool en 2016. Ils s’apprêtent à vendre leurs premières barquettes de fraises cultivées dans un container de 33 m2 à Bercy. 3600 plants ont été installés avec pour objectif de produire sept tonnes de fraises. La barquette de 250 grammes coûtera 3 euros. Les techniques les plus pointues sont utilisées pour faire pousser ces fruits: culture verticale, sous LED et irrigation en circuit fermé dans un environnement clos. Même modèle de production dans la micro-ferme souterraine La Caverne développée par la start-up Cycloponics. Située porte de la Chapelle dans le XVIIIe arrondissement, tomates, champignons et brocolis vont pousser sous des ampoules LED dans un parking de 3000 m2 situé en dessous de 300 HLM. Une première à Paris. Théophile Champagnat et Jean-Noël Gertz, les fondateurs de Cycloponics, espèrent produire 30 tonnes de fruits et légumes par an et 24 tonnes de champignons. Mais une question se pose: quel est l’impact écologique de ces fruits cultivés toute l’année sous lumière artificielle ? « L’agriculture dans des containers comme celle que fait Agricool est consommatrice en termes d’électricité. Ces entreprises essayent aujourd’hui de trouver des solutions alternatives pour améliorer leur empreinte carbone mais il ne faut pas s’engager dans un tout high-tech », souligne Antoine Lagneau, chargé de mission agriculture urbaine à Natureparif, l’agence régionale pour la nature et la biodiversité d’Ile-de-France. Agricool affirme de son côté que leur consommation d’eau serait 90% plus faible que sous serre traditionnelle et l’air pollué de l’extérieur est filtré.

L’arrivée de ces nouvelles start-ups aux techniques de culture poussées secoue en tout cas le monde de l’agriculture urbaine historiquement porté par des associations à l’identité sociale forte. Les dirigeants de Cycloponics assurent qu’ils mettront en place un stand de vente sur place pour les habitants des résidences qui pourront acheter des fruits et légumes moins chers. Car l’unique recherche de rentabilité ne semble pas être un modèle viable. « Certaines personnes sont là pour en faire un système rentable mais il y aura toujours des associations pour promouvoir le lien social, explique Antoine Lagneau. C’est peut être là qu’il y a un équilibre à trouver. aujourd’hui on est à la croisée des chemins ».

 

Lou Portelli et Chloé Tixier

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Depuis près de dix jours, les producteurs laitiers français protestent contre les prix appliqués par la grande distribution. Ils réclament une plus grande transparence dans les tarifs, mais surtout, une revalorisation de leur travail. Car s’ils sont les premiers maillon de la chaîne, ils ne sont pas ceux qui en profitent le plus, au contraire. Les éleveurs bovins vendent à perte, tandis que la grande distribution, elle, augmente ses marges.

 

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Pour résoudre la crise, le Premier ministre a réuni, ce lundi, des dirigeants de Carrefour , Casino, Auchan, Cora, Intermarché, Lidl et Système U, au moment où de nouveaux barrages étaient érigés par les éleveurs. Conscient des généreuses marges que s’octroient les acteurs de la grande distribution, Manuel Valls leur a demandé de ne pas anticiper une baisse des prix des produits agricoles dans les négociations commerciales qui s’achèveront le 1er mars, de poursuivre les actions de valorisation des produits locaux, d’entrer dans des partenariats avec leurs fournisseurs et d’accentuer la contractualisation. Des propositions qui pourront peut-être résoudre une crise qui dure maintenant depuis deux ans.

Nivin POTROS.