Inceste : quelles conséquences traumatiques à l’âge adulte ?

Après un an de travail, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a rendu, ce mercredi, le rapport de son appel à témoignages. Plus de 16 000 victimes, aujourd’hui adultes, ont été entendues. Toutes font part des conséquences dramatiques de ces agressions sur leur quotidien.

 

« J’ai pris perpétuité à huit ans. » Ainsi se confie l’un des témoins du rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Publié ce mercredi, ce bilan a réuni 16414 témoignages après un an de travail. Autant de paroles qui font part des conséquences d’agressions passées sur leur vie actuelle. « Ce qui saute aux yeux en lisant les mails reçus, c’est l’expression de la souffrance, une souffrance extrême et qui dure. Ce n’est pas penser à quelque chose de douloureux qui s’est passé il y a longtemps, c’est l’éprouver aujourd’hui » explique le juge et co-président de la Civiise, Edouard Durand à l’AFP. Une conclusion qui a permis au groupe de travail d’établir plusieurs préconisations : la levée de la clause de conscience des médecins ou encore l’organisation de campagnes annuelles de sensibilisation. Mais comment ces conséquences traumatiques se manifestent-t-elles dans le parcours des victimes d’abus ? De quelles souffrances parle-t-on ? 

« Comme un traumatisme de guerre »

Comment expliquer à ceux qui ne l’ont pas vécu que l’on puisse encore éprouver dans sa chair un évènement passé, révolu ? « C’est tout le noeud du problème » explique Laurent Boyet, membre de la Ciivise et président de l’association Les Papillons qui accompagne les victimes de violences sexuelles.  C’est pourtant la définition même du psycho traumatisme : « C’est comme un traumatisme de guerre. Vous avez vécu quelque que chose de tellement horrible que vous avez cru mourir. Et même si vous vous protégez par la carapace du déni protecteur, les maux, eux, vont parler à votre place. Et la souffrance est toujours là. Vous ne la maitrisez pas« , développe Isabelle Aubry, également membre de la Ciivise et présidente de l’association Face à l’inceste.

Ainsi, au fil de son parcours, l’enfant abusé tente, par tous les moyens, d’échapper à ce poids incompréhensible pour le cerveau comme pour le corps. Abusé par son grand-frère lorsqu’il était enfant, Laurent Boyet décrit ce qu’il a traversé : « Il y a un impact sur la vie affective, sexuelle, sur la confiance en soi. On passe par des comportement d’addiction, de mise en danger car on n’a plus de de respect pour son propre corps. J’ai aussi fait des tentatives de suicide. C’est le parcours d’une immense majorité de victimes et donc des témoignages recueillis par la Ciivise. » Parmi les victimes, la Commission rapporte, en effet, que trois personnes sur dix, tous sexes confondus, évoquent une absence ou baisse de libido ou une absence de vie sexuelle. Chez les femmes, quatre victimes sur dix souffrent des douleurs comme le vaginisme. Pour les hommes, c’est près d’une personne sur trois qui passent par des troubles de l’érection. Sans compter les troubles alimentaires et les problèmes d’addiction. Un impact, à court, moyen, long terme, parfois tout au long de la vie qu’Isabelle Aubry considère comme « un fléau de santé publique. » Et pour cause, le corps, assure Homayra Sellier, fondatrice d’Innocence en danger, n’oublie jamais. « Les études cliniques et neurologiques prouvent aujourd’hui que les traumatismes subis dans l’enfance altèrent des partis du cerveau et sont même transmises dans l’ADN sur trois générations, » poursuit-elle.

Des victimes enfoncées par « le déni de la société »

Si plus de 16 000 personnes ont bien témoigné dans le cadre des travaux de la Ciivise, Homayra Sellier estime qu’il ne s’agit que d’un échantillon : « Le nombre de victime d’incestes en France est bien plus que grand que cela. On parle de millions de personnes. » Selon un sondage réalisé par l’Ipsos pour l’association Face à l’inceste en 2020, 6,7 millions de Français déclarent, en effet, avoir été victimes d’inceste. Celles-ci sont issues de tous type de milieux sociaux et de toutes origines.

Au coeur de ce décalage, « le déni de la société française » explique la fondatrice d’Innocence en danger. Un déni « coupable et irresponsable » qui participerait, selon elle, à enfoncer les victimes dans leur culpabilité. « L’inceste n’est pas encore une cause, précise Isabelle Aubry. On en est aux prémices. Un peu comme au début du Sida : à part les personnes concernées, personne n’en parlait.  Mais à partir du moment ou des personnalités se sont impliquées, c’est devenu une cause. Pour l’inceste, ce n’est pas encore le cas. On est toujours dans le fléau de la honte. » À noter que la Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants s’est notamment constituée dans le prolongement de la publication du livre La Familia Grande de l’éditrice Camille Kouchner. Elle dénonce les agressions sexuelles de son beau-père et politologue reconnu, Olivier Duhamel sur son frère jumeau.

 

79 % des professionnels de santé ne font pas le lien entre les violences subies et l’état de santé des victimes.

« Autant on dit qu’il faut libérer la parole, autant on sait que la société n’est pas encore prête à entendre cette parole libérée » assure Laurent Boyet. Dans ce prolongement, les conclusions de la Ciivise se veulent moyen de pallier cette contradiction. Si son travail consiste d’abord à rendre compte des réalités de ce phénomène, elle s’emploie aussi à des préconisations telles que la mise en place de campagnes d’information pour sensibiliser la société civile, la levée de la clause de conscience des médecins ou la formation du personnel de santé :  « Comment repérer quelqu’un qui va mal ? C’est le questionnement systématique.  Lorsqu’un médecin demande des antécédents familiaux ou de santé, il ne demande jamais si vous avez subi un traumatisme. Or on sait aujourd’hui que l’impact des traumas sur la santé est énorme. Il faut former les professionnels à dépister. » détaille Isabelle Aubry.

Autres pistes de réflexions proposées notamment par Innocence en danger :  le remboursement systématique par la Sécurité sociale des accompagnements psychologiques et médicaux des victimes ou le développement des thérapies cognitives ( hypnose, EMDR…) pour soigner les patients.

Perla Msika

Pour Poutine, le défi de l’embrigadement de la population russe

Ce mercredi matin, Vladimir Poutine a annoncé la mobilisation militaire partielle en Russie. Simultanément, son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a déclaré que l’armée russe avait perdu 5.937 soldats depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Pour Vladimir Poutine, l’enjeu est désormais de garder la confiance et la détermination de son peuple.

Vladimir Poutine accompagné à gauche de son ministre de la Défense, Sergeï Choïgou, le 6 septembre dernier. Photo AFP.

Près de 6.000 vies perdues, un bilan conséquent, et pourtant, bien en deçà des précédents décomptes réalisés par les organismes internationaux présents sur place et l’Ukraine. De quoi cependant, répondre aux questions de la population russe, et justifier la mobilisation de 300.000 réservistes. Avec cette « opération spéciale » en Ukraine, Vladimir Poutine marche sur des œufs vis-à-vis de son peuple. L’enjeu majeur est celui de la communication au sein de son pays, pour faire accepter l’envoi d’hommes supplémentaires. Selon Gaël Guichard, anciennement cheffe d’équipe pour l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) en Ukraine, « Moscou mène en permanence une guerre de l’information visant à perpétuer dans la population russe la croyance selon laquelle l’opération spéciale est justifiée ». Après sept mois d’offensive russe en Ukraine pour soit-disant « protéger » les habitants du Donbass, « la Russie n’a atteint aucun de ses objectifs ».

Dans son discours prononcé mercredi matin – retardé d’ailleurs de 12 heures – le Président russe a longuement fustigé l’Occident, l’accusant d’avoir « dépassé toutes les limites dans sa politique agressive » et de réaliser un « chantage nucléaire » à la Russie. « Il fallait au moins ça pour justifier l’envoi de 300.000 réservistes, alors que le Kremlin refuse toujours le terme de « guerre » et que la Russie est censée avoir une armée professionnelle surentrainée », argumente Valentyna Dymytrova, maîtresse de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’Université Lyon III, spécialiste de l’Ukraine. C’est donc un bon moyen pour Vladimir Poutine de se justifier auprès de sa population : l’ennemi serait de plus en plus menaçant, il faudrait donc augmenter les effectifs.

Une mobilisation en demi-teinte

Le discours de Sergueï Choïgou est aussi parfaitement réfléchi : « annoncer aujourd’hui même un premier bilan des pertes russes, permet de faire croire à la population que le Kremlin est honnête, et donc de motiver le recours à la mobilisation, alors même qu’il y a une minimisation des pertes », explique Gaël Guichard. « Poutine doit faire attention à ce que ses discours tiennent la route, alors que la population n’est pas très encline à se mobiliser pour cette « opération spéciale », notamment dans les grandes villes » ajoute Valentyna Dymytrova.

La police russe arrête un manifestant ce mercredi 21 septembre à Novosibirk, la troisième ville de Russie. L’homme manifestait contre la mobilisation partielle annoncée par Vladimir Poutine dans la journée. Photo AFP.)

Malgré cette propagande millimétrée, Vladimir Poutine préfère assurer ses arrières en interdisant la vente de billets d’avion par les compagnies aériennes aux hommes en âge d’être mobilisés. Suite à son annonce en effet, les billets d’avion avaient été pris d’assaut par de nombreux Russes pour fuir le pays, comme l’ont constaté plusieurs journalistes sur place.

Si la communication du Kremlin est plus que soignée, un plan de secours a donc été mis en place pour empêcher la fuite de ceux qui ne seraient pas convaincu par le discours officiel ou qui ne voudraient pas se mobiliser.

« Une période charnière »

Les référendums d’annexion à la Russie, annoncés mardi dans les territoires séparatistes ukrainiens, ont le même objectif. « Ces référendums illégaux n’ont pas pour but de prouver quoi que ce soit à la communauté internationale, a déclaré la professeure. Cependant, ils aident Vladimir Poutine à justifier son intervention aux yeux des Russes. » La même méthode avait d’ailleurs déjà été utilisée pour l’annexion de la Crimée en 2014. Ces référendums pourraient également être l’occasion pour la Russie de faire entrer officiellement dans leur armée, les ukrainiens séparatistes passés sous leur égide, de quoi renflouer les troupes.

« Nous sommes actuellement dans une période charnière de la guerre en Ukraine, conclut Valentyna Dymytrova . Face à la contre-offensive ukrainienne, la Russie est obligée de se repositionner pour entamer une nouvelle stratégie. En conséquent, Vladimir Poutine doit trouver des moyens de se justifier auprès de sa population, c’est ce à quoi nous assistons depuis mardi. »

Marine Allain

Joe Biden dénonce les frasques de Poutine

Le président américain Joe Biden a accusé la Russie mercredi à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU d’avoir « violé de manière éhontée » les principes fondateurs de la Charte des Nations unies.

 

Ce mercredi, Vladimir Poutine  a franchi une nouvelle étape en annonçant être enclin à utiliser l’arme nucléaire, ajoutant qu’il ne s’agissait pas de « bluff », mais de menaces réelles. »300.000 réservistes seront appelés » pour renforcer les effectifs déjà présents en Ukraine, a annoncé le ministre de la Défense Sergueï Choïgou.

Le président américain a rapidement réagi

« Cette guerre anéantit le droit de l’Ukraine à exister, tout simplement », a lancé le président américain, dénonçant l’invasion par un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU de son voisin.

Un Américain et deux Russes s’envolent ensemble vers l’ISS

A bord de la fusée Soyouz, un astronaute Américain et deux cosmonautes Russes ont décollé ensemble ce mercredi en direction de la Station spatiale internationale (ISS). Ils doivent y rester six mois.

En plein conflit entre la Russie et l’Ukraine, c’est un geste fort. L’Américain Frank Rubio et les Russes Sergueï Prokopiev et Dmitry Petelin ont décollé à bord de la fusée russe Soyouz à 15h54 heure française. Le voyage devrait durer trois heures.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Frank Rubio est le premier astronaute américain à monter dans une fusée russe pour se rendre dans l’ISS. En compagnie de ses deux confrères russes, il doit y rester six mois.

Cette coopération intervient alors que les tensions entre la Russie et l’Occident sont de plus en plus fortes, notamment à cause de l’assaut russe en Ukraine. Ce matin, Vladimir Poutine a indiqué qu’il allait mobiliser 300.000 réservistes sur le terrain.

Les tensions spatiales se sont accrues ces derniers temps après l’annonce de Washington de sanctionner l’industrie aérospatiale russe. Dans la foulée, Youri Borissov, le directeur général de Roscocosmos, l’entreprise d’État des activités spatiales russes, a annoncé que la Russie avait pris la décision de quitter l’ISS après 2014, sans fixer de date précise.

L’ISS est considéré comme une zone de paix. Trois cosmonautes russes et trois astronautes y cohabitent déjà et sont accompagnés d’une spationaute italienne.