Grande démission : un symptôme post-Covid qui affecte la France ?

Depuis la pandémie de Covid-19, le terme de « Grande démission » est de plus en plus présent dans les médias. Avec les bouleversements liés à la pandémie, le rapport au sens du travail change, poussant plusieurs milliers d’employés à quitter leur emploi. À l’instar du virus, ce phénomène de « grande démission » se serait exporté à l’étranger, plus particulièrement en France. S’agit-il vraiment d’un phénomène inédit post-covid ? 

Charlotte Montel nous répond du Népal. Elle s’y est installée depuis bientôt trois mois et s’est convertie en digital nomad. Cette expression anglophone désigne les personnes qui n’ont pas de lieu de travail fixe et se déplacent constamment, souvent à l’étranger.

C’est le genre d’existence auquel aspire la jeune femme désormais. Âgée de 33 ans, elle a quitté son « ancienne vie de cadre parisienne » et tente de se lancer comme auto-entrepreneure. Auparavant consultante en conseil dans le marketing et le management, elle a pris la décision de quitter son entreprise en 2020, après la première vague du Covid. « Le confinement m’a fait énormément de bien : ça m’a permis d’avoir une phase d’introspection et de prendre du recul », confie-t-elle.

Une hausse des démissions après la pandémie

Charlotte n’est pas un cas isolé. Elle fait partie de ceux qui ont rendu le tablier, alimentant les rumeurs d’un phénomène de « Grande démission » en France. Traduction de l’expression « Great resignation », employée par les médias américains pour parler d’une vague de démission sans précédent, ce constat est d’abord observé dans le pays de l’Oncle Sam après le premier confinement. Le nombre de travailleurs américains quittant leur poste – pour une reconversion, un autre emploi, ou sortir du marché du travail – a nettement augmenté.

Dans l’hexagone, au quatrième trimestre 2021 et au premier trimestre 2022, le nombre de démissions a « atteint un niveau historiquement haut » selon la Dares, la direction chargée de recenser les données sur le travail.

Sur ces deux périodes, la Dares évalue environ à 520 000 le nombre de démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI, sans compter les ruptures conventionnelles, relativement stables. Du jamais vu depuis une quinzaine d’années. Au vu de ces chiffres, les médias nationaux se sont emparés de la question, au point de parler d’un phénomène français.

Loetitia Thorez a démissionné en juillet 2022. Sa décision découle directement du Covid. La fermeture des commerces en mars 2020 lui a permis de remettre en question son environnement de travail où les conditions s’étaient détériorées, mettant sa santé mentale et physique en péril. Conseillère-esthéticienne dans un centre commercial à Saint-Etienne (42), elle souffre de douleurs au dos toujours plus fortes et envisage de changer de voie. 

Cette période incertaine lui donne « le temps de réfléchir et de penser à ce [qu’elle] veut vraiment ». Le questionnement a été encore plus fort avec la réouverture des magasins, où se mêlaient pression du chiffre et contraintes sanitaires. Difficile pour la mère de 48 ans de retrouver le plaisir de son métier. « Je me suis rendue compte que je ne pouvais plus rester dans ce secteur d’activité. Le Covid m’a fait réaliser tout cela », soutient-elle. 

En janvier 2022, Loetitia entame une démarche de reconversion professionnelle. En poste en CDI dans son entreprise, elle conserve son salaire et se lance dans une formation de comptabilité, avant de rendre sa démission. Une de ses collègues a suivi le même chemin. « La pression a été ressentie par toute l’équipe pendant la pandémie », explique la Stéphanoise. Aujourd’hui, elle a repris des études et réalise un BTS en comptabilité tout en étant embauchée en contrat professionnalisant.

Grande démission, vraiment ?

Contrairement à ce que pourrait laisser penser les chiffres bruts, le taux de démission pour les cinq derniers trimestres n’est pas si élevé comparé aux années précédentes. D’après la Dares, le taux de démission (nombre de démissions rapporté au nombre de salariés) est évalué à 2,7% pour le premier trimestre 2022. C’est « en deçà » des niveaux atteints début 2008. Le taux de démission s’élevait à cette époque à 2,9%. 

Outre-Atlantique aussi, le taux de démission est élevé, mais pas inédit. Notamment dans l’industrie manufacturière, où il est identique à celui du début des années 1950, 1960 ou 1970. Le processus de démission ne nécessite pas de préavis aux Etats-Unis, donnant ainsi une impression de « vague » lorsqu’elles sont nombreuses en peu de temps. Même si les méthodes de calcul de ce taux diffèrent avec ceux de la France (démographie, type de contrat etc), il est intéressant de voir que le phénomène survient dans les deux pays peu après une crise (financière comme en 2008 ou sanitaire comme en 2020).

Au vu de ces données, « dans le contexte actuel, la hausse du taux de démission apparaît comme normale » et non comme symptomatique d’un véritable phénomène selon la Dares. L’économiste américain Bart Hobjin note d’ailleurs, dans une étude publiée en avril 2022 pour la Federal Reserve Bank of San Fransisco, que « des vagues de démissions d’emplois se sont produites au cours de toutes les reprises rapides d’après-guerre. »

Aux États-Unis, le chercheur observe que « l’augmentation du taux de démissions est due aux travailleurs jeunes et moins scolarisés dans les professions qui ont été les plus durement touchées par la pandémie. »

La Grande démission ne serait-elle que du vent ? « C’est un phénomène médiatique plus qu’un phénomène concrètement analysé », souligne Aurélie Gonnet, sociologue du travail au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers). Elle estime, elle aussi, que le phénomène des démissions « massives » est normal, surtout « dans les métiers en tension qui ne sont pas durables », comme la sécurité, le service à la personne, ou  l’hôtellerie-restauration (des emplois souvent moins qualifiés). « Les crises ont un effet de destruction des emplois », explique-t-elle, « le sens du travail et les conditions de travail sont remis en question. »

La démission comme prise de conscience du sens du travail 

Aurélie Gonnet constate aussi qu’il y a un désir de reconversion plus fort, semblable à l’expérience de Loetitia, même si, en l’absence de chiffres, il est difficile de le calculer. La sociologue juge qu’il n’y a pas de causalité entre le chômage et la démission, et s’oppose à l’idée reçue que « les gens ne veulent plus travailler ». Selon elle, les démissions sont fréquemment accompagnées d’une reconversion professionnelle, facilitée par un marché du travail dynamique. 

Sans oublier que les conditions renforcées pour le droit au chômage n’incitent pas les travailleurs démissionnaires à s’inscrire à Pôle Emploi. C’est le cas de Meagan*, infirmière, qui a démissionné en sachant qu’elle n’aurait aucune aide.

La jeune femme de 30 ans travaillait dans une clinique en Ile-de-France. Après la quatrième vague du Covid, en mars 2021, elle pose sa démission. « J’ai mis de l’argent de côté au moment du Covid, il n’y avait plus de sorties, de resto… J’ai démissionné en sachant que je n’allais pas avoir droit à des Assedic, au chômage, aucune aide financière. Ça m’était égal », raconte-t-elle. Ses deux mois de préavis en poche, elle s’envole vers sa Guadeloupe natale et s’y installe définitivement.

Face à l’épuisement moral en tant que soignante, mais surtout aux pressions de rendement de sa direction, elle évoque le besoin de faire une « pause ». « Ce n’est pas le Covid en lui-même mais la gestion qui m’avait dégoutée du milieu », poursuit Meagan, « c’est vraiment à ce moment-là que j’ai compris que ce n’était que du business, plus rien n’avait de sens. » Aujourd’hui, après sept mois de congé sabbatique, elle a retrouvé un poste dans une clinique guadeloupéenne. Un CDI difficile à obtenir tant les recruteurs sont difficiles dans l’archipel. 

Aurélie Gonnet relève qu’il faudrait davantage regarder du côté des recruteurs, de « plus en plus déconnectés de l’état du marché du travail », et remettre en question les méthodes de recrutement. La sociologue estime qu’il faut aussi ajouter à cela les pertes d’emploi couplées aux démissions. A l’instar des métiers de la santé et du soin à la personne, où les conditions de travail sont pénibles. « Ils veulent changer d’environnement de travail, et pas forcément de métier », développe-t-elle. 

Charlotte, par exemple, se dit « soulagée », et parle d’une rupture « sereine » et « apaisée » : « Je suis complètement en train de revoir ma conception du travail telle que la société nous l’inculque. »  D’après le baromètre Elabe pour l’Unédic sur la perception du chômage et de l’emploi (décembre 2022), six personnes sur dix ont en tête de changer de métier, d’employeur ou de secteur d’activité. Pour les plus jeunes, 65% des 18-24 ans et 58% des 25-34 ans ont déjà songé à démissionner au cours des 12 derniers mois, selon une enquête YouGov France pour le Huffpost parue en avril 2023.

Si le Covid a joué un rôle déclencheur dans la hausse des démissions en France en questionnant le sens et les valeurs portés au travail, cette hausse a aussi été entraînée par la reprise économique favorable au marché du travail. « Des fois, partir permet de voir l’herbe plus verte ailleurs », affirme Loetitia.

L’entreprise dans laquelle elle travaille actuellement souhaite prolonger son contrat après son contrat pro, à cause des difficultés de recrutement dans le secteur de la comptabilité. La mère de famille reste néanmoins méfiante envers le monde du travail. Elle exprime le souhait de signer plus tard des CDD pour plus de mobilité : « A un moment de notre vie, on cherche le CDI pour la sécurité, mais maintenant, je cherche la liberté », conclut-elle. 

Danaé Piazza & N’namou Sambu

*Le prénom a été modifié

« Je dois ma reconversion au confinement » : ces cadres devenus artisans grâce au Covid-19

L’épidémie de Covid-19 et ses conséquences sur l’économie française semblent avoir été un moteur de reconversion dans l’artisanat, en particulier chez les cadres.

Perte d’emploi, chômage partiel, travail à distance, chute brutale du chiffre d’affaires, contraintes sanitaires, réorganisation des entreprises… Le Covid-19, et les trois confinements auxquels les Français ont été confrontés en un peu plus d’un an – entre mars 2020 et mai 2021 –, ont considérablement modifié le marché du travail dans le pays. Cette situation inédite a non seulement impacté les entreprises mais aussi le ressenti et les aspirations des travailleurs. « Aujourd’hui, je m’accorde du temps, j’avais besoin de donner du sens à mon métier et de me recentrer sur moi-même », explique Camille Lassin, ancienne cadre désormais artisan brodeuse. 

Alors cheffe de projet marketing dans un grand groupe de cosmétiques, elle se met à la broderie pendant le premier confinement. Puis décide, lors du deuxième confinement, de vendre ses créations – des broderies sur des vêtements – sur Etsy et Instagram. Un pari gagnant : en avril 2021 lorsqu’elle se rend compte qu’elle peut vivre de la broderie, la Lyonnaise pose sa démission auprès de son employeur pour se consacrer à plein temps à son auto-entreprise créée en janvier 2021.

« Ce qui était un passe temps durant le confinement est devenu une passion puis mon métier », résume-t-elle. Finies les contraintes horaires, la jeune femme de 29 ans travaille désormais chez elle. Surtout, la broderie lui apporte cet aspect créatif qui lui manquait. « Ce métier me donne une grande satisfaction et un nouveau sens à ma vie car on produit chaque jour quelque chose, poursuit-elle. On se sert de ses dix doigts ! Je me sens tellement plus heureuse. »

20% des nouvelles entreprises artisanales créées par des cadres reconvertis

Comme elle, de nombreuses personnes se sont lancées dans l’aventure artisanale pendant ou après la crise sanitaire. Selon l’Institut supérieur des métiers (ISM), le nombre d’entreprises artisanales créées a augmenté de 18,2% entre 2018 et 2022, passant de 44 000 à 52 010. Alors qu’un peu plus de 10% d’entre elles avaient été créés par des cadres reconvertis il y a cinq ans, ce cas de figure représentait plus de 20% des nouvelles entreprises artisanales l’année dernière. 

Peut-on y voir un effet Covid-19 ? Oui, selon Antoine Dain, auteur de la thèse “Changer de travail pour être heureux? Reconversions professionnelles des cadres, mobilité sociale et rapport au travail ». « Parmi la centaine de reconvertis que j’ai interrogés, la crise sanitaire et les confinements ont été des moteurs de reconversion. Ils ont accéléré une tendance déjà ancrée en particulier chez les cadres », expose le doctorant en sociologie à l’Université Aix-Marseille, également rattaché au LEST (Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail). Exercer un métier plus proche de ses passions, donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle ou encore donner plus de sens à sa vie : telles sont les principales raisons évoquées par les personnes souhaitant se reconvertir, c’est-à-dire changer de métier – et parfois même de secteur.

« J’ai redonné un sens à mon métier »

Mais sauter le pas n’est pas toujours évident. Pendant quatre ans, Pierre Passirot a envisagé de quitter son emploi dans la finance, qui lui permet de gagner confortablement sa vie, pour devenir pâtissier, ce métier qui le fait tant rêver depuis le lycée mais que ses parents n’auraient pas aimé le voir exercer à l’époque. Ce n’est qu’en 2020, à l’aube de ses quarante ans et après avoir trouvé le temps d’y réfléchir et de pratiquer sa passion en amateur grâce à la crise sanitaire, qu’il se donne enfin ce défi. « Je dois ma reconversion au confinement et aux vidéos de Cyril Lignac sur Instagram ! », s’exclame le Montpelliérain.

Le voilà désormais aux fourneaux depuis près de deux ans, avec un CAP pâtisserie en poche – une formation d’une année qu’il a financée avec son épargne, lui qui n’a pas d’enfants. Si son ancien et nouvel emplois sont, à première vue, aux antipodes, il leur trouve pourtant des points communs. « Les deux ont des horaires décalés, je n’ai plus de soirées entre amis mais j’ai redonné un sens à mon métier”, fait-il valoir, assurant que malgré cette contrainte, il « ne regrette rien »

Mais avant de poursuivre son rêve, Pierre Passirot s’est confronté à la réalité et s’est interrogé sur la faisabilité et la viabilité de son projet de reconversion. “Je ne me serais pas reconverti si ce n’était pas vers un métier où j’étais assuré d’un emploi derrière, précise-t-il. La pâtisserie embauche beaucoup et c’est une sécurité. Cela rassure énormément [… ] et ça m’a aidé à me projeter et à faire ce choix. »

Le bâtiment et l’alimentation plébiscités par les reconvertis

D’après l’Insee, l’artisanat regroupe toutes les personnes physiques ou morales exerçant à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestations de services. Un conducteur de taxi est donc artisan, tout comme un boulanger, un maçon, un plombier ou un photographe. L’activité artisanale rassemble ainsi une large palette de métiers. Les secteurs les plus plébiscités sont le bâtiment et l’alimentation.

En 2021, trois activités du BTP figurent parmi les 10 premières activités de création artisanale, selon l’étude sur la démographie des établissements réalisée par l’Insee.  “Ce sont les secteurs qui recrutent le plus, cela explique pourquoi il y a beaucoup de reconvertis dans ces secteurs”, commente le chercheur Antoine Dain. D’après l’Institut supérieur des métiers, près de 58% des reconvertis se dirigent vers l’artisanat du bâtiment ou de l’alimentation en 2021.

Si l’on constate bien une augmentation des cadres reconvertis créateurs d’entreprises artisanales depuis la crise sanitaire, il est difficile de connaître la tendance globale des reconvertis dans l’artisanat. “Nous avons besoin encore de recul sur les trois dernières années pour savoir s’il y a une véritable recrudescence de reconvertis après la crise sanitaire”, tempère Antoine Dain. 

Et d’ajouter cependant : “La crise sanitaire, bien que source d’incertitudes à de nombreux égards, n’aurait par ailleurs pas découragé les bifurcations et aurait même pu en susciter de nouvelles.” Selon le troisième baromètre de la formation et de l’emploi (Centre Inffo / CSA), 21% des actifs préparaient une reconversion en janvier 2022. Des opportunités qu’ils n’auraient peut-être pas saisi sans cette crise.

Juliette Picard & Laura Pottier

Éoliennes : les raisons des crispations françaises

Emmanuel Macron inaugure ce jeudi 22 septembre, le premier parc éolien français en mer. Avec 80 éoliennes au large de Saint-Nazaire, le parc est le premier d’une longue série avec en vue, l’horizon zéro carbone de 2050. Malgré la nécessité de sobriété énergétique, le gouvernement se heurte à une opinion publique de plus en plus défavorable à l’énergie éolienne. 

« On doit pouvoir faire deux fois plus vite que ce que l’on vient de faire « , a annoncé Emmanuel Macron, ce matin du jeudi 22 septembre. Le chef de l’État a visité le premier champ éolien offshore de France au large de Saint-Nazaire. Depuis le début des premiers travaux en 2012 jusqu’à son inauguration, le parc a cristallisé les débats autour de cette énergie.

Rapidement, des opposants saisissent la Cour administrative d’appel de Nantes en 2017. Les deux associations, Association pour la protection du site et de l’environnement de Sainte-Marguerite et le Groupement des résidents secondaires de La Baule, déboutés, iront jusqu’au Conseil d’État. Après 21 mois d’attente, le Conseil d’État donne finalement son feu vert le 6 juin 2019 pour la construction.

L’éolien, une énergie jugée « inefficace »

Qu’est ce qui est reproché à l’énergie éolienne ? « C sont des moyens de production inefficaces. Cette énergie renouvelable est non-pilotable. C’est à dire que la source d’énergie, le vent, est intermittente. Il faut remplacer les énergies intermittentes par des moyens de production efficace », assure Alain Doré porte-parole du collectif Défense de la Mer, qui regroupe les deux associations opposantes au projet.

Le vent instable, pose donc des problèmes d’approvisionnement s’il est la seule source d’énergie. Pour Alain Doré, « la production électrique est déjà à 93% décarbonée, grâce au nucléaire et à l’hydraulique ». Nul besoin d’investir dans des énergies renouvelables intermittentes qui risqueraient de poser des problèmes de stabilité du réseau électrique.

Une énergie jugée inesthétique, bruyante, dangereuse pour la santé, posant des problèmes d’ondes électromagnétiques… Le portrait dressé des éoliennes par leur détracteurs est amer. Pourtant, le seul véritable danger actuellement prouvé concerne les oiseaux.

Un risque accrue chez les oiseaux

« Pour les éoliennes terrestres, il y a un impact sur les oiseaux de bocages et les chauves-souris. Les premiers ne parviennent pas à éviter les palmes et les secondes implosent à cause de la pression même sans les toucher. Pour les éoliennes offshore, le risque est centré sur les oiseaux migrateurs », explique Guy Bouris, président de la Ligue de Protection des Oiseaux de Loire-Atlantique. Il n’est pas contre les éoliennes mais plaide pour « des études d’impact sérieuses » avant la création d’un parc et de pouvoir être en discussion avec les instances locales pour interrompre le fonctionnement lorsque c’est nécessaire. « Ce qu’on a du mal à évaluer, c’est le risque cumulatif : un parc éolien au large, ça va, mais dix, ce sera compliqué pour les oiseaux à éviter ».

Aujourd’hui, près de 70% des projets éoliens sont poursuivis en justice notamment par des associations. En France, près de 8000 éoliennes sont répartis sur 1942 parcs.

« pas cher, réversible et déployable rapidement »

En 2021, les énergies renouvelables ont assuré 24% de la production électrique,(hydraulique, éolien, solaire, bioénergies), le nucléaire 69% et les combustibles fossiles 7%. Selon Habib Leseney, expert de l’éolien à Eoltech, une entreprise de simulation d’éolien, l’énergie éolienne reste une des meilleures solutions pour l’avenir. « Pas cher, réversible, et déployable rapidement », il l’oppose à l’énergie nucléaire, principale source de l’énergie française. « L’EPR de Flamanville n’est toujours pas en service et a couté très cher depuis des années ». Quant à l’absence de possibilité de stockage de l’énergie par les éoliennes, « en réalité, toutes les énergies ne peuvent pas être stockées, mais quand il n’y a pas de vent, les panneaux photovoltaïques prennent le relai, c’est l’effet de foisonnement », balaie Habib Leseney. Les croyances de l’héritage pro-nucléaire sont tenaces, « on est le pays qui a un problème avec l’éolien », ajoute l’employé.

Pourtant, près de 3/4 des Français auraient une bonne image de l’énergie éolienne (France énergie éolienne, novembre 2020). La multiplication des recours en justice sont réalisés par des associations locales et des riverains. Les Français ne semblent pas avoir de problème avec les éoliennes, tant que ce n’est pas près d’eux. Un syndrome « not in my garden » jamais très loin.

 

Johanne Mâlin

« Aide financière d’urgence »: qu’en disent les associations de lutte contre les violences faites aux femmes? Par Sophie Alary

 

Crédit: AFP

L’Assemblée Nationale a voté lundi 16 janvier une proposition de loi qui prévoit la création d’une « aide financière universelle d’urgence » devant permettre aux victimes de violences conjugales de se mettre rapidement à l’abri.

Le texte prévoit le versement d’une aide exceptionnelle d’urgence aux personnes victimes de violences conjugales, après le dépôt d’une plainte ou la délivrance par la justice d’une ordonnance de protection. L’aide sera attribuée par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) dans un délai de trois à cinq jours, elle prendra la forme d’un prêt sans intérêts ou d’un don, selon les ressources de la victime. Au-delà, la victime pourra bénéficier pendant six mois des droits adossés à l’allocation du revenu de solidarité active (RSA), notamment l’octroi d’une complémentaire solidarité santé et un accompagnement social et professionnel.

Il faut élargir la mesure, soulignent les associations

Globalement, le texte est soutenu par les associations qui accompagnent les femmes victimes de violences. Le dispositif a d’ailleurs été expérimenté dans le département du Nord. Mais derrière l’unanimité apparente, les associations insistent sur la nécessité d’élargir la mesure pour que toutes les victimes puissent réellement se protéger.

La procédure suppose le dépôt d’une plainte, la délivrance d’une ordonnance de protection ou un signalement au procureur, démarches qui constituent des obstacles infranchissables par beaucoup de femmes en détresse, pour lesquelles quitter le domicile signifie se retrouver à la rue sans ressources.

Mais « il y a un certain nombre de femmes qui ne déposent pas plainte, donc il faudrait qu’elles puissent obtenir ces aides par exemple avec une attestation d’une association qui les suit« , propose Mme Brié, à la tête du réseau Solidarité Femmes. « Nous sommes des structures reconnues et financées par les institutions, et garantes du suivi qu’ont pu entamer ces femmes. »

La question de la nature de l’aide a été beaucoup débattue. Alors que le Sénat, à majorité de droite, avait voté le principe d’un prêt à taux zéro, l’Assemblée nationale a élargi cette mesure : il pourra s’agir d’un don si la victime bénéficie de faibles ressources, notamment dans le cas où elle a des enfants à charge. Les critères permettant de définir l’éligibilité à une aide financière sans contrepartie restent à préciser.

« Le titre est un peu trompeur »

 » Le titre est un peu trompeur car la proposition de loi parle d’une aide financière d’urgence alors qu’on voit qu’il peut s’agir d’une avance. Ce qui fait qu’à un moment les femmes victimes de violences vont devoir rembourser les conséquences des violences qu’elles ont subies« , soulève Floriane Volt, de la Fondation des Femmes.

Gilles Lazimiest, médecin généraliste, militant à SOS Femmes 93, insiste: « Dans leur situation, les trois quarts des patientes que je vois ne pourront pas rembourser de prêt« . « L’important pour nous« , ajoute François Brié, « c’est qu’il puisse y avoir la possibilité pour certaines femmes de surseoir à ce remboursement. »

Au-delà de l’aide financière, renforcer les conditions d’accueil des femmes qui quittent le domicile conjugal

Pour une majorité de femmes qui quittent précipitamment le domicile conjugal, la première urgence est de trouver un hébergement sécurisé. Les associations sont en première ligne: au-delà de leur capacité d’hébergement, elles peuvent offrir aux victimes une protection, les aider à mettre en place les capacités juridiques comme l’ordonnance de protection, la reprise du contrôle sur le compte en banque, le versement en direct des allocations familiales, l’accès à un logement pérenne avec accès prioritaire et adapté aux ressources.

« Ca progresse« , indique Floriane Volt de la Fondation des Femmes, « depuis 2019, le gouvernement annonce régulièrement la création de nouvelles places ». On compte en France  8.800 places au total aujourd’hui, le chiffre reste très éloigné des  besoins estimés à « 15.000 places » l’an dernier par la Fondation. À l’association Solfa, spécialisée dans l’accueil des femmes victimes de violence à Lille, « 284 femmes et leurs enfants ont pu être accueillies dans des structures en 2022. Mais 515 n’ont pas pu obtenir d’hébergement, précise Mélanie Allard, cheffe de service.

Pour aller plus loin:

Violences conjugales : le manque de places d’hébergement de nouveau épinglé

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Une loi de programmation pour une réforme en profondeur

Enfin, la proposition de loi crée une loi de programmation quinquennale portant sur la lutte contre les violences faites aux femmes, qui fixerait des objectifs et des moyens financiers. Reste à bâtir, il y a urgence tweete la Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CNCIDFF)


Si, depuis le Grenelle des violences conjugales, les dépôts de plainte ont été facilités, et des policiers et des magistrats formés, il reste à garantir que les plaignantes soient écoutées et protégées.Et à redoubler d’efforts sur la prévention par l’éducation.

Cette aide d’urgence, inspirée par l’expérience des associations de lutte contre les violences conjugales, constitue une avancée dans un domaine où il reste encore beaucoup à faire. On assiste à un changement de paradigme: les violences ne sont plus considérées comme des faits individuels, les parlementaires reconnaissent le phénomène massif du fléau des violences conjugales.