Sleeping Giants: le nouvel étendard des cybermilitants

 

 

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L’idée est vieille comme internet : grâce au réseau, les citoyens peuvent se rassembler et peser de tout leur poids sur la société. Mais le succès des pétitions en ligne n’étant que tout relatif, les militants du net ont trouvé un nouveau moyen d’action. Via Twitter, Les Sleeping Giants pèsent sur la réputation des annonceurs afin d‘attaquer le modèle économique de certains sites d’actualité complotistes. Et le concept s’exporte. En France, c’est le site Boulevard Voltaire qui est visé.

“Nous essayons d’arrêter les medias racistes et sexistes coupant leurs revenus publicitaires. Beaucoup d’entreprise n’ont pas conscience de ce qui se passe. Il est temps de leur dire ». Voilà ce qu’on peut lire sur la biographie du compte Twitter des Sleeping Giants (@slpng_giants), suivis par 90.000 abonnés. En 6 mois, selon les gérants anonymes de ce mouvement, ce sont près de 2200 annonceurs qui se sont retirés du site américain Breitbart News suite à leurs pressions. L’organe de presse complotiste est un soutien actif de Donald Trump et a joué un rôle dans l’élection de ce dernier. Selon les membres de Sleeping Giants, il « attise la haine. »

La référence à Trump n’est pas anodine. Car le premier tweet des Sleeping Giants date du 17 Novembre 2016, soit neuf jours après l’élection de Donald Trump. Sleeping Giants est le nom de ce choc vécu par certains Américains qui n’imaginaient pas l’élection de Trump serait possible, et n’avaient pas mesurés l’influence d’un organe comme Breitbart News. A la poursuite des annonceurs internationaux de Breibart, des comptes officiels des Sleeping Giants ont été créés au Canada, au Brésil, au Royaume-Uni, en Suède… Chacun œuvre pour la cause commune : stopper Breitbart. Mais chacun milite aussi contre des médias de son propre pays. En France, la cible désignée est Boulevard Voltaire, site d’information d’extrême droite fondé par Robert Menard et Dominique Jamet. Ces toutes jeunes divisions du compte nord-américain peinent encore à faire le plein de militants. La division française, avec plus de 2000 abonnés, fait figure de chef de file en Europe.

Les Sleeping Giants dans le monde: la France chef de file en Europe

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Selon The Drum , le départ des annonceurs a provoqué une chute de la valeur des publicités de Breitbart de 41%, ce qui représente une coupe non négligeable dans l’économie d’un média gratuit.  En effet, ce sont le nombre de vues sur les articles accompagnés d’encarts publicitaires qui permettent au média une viabilité économique. Les annonceurs, eux, ne savent où est placée leur publicité. Ils paient des espaces à une régie publicitaire dont le rôle est de distribuer les annonces sur tous les sites leur mettant à disposition des espaces dédiés.

Et il est tout à fait possible pour un annonceur d’exprimer son refus d’apparaître sur un certain nombre de sites pour ne pas y associer leur image. C’est là le moyen d’action des Sleeping Giants dont les membres interpellent directement les annonceurs. Derrière l’apparente spontanéité de ce mouvement, la répétition des tweets a créé un véritable standard du genre :

  • Une image, souvent, comme preuve mais aussi pour jouer sur le contraste : Publicité féministes à côté d’un article sexiste, publicité pour un matelas aux vertus écologiques à côté d’un article climatosceptique…
  • Une question, quelquefois : « savaient-vous que vous financez la haine ? »
  • Une menace, plus rarement. Un chantage à l’image, sur le « soutien » et donc la caution indirecte que les annonceurs apportent aux sites incriminés.

Le procédé peut s’apparenter à un chantage financier organisé auprès des médias dans le but de modifier leur ligne politique. On sait que Twitter est une caisse de résonance en matière d’image, et une campagne négative contre leur marque effraie la plupart des entreprises. Les internautes l’ont bien compris, et jouent désormais sur ce levier. Auront-ils la peau de Breitbart ? Peut-être, à l’usure, mais le site Américain compte sur sa boutique en ligne et un vivier toujours important d’annonceurs comme Amazon qui n’ont pas encore l’intention de retirer leurs annonces.

Gaël Flaugère

Anders Breivik espère obtenir gain de cause auprès de la CEDH

Intérieur de la CEDH à Strasbourg. ( source : Wikipédia )
Intérieur de la CEDH à Strasbourg.
( source : Wikipédia )

Le tueur de masse norvégien Anders Breivik, 38 ans, a annoncé ce jeudi sa volonté de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). La Cour suprême norvégienne, plus haute instance judiciaire du pays, refuse d’examiner le recours du responsable de la mort de 77 personnes en juillet 2011. Qu’est-ce que la CEDH et comment fonctionne-t-elle ? Explications.

 

 

La Cour Suprême de Norvège refuse de statuer sur son cas : il ira donc à la CEDH, la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Anders Breivik, 38 ans, a annoncé ce jeudi sa volonté de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La Cour suprême norvégienne, plus haute instance judiciaire du pays, refuse d’examiner le recours du responsable de la mort de 77 personnes en juillet 2011 : Breivik a tué huit personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo avant de traquer des participants à un camp d’été de la Jeunesse travailliste, sur l’île d’Utoya.

 

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Anders Breivik ( source de l’image )

L’extrémiste purge une peine de 21 ans d’emprisonnement susceptible d’être prolongée indéfiniment. Il dispose de trois cellules richement équipées en prison, mais il juge ses conditions de détention « inhumaines » notamment à cause de son isolement des autres détenus. Il estime que sa situation constitue une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui bannit tout traitement « inhumain » ou « dégradant ».

Une juge lui avait donné raison en 2016 sur ce point en première instance mais une cour d’appel avait estimé en mars de cette année que « Breivik n’est pas et n’a pas été victime de torture ou de traitement inhumain ou dégradant ».

Pourquoi le meurtrier norvégien se tourne-t-il vers la CEDH pour essayer d’obtenir gain de cause ? Voici les 5 informations-clés pour comprendre.

1 : Une création d’après-guerre

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les puissances alliées réfléchissent à des normes de droit international pour garantir la paix. Il y aura l’ONU (Organisation des Nations Unies) mais aussi la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La CEDH est composée de trois sous-ensembles : un comité de trois juges, une chambre de 7 juges, et une Grande chambre de 17 juges pour les affaires particulièrement complexes.

Elle obéit à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui est son texte fondateur. Ratifiée en 1953 à Rome, elle vise à protéger les droits civils et politiques des citoyens dont les états sont membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, elle insiste sur la souveraineté des états.

La Convention est composée de 59 articles. Anders Breivik, lui, veut saisir la CEDH au nom de l’article de 3 sur les traitements inhumains et dégradant.

2 : Elle est liée au Conseil de l’Europe

Elle est créée en 1959 par le Conseil de l’Europe, qui est une assemblée parlementaire regroupant 47 états européens, dont les 28 membres de l’Union Européenne. Son siège est à Strasbourg. La Norvège en fait partie, tout comme la Russie et la Turquie : le Conseil de l’Europe ne réunit pas seulement les membres de l’Union Européenne. C’est pour cette raison qu’Anders Breivik peut saisir la CEDH.

3 : Elle ne peut être saisie comme n’importe quel tribunal

Il est impossible de saisir la CEDH pour une affaire de manière directe : la CEDH intervient en dernier recours. C’est l’article 35 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui stipule que « la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours
internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international ». En France, par exemple, il faudra être allé jusqu’à la Cour de Cassation. Si le jugement rendu par celle-ci ne satisfait pas la personne, il peut porter son affaire à la CEDH.

Anders Breivik est dans ce cas de figure : il est allé jusqu’à la Cour Suprême de Norvège, la plus haute institution judiciaire de son pays. Celle-ci refusant de statuer sur son cas, il saisit la CEDH.

4 : Une institution très sollicitée

La CEDH rend près de 1000 arrêts par an, ce qui est énorme. Un protocole a dû être adopté pour désengorger la Cour qui voyait les demandes se multiplier.

5 : Des décisions qui font figure d’exemple dans le droit International

Parmi les arrêts rendus par la CEDH, certaines décisions ont marqué le droit et sa pratique : certaines appartiennent désormais à ce que l’on appelle la jurisprudence (des textes qui font figure d’exemple, souvent étudiés). Parmi ces décisions, on peut citer la condamnation de la France dans l’affaire Siliadin (la France n’a pas respecté l’article 4 de la Convention sur l’esclavage et n’a pas condamné assez sévèrement les coupables d’esclavage sur Siwa-Akofa Siliadin dans les années 1990) ou encore l' »affaire Chypre contre Turquie » en 1978. L’Etat turc avait torturé et infligé des traitements inhumains et dégradants sur des détenus chypriotes et s’était justifié en déclarant qu’elle ne reconnaît pas l’état de Chypre. La CEDH a réaffirmé que la non-reconnaissance mutuelle des Etats ne suspend pas le respect des droits de l’homme.

Asmaa Boussaha

 

Le clavier « azerty » soumis à enquête

Une enquête publique, commandée par le ministère de la culture en 2015 et mise en place par l’Association française de normalisation, vise à redéfinir l’organisation des claviers français. Deux solutions sont envisagées, une refonte du clavier « azerty », que nous connaissons tous, et une solution plus extrême, le clavier « bépo ».

Crédits : Flikr @JavierMorales
Crédits : Flikr @JavierMorales

 

Serait-ce la fin des claviers « azerty » ? Inimaginable, et pourtant. Une enquête publique a été mise en place par l’Association française de normalisation (Afnor) afin de trouver une organisation des symboles sur le clavier qui soit la mieux adaptée à la langue française.

Tout le monde peut participer à cette enquête, qui se clôture le 9 juillet. Elle offre la possibilité de choisir entre deux propositions majeures, ou de soumettre des modifications.  Des deux nouveaux claviers proposés, l’un se veut nettement plus révolutionnaire que l’autre. C’est le clavier « bépo », clavier censé être plus agréable et plus simple pour écrire en langue française sur un ordinateur ou un smartphone. Il est le fruit d’une étude statistique sur la langue française. L’autre est une version revisitée du clavier « azerty » que nous connaissons tous, agrémentée de nouveaux signes typographiques et réorganisée pour faciliter l’écriture en français.

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Les deux modèles retenus pour remplacer le clavier « azerty » originel.

La disposition des caractères sur un clavier « azerty » remonte… au XIXe siècle ! Elle est directement issue des claviers de machines à écrire anglo-saxonnes : cet arrangement permettait de taper rapidement à la machine, sans que les marteaux ne s’entrechoquent. Commandée en 2015 par le ministère de la Culture, l’enquête publique cherche à normaliser les claviers français, qui n’ont jamais fait l’objet d’aucune norme.

Pour mener à bien cette réorganisation typographique, l’Afnor met en collaboration des experts, des linguistes, des fabricants mais encore des spécialistes des affections de la main et des articulations. Elle a été lancée il y a un peu plus d’un an. La problématique importante est celle liée aux troubles de la main : en positionnant les symboles les plus utilisés au centre du clavier, l’utilisateur s’abime moins les mains. Il est « presque impossible d’écrire en français correctement avec un clavier commercialisé en France », avait déploré la Délégation générale à la langue française et aux langues de France dans un rapport.

Deux solutions : rénover ou tuer « azerty »

 

La solution la plus radicale serait la plus adaptée aux mouvements des mains écrivant français sur un clavier. « L’arrangement des touches de la disposition « bépo » est basé sur une étude statistique de la langue française. Les lettres les plus fréquentes sont placées sur la rangée de repos ce qui permet de limiter les efforts et donc la fatigue musculaire. La frappe devient plus confortable ce qui réduit les risques de troubles musculosquelettiques », précise le site bepo.fr. Seul problème, le nouvel arrangement des touches demanderait un certain temps d’adaptation.

La solution d’un clavier « azerty » amélioré serait la plus douce pour l’utilisateur : en conservant les lettres à leur place habituelle, il ne bouscule pas l’utilisateur dans ses habitudes. Il lui facilite cependant l’écriture, en déplaçant certains symboles (comme les accolades, les voyelles accentuées, l’arobase), en rendant par exemple le point accessible sans majuscule et l’accentuation des majuscules plus simple.

Ouverte jusqu’au 9 juillet, la consultation rendra ses résultats, lors d’une réunion de dépouillement, trois jours après. Les utilisateurs resteront libres d’adopter, ou non, les nouvelles propositions ou d’en faire de nouvelles. Si les deux options, « bépo » et « azerty » sont retenues tel quel, les fabricants auront la liberté d’adopter la configuration qui se prête le mieux à leurs marchés, voire les deux, à la fois pour les claviers physiques ou virtuels sur les smartphones.

Gautier VIROL