Entre citoyens et services publics, une confiance en berne

Un rapport publié aujourd’hui par un collectif pointe une dégradation du rapport de confiance vis à vis du services publics.

La confiance s’émousser au pays de l’État providence. « Si l’attachement de la population aux services publics est réel, la confiance pratique qu’elle accorde à ces services est amoindrie », avance le rapport d’un collectif transpartisan Nos Services Publics, constitué de fonctionnaires, ayant collaboré avec une centaine de chercheurs. Ce travail, commencé en janvier 2023, est une analyse sur le temps long de l’état des services publics en France. « Les moyens des services publics augmentent depuis vingt ans », remarque le rapport, mais cette amélioration apparente masque une baisse puisque ces moyens engagés augmentent « moins rapidement que les besoins sociaux, et l’écart entre les premiers et les seconds tend à s’aggraver ».

Un écart propre à créer « une rupture entre services publics et ses usagers », selon Arnaud Bontemps, haut-fonctionnaire et co-porte-parole du collectif à l’origine du rapport. « Il existe une vraie désocialisation dans la réponse aux besoins, dans la mesure où l’évolution des services publics est trop centrée sur les enjeux budgétaires, et non sur les besoins des citoyens ». Même son de cloche dans une étude du Conseil d’État publiée en juillet, qui pointe lui aussi « une véritable crise de confiance qui rend difficile une action publique au plus proche des réalités concrètes des usagers ».

Graphique issu du Rapport sur l’état des services publics du 14 septembre 2023 par le collection Nos Services Publics.

Des choix gestionnaires et politiques contre-productifs

Le collectif Nos Services Publics met en cause une expérience effective des services publics trop souvent « décourageante et frustrante », notamment en matière de justice et de sécurité mais surtout, « des inégalités d’accès et de traitement aux services publiques ». C’est aussi un « manque de ressources humaines malgré une constante augmentation du nombre d’agents publics », qui est pointé du doigt, la faute à des « choix politiques et gestionnaires contre-productifs », d’après le rapport.

Plusieurs administrations se sont engagées dans une transformation

Rapport du Conseil d’État de juillet 2023

Une analyse que le Conseil d’État tempère, notant que « plusieurs administrations se sont engagées dans une transformation centrée sur le service de l’usager », avec un souci de « simplifier la vie des gens qui s’est amplifié ». C’est par exemple ce que met en avant la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), qui se prévaut de « faire des avis des Français la clé de l’amélioration continue des services publics, à travers une démarche portée par les agents publics », avec un programme intitulé « Services Publics + » présenté en juin dernier.

Si les solutions et évolutions possibles sont nombreuses, ce rapport affiche pour ambition « de rouvrir les débats -sans prétendre les régler – sur la signification que devraient aujourd’hui revêtir les principes qui fondent l’ambition du service public : démocratie, égalité, émancipation, universalité ». Une démarche dont les répercussions restent à observer dans une France aux services publics sous le feux de nombreuses critiques.

Jules Bois

 

 

 

Surpopulation carcérale : le personnel pénitentiaire fortement impacté

Ce jeudi 14 septembre 2023, Dominique Simonnot, contrôleure général des lieux de privation de liberté (CGLPL), a publié un rapport dans le Journal Officiel, préconisant un « système de régulation » face à la surpopulation carcérale. Les conditions de travail du personnel pénitentiaire, en sous effectif, sont également pointées du doigt.

La contrôleure des prisons, Dominique Simonnot, demande, dans un rapport publié ce 14 septembre 2023 au Journal Officiel, la mise en place d’un « mécanisme contraignant » de régulation de la population carcérale. Selon elle, « aucune mesure d’envergure nationale n’a été prise » face à la surpopulation carcérale qui touche la France, qui compte près de 74 000 détenus pour 60 000 places. Certaines maisons d’arrêt sont occupées à plus de 200% de leur capacité. La France a par ailleurs été à nouveau condamnée, le 6 juillet 2023, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme face à cette surpopulation. Outre ses recommandations pour régler cette situation, Dominique Simonnot évoque le lien entre le trop grand nombre de détenu et les conditions de travail du personnel pénitentiaire, qui subit un « fonctionnement dégradé qui se pérennise et [qui] finit par devenir la norme »

« Tout le monde perd du sens dans son travail »

La contrôleure des prisons alerte face à la « surcharge de travail » qui touche l’ensemble des professions pénitentiaires. Pour Estelle Carraud, secrétaire générale du Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire – FSU (SNEPAP – FSU), les conditions de vie des détenus, et celle du personnel, sont « intrinsèquement liées ». Une première difficulté apparaît selon elle, lorsque les agents pénitentiaires constatent le décalage entre la promesse du métier et la réalité : « Les surveillants croient en leur mission, d’assurer la sécurité de la société mais aussi de permettre la réinsertion des détenus. Mais les visions d’entassement et le manque d’effectif pour répondre aux besoins minimums les font douter. Certains se demandent ce qu’ils sont en train de créer. Les conseillers pénitentiaires n’ont plus le temps d’accompagner les détenus. Tout le monde perd du sens dans son travail ». Yanne Pouliquen, contrôleure associée à la CGLPL, rappelle que le rôle des surveillants n’est pas uniquement « d’ouvrir des portes » mais qu’ils sont les « premiers interlocuteurs des détenus, qu’ils une dimension sociale essentielle pour la réinsertion, et que la surpopulation rend difficile cela »

Un manque d’attractivité des professions pénitentiaires

Pour Estelle Carraud,«l’occupation de plusieurs postes en même temps, et l’épuisement plus rapide du personnel»  qui découle sur un fort absentéisme, allant « jusqu’à 36% dans l’un des établissements visités », selon le rapport de la CGLPL, mais également sur des démissions conséquentes. Dans une lettre ouverte adressée au Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, ce jeudi 14 septembre 2023, Eric Fievez, secrétaire général de la CFDT Pénitentiaire, dit « craindre le pire pour les mois et années à venir » face au « manque d’attractivité » des métiers pénitentiaires. Les données de recrutement de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) confirment cette crainte. En 2022 : « Pour 617 postes ouverts, 579 agents ont été recrutés lors de la première session et, pour la seconde, ouverte à hauteur de 1022 emplois, seules 752 intégrations en scolarité ont pu être effectuées »

Le rapport de la CGLPL illustre également que la surpopulation carcérale, le manque d’effectif pénitentiaire, et la dégradation des conditions de travail qui en découle, accroît les tensions et « entraîne une surenchère de mesures sécuritaires qui ne parvient jamais à apaiser les troubles : les fouilles intégrales se multiplient au mépris de la réglementation, les pratiques infra-disciplinaires se développent en l’absence de tout contrôle ». Un cercle vicieux qui entrave les conditions de détention, et qui impacte grandement les détenus, et leur réinsertion dans la société.

Séisme: L’Association des Marocains en France à Saint-Denis s’organise en urgence

À Saint-Denis, l’Association des Marocains en France (AMF) se mobilise depuis le 9 septembre dernier, pour venir en aide aux victimes du séisme. Les bénévoles collectent chaque jour des vêtements, matériel médical, orthopédique etc. Les dons affluent dans ce département où la diaspora marocaine est très présente. Reportage.

Au sein des locaux de l’Association des Marocains en France situés juste en face du T1 (tram) à Saint-Denis, plusieurs sacs sont disposés les uns à côté des autres dans toute la pièce. Un sac ACTION près de l’entrée avec des vêtements pour enfant. Un autre contenant des chaussures, des sacs, des médicaments (Doliprane), brumisateurs. Sur l’un des murs de l’organisme, une liste est placardée sur laquelle on peut lire les éléments suivants : « LISTE DES PRODUITS AUTORISES : Chaises roulantes, béquilles, matériel médical, matériel orthopédique, couverture, médicaments, lits pliables, tentes »

« On ne prend plus de vêtements, c’est une consigne des autorités pour des raisons sanitaires et on nous a transmis cette liste de produits autorisés », explique David l’un des bénévoles de l’AMF.

Le collectif a été créé dans les années 60 pour venir dans un premier temps en aide aux travailleurs marocains puis l’association s’est occupée progressivement des habitants du quartier en proposant des cours de français, d’informatique, des ateliers de soutien éducatif, d’aide juridique.

« On reçoit jusqu’à 100 appels par jour »

 

Depuis le séisme, l’association s’occupe en priorité de l’organisation pour l’envoi des dons même si les activités annexes ne sont pas abandonnées.

« C’est ma fille de 14 ans qui m’a appelé pour me prévenir de ce qu’il se passait, elle était à Agadir. J’ai eu peur, vous imaginez ? Et puis à partir de cet instant, on s’est appelés entre bénévoles et le lendemain matin, on s’est réuni en cellule de crise pour s’organiser, répondre à la demande, recevoir les gens », détaille posément El Mostafa Ramsi membre historique du bureau de l’AMF.

De 10 h à 19 h, chaque jour, les membres de l’AMF reçoivent des dons sur place et répondent aux appels « on reçoit jusqu’à 100 appels par jour. Ça ne s’arrête pas, c’est impressionnant. Ce sont des personnes qui appellent pour savoir ce que l’on peut donner concrètement, dans quels locaux apporter des dons » La diaspora marocaine, très présente en France et dans le département (93), est en première ligne pour venir en aide aux sinistrés mais l’AMF est également sollicitée par des directeurs de supermarchés, des entreprises, des proviseurs, etc.

Un élan de solidarité de toutes parts

 

Aux environs de midi, une jeune femme entre dans le local et salue les trois membres présents qu’elle connaît. Silvia Capanema, conseillère départementale du canton Saint-Denis-Stains (LFI). Cette dernière souhaite donner de l’argent mais l’un des membres de l’équipe lui explique qu’une cagnotte en ligne a été lancée et qu’elle peut envoyer directement son argent sur cette cagnotte.

« J’ai été très touchée parce que j’ai une relation affective avec le Maroc, il y a beaucoup de Marocains dans le département et j’ai voulu participer à cet élan de solidarité », affirme Silvia Capanema. L’AMF est indépendante et collabore uniquement avec des associations locales au Maroc qui leur font part de leurs besoins. « On envoie directement les dons en argent à ces associations locales pour qu’elles achètent ce dont elles ont besoin. Hier, on a fait un envoi qui va directement à une engagée ! », insiste El Mostafa.

Souad Frikech Chaouih, déléguée générale de la structure, précise « l’AMF a toujours maintenu des relations de solidarité, surtout sur les questions de l’éducation et de l’entrepreneuriat des femmes avec des associations partenaires au Maroc. Dans une telle situation, il est de notre devoir, en tant que citoyen marocain et franco-marocain, de se solidariser avec les populations », déclare-t-elle.

À 13 h, les téléphones sonnent toujours autant dans les locaux. Cette fois, David reçoit un appel de Vinci construction (le groupe français spécialisé dans la construction et le génie civil). Le même cérémonial se poursuit, il note sur son ordinateur les coordonnées de la structure, sur lequel on aperçoit la très longue liste de toutes les personnes qui ont appelé l’AMF. La responsable des salariés de l’entreprise indique qu’ils souhaitent se renseigner pour proposer des dons de matériaux suite au séisme dévastateur.

Un élan de solidarité plus que nécessaire, pour rappel le bilan est de 3000 morts et plus de 5000 blessés. Le Maroc a d’ailleurs annoncé, mercredi 20 septembre, qu’un budget de près de 11 milliards d’euros serait destiné à la reconstruction, au relogement et à la valorisation socio-économique des zones touchées par le séisme.

eBay veut investir le marché de la réparation des objets

Le site d’enchère en ligne lance une plateforme d’aide à la réparation d’objets. Une nouvelle dynamique pour eBay, en perte de vitesse, mais aussi un pari risqué en l’absence d’une stratégie stable.

« Rien ne se perd, tout se répare », annonce-t-on dans les bureaux d’eBay, ce jeudi matin. Le site pionnier de la vente en ligne dévoile aujourd’hui sa nouvelle plateforme « eBay Réparation », base de données interactives pour accompagner les consommateurs souhaitant réparer par eux-mêmes les produits du quotidien. Également sur la plateforme, un service d’achat de pièces détachées, et une ligne d’appel payante, ouverte en continu (7€ pour 15 minutes).

L’ambition affichée est ouvertement écologique. eBay, plateforme de mise en contact entre acheteur et vendeur, estime n’avoir que peu de pouvoir sur l’impact écologique des échanges. Si la fabrication d’objets est extrêmement polluante, le site a décidé d’arrêter de mettre en avant les produits neufs dans ses stratégies marketing. Mais Céline Saada-Benaben, directrice générale de la branche française, voit plus grand: « Ce que nous pouvons faire, c’est nous assurer que cette production soit faite moins souvent. » Elle fait appel à la légende du site, dont la première vente aurait été celle d’un pointeur laser cassé. Les nouvelles priorités d’eBay? Revendre, remettre à neuf et réparer. Réparer surtout, alors qu’elle insiste déjà sur la distribution de pièces détachées automobiles grandissante, au sein de son site.

Miser sur l’expérience pour compenser un e-commerce en berne

Le mastodonte historique manque de traction dans l’Hexagone. Au premier trimestre 2022, il était le seizième site de e-commerce le plus visité, avec 15% de couverture mensuelle (en pourcentage de la population française), loin derrière d’autres spécialistes de la revente : Leboncoin (44%) et Vinted (26%) (étude Médiamétrie et Fevad).

C’est alors une nouvelle manière d’investir le marché français.  Dans les locaux du site, Etienne Mercier, directeur du pôle Opinion et Santé chez Ipsos, voit dans la tendance « do it yourself » une expérience à part entière: « Il y a un épanouissement personnel. Ça a explosé pendant le Covid. Les Français s’ennuyaient, et il y a eu cette tendance à faire les choses avec ses propres mains. » Joan Le Goff chercheur et auteur de La nouvelle jeunesse de l’occasion (co-écrit par Faouzi Bensebaa), y souligne aussi la portée ludique d’une activité dont « émerge une expertise technique où le savoir est partagé. Expérience et connaissances pratiques se trouvent parées de vertus insoupçonnées et alimentent la participation à la vie de la société. » Exit la place de marché virtuel, eBay miserait-elle désormais sur l’offre d’expérience pour se démarquer ?

« Ce qu’il manque depuis 10 ans à eBay, c’est de la cohérence »

Un besoin de renouveau étonnant, quand on sait que l’entreprise américaine avait trouvé sa niche, aux premiers moments d’Internet, comme lieu d’expérimentation, par l’enchère, des nouveaux horizons digitaux. Avec l’explosion du commerce en ligne, et la multiplication des acheteurs, « eBay a raté le coche au moment de se positionner », nous confie Joan Le Goff. D’autres e-commerces, Leboncoin, Vinted mais aussi Amazon et AliExpress, ont su imposer une image forte. En face, « eBay n’arrête pas de changer de stratégie », ce qui résulte, selon lui, en une « identité illisible »: « Les consommateurs n’arrivent plus à identifier ce que fait eBay. Il faut que ce soit cohérent, et ce qu’il manque depuis 10 ans à eBay, c’est de la cohérence ».

Moins chère, plus intéressante, la réparation a le vent en poupe. « Il y a plein de choses à faire en France en matière de réparation des objets », affirme Joan Le Goff. Mais la stratégie floue d’eBay, ces dernières années, a peut-être tué dans l’œuf l’avenir de cette initiative: « C’est un vrai pari. C’est audacieux, mais c’est filandreux… eBay n’est peut-être pas le meilleur interlocuteur pour capter ce mouvement. » Projet louable, cette nouvelle expérience pourrait être celle de trop.

 

Shad De Bary