Syrie : la communauté internationale a les yeux rivés sur la Turquie … et les Etats-Unis

Le bras de fer se poursuit entre la Turquie et la Syrie. Dans la nuit de mardi à mercredi, le pays de Recep Tayyip Erdogan a dépêché des véhicules blindés à la frontière entre les deux pays, avant de lancer, ce mercredi, l’opération. Alors que l’offensive turque au nord-est de la Syrie contre une milice kurde préoccupe une partie de la communauté internationale, l’ambiguïté de la politique américaine dans le pays est pointée du doigt. 

Près d’Akcakale, dans la province syrienne de Sanliurfa, l’artillerie turque est prête pour l’offensive. BULENT KILIC / AFP

Le président turc Recep Tayyip Erdogan affirmait lundi qu’une offensive turque contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) dans le nord-est de la Syrie pourrait intervenir à tout moment, après avoir reçu ce qui semblait être un feu vert de son homologue américain Donald Trump. Cette offensive, contre une milice kurde que le pays qualifie de « terroriste », contribuera à apporter « la paix et la stabilité » en Syrie, affirmait ce mercredi Recep Tayyip Erdogan à son homologue russe Vladimir Poutine, quelques heures avant de lancer les opérations.

« Lors de cet entretien, le président a déclaré que l’opération militaire prévue à l’est de l’Euphrate contribuera à la paix et à la stabilité de la Syrie et facilitera la voie vers une solution politique », raconte une source à la présidence turque.

En milieu d’après-midi, le président turc annonce sur twitter avoir lancé le début de « l’Opération Peace Spring » contre les « terroristes » du nord-est de la Syrie. Il poursuit dans un second tweet que cette offensive permettra de « neutraliser les menaces terroristes contre la Turquie et de permettre la mise en place d’une zone sécurisée, facilitant le retour des réfugiés syriens chez eux ».

L’Etat français “très préoccupé”

Malgré des propos qui se veulent rassurants, le président Erdogan ne convainc pas et l’opération militaire menée dans le nord-est de la Syrie préoccupe la communauté internationale.

Après l’ONU, qui indiquait lundi se « préparer au pire » en cas de nouvelle crise humanitaire en Syrie, c’est au tour d’Emmanuel Macron de faire part de son inquiétude. Ce mercredi, le président français se dit « très préoccupé » par une telle offensive. Il avait rencontré lundi la responsable kurde Ilham Ahmed.

« L’idée est de montrer que la France est au côté des FDS (Forces démocratiques syriennes, ndlr), parce que ce sont des partenaires clés dans la lutte contre Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique, EI), qu’on est très préoccupé de la possibilité d’une opération turque en Syrie et qu’on passera ces messages directement aux autorités turques »,  explique l’entourage du chef de l’Etat.

Paris avait exhorté lundi la Turquie à s’abstenir de toute opération militaire en Syrie, qui contribuerait selon la France à la résurgence de l’Etats islamique dans la région. Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Edouard Philippe a renouvelé mardi son soutien envers les FDS, qui ont été le fer de lance dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) avec l’appui des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, comme la France.

La politique américaine dans le viseur

De leur côté, les Etats-Unis ont eu une position plus hésitante sur la question syrienne : en début de semaine, la Maison Blanche semblait donner le feu vert à la Turquie, avant de rétro-pédaler quelques jours plus tard. Après plusieurs jours de tergiversation, le président américain déclare ce mercredi qu' »intervenir au Moyen-Orient fut la pire décision de l’histoire des Etats-Unis ». Trois jours plus tôt, il annonçait le retrait de troupes américaines de secteurs proches de la frontière turque en Syrie.

« Nous ramenons désormais lentement et sûrement nos formidables soldats et militaires à la maison », ajoute-t-il sur Twitter, en soulignant que les conflits au Moyen-Orient ont coûté aux Etats-Unis quelque « 8.000 milliards de dollars ».

En Russie, cette politique ambiguë menée par Donald Trump préoccupe la sphère gouvernementale. La politique américaine en Syrie risque de « mettre le feu » à la région, estime Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, en déplacement au Kazakhstan.

Le diplomate dénonce les « contradictions » des Etats-Unis et leur « incapacité à parvenir à des compromis », assurant que « les Américains ont enfreint leurs promesses de nombreuses fois ». Il qualifie par ailleurs de “jeu dangereux” le soutien de Washington aux Kurdes en Syrie ces dernières années, qui a selon lui « provoqué la colère des populations arabes habitant traditionnellement sur ces territoires ».

Les Kurdes se mobilisent 

Les Kurdes du nord de la Syrie, confrontés aux hésitations de leur allié américain, se disent « très inquiets » et « craignent que cela mette le feu à toute la région ». Ils redoutent notamment un éventuel « retour » de l’Etat islamique.

Ils appellent désormais Moscou à l’aide. Evoquant un « dialogue » avec « le gouvernement syrien », l’administration semi-autonome kurde dit dans un communiqué « espérer que la Russie jouera un rôle de soutien et de garant ». De son côté, Damas avait appelé la minorité à revenir dans son giron.

Face à l’offensive imminente, les kurdes décrétaient en début de journée une « mobilisation générale » de trois jours, en exhortant les habitants de la région à la « résistance ».

En cas d’attaque, les forces kurdes en Syrie déclarent qu’elles ne cibleront pas la Turquie, mais qu’elles se réservent le droit de se « défendre jusqu’à leur dernier souffle ».

L’Europe craint une nouvelle crise migratoire

Plusieurs dirigeants européens réunis mardi à Luxembourg se sont inquiétés de voir survenir un nouvel afflux migratoire en raison de la situation en Syrie. Dans un texte transmis aux ministres de l’Intérieur de l’Union européenne (UE), la Grèce, Chypre et la Bulgarie ont souligné « la hausse spectaculaire d’arrivées de migrants sur la route de Méditerranée orientale », y voyant les « signes alarmants de l’émergence d’une crise ».

L’UE appelle alors à « la fin des hostilités » en Syrie, un pays où le conflit a déjà fait depuis 2011 des millions de déplacés et a coûté la vie à plus de 370.000 personnes.

 

Cécile Da Costa avec AFP

Crise en Equateur : ce que l’on sait

Blocages de routes et de puits pétroliers, manifestations… Un mouvement social agite le pays depuis une semaine, en réaction à la forte augmentation du prix du pétrole.
Un manifestant enveloppé dans le drapeau équatorien lors d’affrontements avec la police devant le Parlement, à Quito le mardi 8 octobre 2019. Martin BERNETTI / AFP

La tension est encore montée d’un cran en Equateur. Le président Lenin Moreno a ordonné mardi 8 octobre un couvre-feu nocturne autour des lieux de pouvoir. La liberté de circulation a été restreinte entre 20h00 et 05h00 locales. Cette décision a fait suite à l’irruption de manifestants dans le Parlement à Quito.

Le pays est paralysé depuis six jours par un mouvement social inédit depuis 2007. Ecoles et lycées ont été fermés pendant quarante-huit heures. Les manifestations à Quito se sont soldées par des heurts avec la police et plus de 300 arrestations, dont celles du dirigeant de la fédération de taxis, Jorge Calderon, et du leader indigène Marlon Santi. Des barricades, faites de pneus et branchages ont été incendiées. Plusieurs routes dans différents Etats du pays ont été bloquées, ainsi que des puits de pétrole en Amazonie. Lundi, la baisse de production de pétrole était de 12%.

Les manifestants font face à la police pendant une grève des transports à Quito le vendredi 4 octobre 2019. RODRIGO BUENDIA / AFP

Les manifestations ont commencé jeudi 3 octobre, deux jours après que le gouvernement a annoncé qu’il cessait de subventionner les carburants les moins chers et les plus utilisés. En échange, le pays aura droit à une aide de 4,2 milliards de dollars dans le cadre d’un accord conclu avec le Fonds monétaire international (FMI). L’entrée en vigueur des nouveaux tarifs jeudi a engendré des hausses de prix des carburants allant jusqu’à 123%. Le galon (3,7 litres) de diesel est passé de 1,03 à 2,30 dollars, celui de super de 1,85 à 2,40 dollars.

Le gouvernement bousculé par la crise

Le jour même du début des manifestations, le président Moreno avait déclaré l’état d’urgence pendant 60 jours. Le couvre-feu à Quito aura la même durée. Il avait déjà fait déplacer lundi l’exécutif à Guayaquil, une petite ville portuaire au sud du pays.

 

L’ancien président Rafael Correa nie une tentative de coup d’Etat lors d’une conférence de presse à Bruxelles, mardi 8 octobre 2019. Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

Mardi 8 octobre, l’ancien président Rafael Correa, installé en Belgique et demandé par la justice équatorienne, a réclamé la tenue d’une élection anticipée pour répondre à la crise à laquelle est confronté son successeur et ex-allié Lenin Moreno. Il n’exclut pas de se présenter comme vice-président. Ayant déjà effectué trois mandats, il ne peut pas se représenter à la présidence. Moreno a qualifié cette annonce de tentative de « putsch ».

Sept pays latino-américains dont l’Argentine, la Colombie ou le Brésil ont annoncé leur « ferme soutien » au président Moreno. L’Organisation des Etats américains (OEA), l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Espagne condamnent les violences, appelant au dialogue.

La ministre de l’Intérieur, Maria Paula Romo, a annoncé que le gouvernement acceptait  la médiation proposée par les Nations unies et par l’Eglise catholique.

 

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Francini Antonella

Donald Trump accusé d’abandonner les Kurdes face à la Turquie

Des soldats de l’armée turque se dirigent vers la frontière syrienne, le 8 octobre 2019. – Bulent Kilic / AFP

Alors que la Turquie avait annoncé une opération militaire imminente contre les Kurdes dans la nuit de dimanche à lundi, Donald Trump avait lui évoqué le retrait des troupes américaines du territoire syrien, créant une forte inquiétude chez les autorités kurdes. Avant de revenir sur ses propos en début de semaine.

Le président américain se trouve une nouvelle fois au centre d’une polémique au Moyen-Orient. Tout est parti d’un communiqué, publié dimanche soir par la Maison Blanche : Stephanie Grisham, la porte-parole du président américain, rendait compte d’un échange téléphonique entre Donald Trump et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, précisant qu’un assaut de la Turquie contre les Kurdes dans le nord de la Syrie était imminent. « La Turquie va bientôt engager son opération prévue dans le nord de la Syrie. Les forces armées des Etats-Unis ne soutiendront ni ne participeront à l’opération et les forces des Etats-Unis, après avoir vaincu le califat” territorial de l’Etat islamique [EI], ne seront plus dans les environs immédiats ».

Après ce qui semblait être un abandon des Kurdes de la part de Donald Trump, Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a immédiatement dénoncé les « contradictions » des Etats-Unis, craignant que la politique américaine en Syrie ne mette le feu à la région.

Changement de discours

Alors que des critiques s’élevaient jusque dans le camp des républicains, Donald Trump s’est empressé de revenir sur ses propos dans la journée de lundi, précisant qu’il ne s’agissait pas d’un feu vert donné aux forces turques et que les Etats-Unis n’avaient « pas abandonné les Kurdes ». Il avait également affirmé qu’il « anéantirait complètement l’économie de la Turquie » si celle-ci « dépassait les bornes ».

Une mobilisation générale pour faire face à la menace de la Turquie est prévue dans le nord-est de la Syrie par les autorités semi-autonomes kurdes, qui ont appelé ce mercredi les habitants concernés à la résistance contre l’éventuelle offensive.

Celsalab avec AFP

Destitution : Donald Trump refuse de coopérer avec le Congrès américain

Argument central de l’administration Trump : l’absence de vote à la Chambre des représentants permettant de déclencher le processus de l’enquête.
Donald Trump a qualifié les auditions organisées par l’opposition au Congrès sur l’affaire ukrainienne de « tribunal bidon ». (Photo de Brendan Smialowski / AFP)

 

En refusant de coopérer, Donald Trump a choisi la guerre ouverte avec le Congrès. Pat Cipollone, avocat de la présidence, a envoyé dans la nuit de mardi à mercredi une lettre à Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates au Congrès. « Pour faire simple, vous essayez d’annuler les résultats de l’élection de 2016 et de priver les Américains du président qu’ils ont librement choisi », écrit-il. « Dans ces circonstances, le président Trump et son administration ne peuvent participer à votre enquête partisane et anticonstitutionnelle ».

Nancy Pelosi a réagi dans la foulée. Elle dénonce une « autre tentative de cacher les faits sur les efforts éhontés de l’administration Trump de faire pression sur des pouvoirs étrangers afin qu’ils interfèrent dans les élections de 2020 ». Dans un tweet cinglant, elle rappelle au président américain qu’il n’est pas « au-dessus des lois », et qu’il « sera tenu responsable ».

 

 

« Tribunal bidon »

 

Pour rappel, les démocrates veulent déterminer dans quelle mesure le président américain a fait pression sur son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky lors d’un échange téléphonique, afin qu’il cherche des informations compromettantes sur son rival Joe Biden. Selon eux, empêcher le Congrès d’avancer dans son enquête pourrait constituer une entrave à la justice, soulignant que cela avait été l’un des trois motifs de destitution retenus à l’encontre du président Richard Nixon en 1974, avant sa démission.

Mardi matin, le président américain avait interdit à l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Union européenne de témoigner devant les élus, qualifiant les auditions organisées par l’opposition au Congrès sur l’affaire ukrainienne de « tribunal bidon ». En interdisant ce témoignage, « la Maison Blanche tente encore de freiner et d’entraver l’enquête », se sont indignés les chefs démocrates des commissions chargées des investigations. Ils ont également exigé que l’ambassadeur témoigne le 16 octobre prochain, et présente des documents que le département d’Etat refuse pour le moment de livrer.

 

CelsaLab avec AFP