Community manager, un métier difficile devenu indispensable

En une dizaine d'années, la gestion des réseaux sociaux est devenue vital pour les entreprises Crédits : Pexel
En une dizaine d’années, la gestion des réseaux sociaux est devenue vital pour les entreprises
Crédits : Pexel

Dépositaire de l’image publique de l’entreprise, le community manager est un élément clef souvent sous-estimé. C’est un métier difficile, en constante évolution, dont dépendent pourtant les habitudes d’achats de nombreux consommateurs.

La compagnie aérienne américaine United Airlines a perdu un milliard de dollars suite à la publication en avril dernier de deux vidéos sur Twitter. Celles-ci montraient des employés de la compagnie être violents avec un passager. Maîtriser les réseaux sociaux est devenu vital, à l’ère où les commentaires Facebook et les tweets peuvent faire la fortune ou la ruine d’une entreprise.

“Attirer de nouveaux clients tout en satisfaisant les anciens”

Depuis l’apogée des réseaux sociaux, le garant de l’image d’une marque sur internet, c’est lui. Le community manager (CM), animateur de réseaux sociaux, est devenu l’outil indispensable des entreprises. Son objectif ? Attirer de nouveaux clients tout en satisfaisant les anciens.

Répondre aux usagers en colère, c’est la partie la plus visible de son travail. La tâche est chronophage mais permet de créer le sentiment d’une relation humaine, au cas par cas. “On répond avec bienveillance, c’est évident”, affirme Yohan Ammouri, 28 ans, community manager indépendant depuis quatre ans. “Je suis adepte du précepte “le client est roi. Mais s’il y a des insultes, notre charte stipule que l’on peut bannir les utilisateurs. Un peu comme on appelle la sécurité dans un magasin.” Le CM doit répondre dans l’instant pour contenter les clients, et tous les lecteurs potentiels.

Ces clients ne sont pas que les jeunes internet natives. “Sur Facebook, il y a tout le monde, les personnes actives ont entre 25 et 45 ans », constate Amélie Bourgeois, cogérante de l’agence Zébrure. « Pour autant, il faut garder un esprit jeune pour renouveler sa communication.” Il est donc important pour les marques de renvoyer une image positive, mais aussi de publier régulièrement pour donner rendez-vous sur le site.

Pour cela, il est indispensable de maîtriser les particularités de chaque réseau. Les hashtags sur Twitter, les émoticons sur Facebook et les photos sur Instagram. “Il faut bien saisir quel réseau choisir dès le début. Une dimension stratégique est venue s’ajouter, ce métier évolue sans cesse”, explique Yohan Ammouri.

Des conséquences directes sur le chiffre d’affaires

Les réseaux sociaux permettent de toucher une audience très large, très rapidement. Contrairement aux journaux, à la radio ou à la télévision, internet permet de cibler directement les personnes qui voient les messages des entreprises grâce à des algorithmes précis. Ainsi, la page Facebook d’un hôtel de luxe sera recommandée aux personnes avec un certain niveau de revenus et qui ont l’habitude de voyager.

Une bonne campagne sur les réseaux sociaux est probablement le meilleur investissement qu’une entreprise puisse faire pour atteindre les clients”, affirme Tristan Mendès-France, spécialiste de la question. “Mais sans community manager, il y a peu de chances que la présence en ligne soit efficace.

40% des utilisateurs admettent avoir été influencés par les réseaux sociaux pour faire un achat important, selon une étude de Vision Critical. La même étude a trouvé que le plus important pour une marque est d’être représentée par une personne amusante et humaine sur internet. Plus que la qualité des produits ou services vendus, c’est le ton du CM qui attire et fidélise les clients.

Un métier commercial et créatif

La place du community manager dans l’entreprise est primordiale et elle attire des profils différents de la plupart des métiers du digital. Le community manager-type est une femme de moins de 30 ans, diplômée d’un bac + 5 en école de commerce. Sa rémunération est très variable, mais commence à environ 2 000€ brut par mois.

La majorité des community managers sont des femmes.
La majorité des community managers sont des femmes.

Mais certains recherchent des profils différents de ce carcan, comme Amélie Bourgeois. Elle n’a retenu aucune candidature issue d’une école de commerce ou de marketing digital. “Un diplôme dans le numérique, ça ne suffit pas. Il est plus important de fournir un contenu créatif”, explique-t-elle.

Ce “métier du futur” convient particulièrement aux jeunes recrues, déjà férues de réseaux sociaux. Pour les jeunes diplômés, ce poste est souvent un premier emploi pour “mettre un pied dans la porte”. Le community manager reste rarement plus de 5 ans en poste. Les jeunes qui l’exercent ont rapidement envie de gagner plus d’argent et de responsabilités.

L’autre explication est moins glorieuse : le métier est éreintant. Toujours collé à un écran, le CM n’a pas de temps libre, il doit répondre aux sollicitations en permanence. “On répond le plus vite possible”, témoigne Amélie Bourgeois “mais on reste des humains, on répond sur les horaires de bureaux pour “éduquer” la communauté.” Sans compter le caractère souvent agressif des messages des utilisateurs. Des critères qui expliquent les risques de burn out, particulièrement élevés dans la profession.

Louise Boutard & Jean-Gabriel Fernandez

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Sur Instagram, Camille Caucian partage des images de voyages et de cuisine, ses deux spécialités (capture d'écran)
Sur Instagram, Camille Caucian partage des images de voyages et de cuisine, ses deux spécialités (capture d’écran)

Elle vous fait découvrir la cuisine et les voyages depuis votre canapé. A 27 ans, Camille Cancian est community manager pour la petite entreprise niçoise de restauration Socca Chips. Elle anime sur internet la communauté de la société créée depuis deux ans.

Difficile de se lancer en Freelance

Diplômée d’un bachelor en business marketing, la jeune blonde énergique a eu différentes expériences professionnelles. En particulier celle de community manager indépendante, qu’elle exerce encore sur son temps libre. “J’avais envie de travailler pour moi et j’appréciais de pouvoir gérer ma journée comme je l’entendais, travailler sur la plage par exemple”, explique-t-elle. Mais la jeune femme peine à percer seule. Elle cherche un emploi à mi-temps pour assurer son salaire. A temps-plein chez Socca chips depuis juin dernier, Camille reste dans un univers culinaire et méditerranéen.

En indépendante ou au sein d’une entreprise, le métier reste le même.  »Il faut toujours être en alerte, avoir une présence sur les réseaux, et savoir s’adapter. » Une caractéristique appréciée par cette autodidacte :  »Sur Instagram, l’échange est très personnel, donc je signe facilement de mon nom. Sur Facebook c’est différent, je signe uniquement si on a eu un échange suivi. »

Le blog de Camille Cancian lui permet de travailler en tant qu'indépendante (capture d'écran)
Le blog de Camille Cancian lui permet de travailler en tant qu’indépendante (capture d’écran)

Qualités requises

Autre aspect primordial du métier : la créativité.  »On a une liberté d’expression totale”, s’enthousiasme Camille. “Certains clients savent précisément ce qu’ils veulent. Ce n’est pas très intéressant. A l’inverse, parfois, il est difficile de cerner leurs besoins, ils demandent de modifier le rendu en permanence. »

Le point faible de Camille a d’abord été le réseautage.  »C’est quelque chose de vital quand on n’a pas de carnet d’adresse, et j’ai négligé cette partie dès le début. » Désormais, elle se renseigne auprès de plateformes dédiées comme Malt. Indispensables, ces sites mettent en relation les différents métiers du digital et leur actualité.

Camille Cancian aime son métier. Pourtant, elle assure que les réseaux sociaux ne lui sont pas indispensables au quotidien.  »C’est un plaisir, pas une passion. J’ai besoin de souffler parfois.”‘ Alors que certains community manager sont toujours connectés et s’en plaignent, la jeune femme s’impose des horaires.  »Je vais voir mes publications le soir, et je réponds parfois, mais jamais trop tard. » Pour elle, les réseaux sociaux ne sont qu’un métier, elle ne les laisse pas dévorer sa vie.

Louise Boutard

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Le vin français peut-il résister à la mondialisation ?

Les vins français perdent du terrain à l'international. ©CreativeCommons
Les vins français perdent du terrain à l’international.
©CreativeCommons

A l’international, le vin français perd du terrain. Héraut de la culture française pendant des décennies, il n’échappe pas aux néfastes de la mondialisation. Uniformisation du goût et standardisation des pratiques, les gros producteurs étrangers imposent leurs règles du jeu. Face au danger, les vignerons français s’organisent : ne serait-ce pas la fin d’une mondialisation heureuse ?  

 

La France est le premier pays exportateur de vin. 30% de sa production consacrée à l’international. Mais ce chiffre cache une autre réalité : les Français vendent moins mais plus cher. Et là où certains pays comme l’Afrique du Sud, le Chili ou encore la Chine voient d’année en année leur volume progresser, les volumes français, eux diminuent.

Les principaux pays producteurs de vin


Aujourd’hui, confronté à la mondialisation, le vin français perd du terrain à l’export. Depuis quatre ans, les ventes en volumes sont en recul de 13,5%, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux. Si depuis plusieurs décennies déjà, les vins du « Nouveau monde » (Amérique du Sud et Etats-Unis) concurrencent les vins français, ces derniers doivent faire face aujourd’hui à d’autres concurrents : les vins du « Nouveau nouveau monde ». A la tête du groupe, la Chine. Son vignoble est aujourd’hui le deuxième du monde en surface. Un sérieux rival, qui rebat les cartes du marché. « L’arrivée de vins dits “mondialisés“ a modifié le marché mondial. Ces derniers ont une approche beaucoup plus “marketée“ avec la mise en avant du cépage au lieu du domaine, comme c’est le cas en France. La raison est simple : elle permet une approche plus simple pour le consommateur », explique Bérengère Bezaud, chercheuse sur les cultures alimentaires. Concrètement, les « vins de cépage » sont ceux issus d’une seule variété de raisin, qui sera mentionné sur l’étiquette. En opposition, les vins français sont des vins dits « de terroir ». Issus d’un assemblage de raisins, ils sont désignés par le nom du domaine producteur.

Face à la concurrence, le vin français a dû s’adapter, pour le meilleur…et pour le pire. « La mondialisation a permis la modernisation de certaines pratiques du vin français et un assouplissement de certains labels trop contraignants pour le producteur. On peut constater également que l’ouverture à la concurrence conduit à une segmentation du marché. Sauf qu’en France ça ne fonctionne pas et la mondialisation pénètre aujourd’hui les AOC », regrette Bérengère Bezaud. Ainsi, certaines techniques dites « du nouveau monde », comme l’ajout de copeaux de bois pour aromatiser artificiellement le vin sont aujourd’hui utilisées dans des vignobles français. « Le risque, c’est une uniformisation du goût », s’inquiète-t-elle, « un vin produit au Chili et à Bordeaux peut avoir, aujourd’hui, exactement le même goût. Avec ces pratiques, le vin est en train de devenir très technique, c’est comme une recette ».

La France peut-elle rattraper son retard ?

Savoir-faire et notoriété sont à l’actif des vins français. Pour autant, la France a dû mal à s’armer face à la mondialisation. Outre ses coûts de production élevés, la France pâtit d’un handicap de taille : 69% des entreprises françaises font moins de 10 millions de chiffres d’affaires. Et même les gros producteurs français sont à la peine. L’entreprise Castel, leader français sur le marché, réalise un chiffre d’affaires de 1,1 milliards d’euros par an. A titre de comparaison, le géant américain Gallo, réalise lui 4 milliards d’euros. En 2015, le chiffre d’affaires du vin chilien Concha y Toro dépassait déjà le milliard d’euros. Deux mastodontes qui inondent les marchés en terme de quantité.

Ces pays ont les moyens de produire plus et pour moins cher. C’est un tableau sur lequel les producteurs français ne peuvent compétiter. Alors, depuis une dizaine d’années, certains vignerons prônent un retour à la tradition. « L’uniformisation du produit a fait réagir la profession. On retrouve aujourd’hui de plus en plus de mouvements de vignerons indépendants. Leur objectif : mettre en valeur  le travail manuel », analyse Bérengère Bezaud. Ce retour au vin de terroir, correspond à un souhait des producteurs mais aussi à une demande du consommateur. « Chaque gros changement alimentaire correspond souvent à une crise sanitaire. Aujourd’hui, il y a une méfiance du consommateur envers les pesticides. Ils réagissent face à la mondialisation et ses excès, et veulent contrôler ce qu’ils achètent », explique-t-elle. Et les producteurs de vins mondialisés ne s’y trompent pas. « Ils utilisent d’énormes moyens de communication pour faire croire au consommateur que leur vin est issu du terroir. La mondialisation est devenu un gros mot », précise la chercheuse.

Capture écran de la page d'accueil de l'entreprise E&J Gallo Winery.
Capture écran de la page d’accueil de l’entreprise E&J Gallo Winery.

« Une tradition familiale », écrit en capitale avec en fond une vidéo parcourant les vignes. Telle est la page d’accueil de Gallo, premier producteur mondial avec ses 960 millions de bouteilles produites par an. Les Français ne s’y trompent pas : leur tentative d’importation sur le marché de l’Hexagone il y a vingt s’est soldé d’un échec.

Léa Broquerie et Dorine Goth

La mondialisation, c’est bientôt terminé ?

Les échanges internationaux connaissent un ralentissement ces dernières années. Pour certains économistes, ce ralentissement n’est qu’un retour à une période plus calme.

La célèbre pizza napolitaine a été inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco le 7 décembre. Les Italiens ont obtenu la protection de la recette traditionnelle de la pizza. Une façon de lutter contre la mondialisation de ce plat que certains mangent à l’ananas! Une aberration pour bon nombre de Napolitains.

La mondialisation a transformé la pizza comme l’ensemble des économies nationales. Ce qui désigne les échanges de biens, de services, de capitaux et de personnes à l’échelle internationale, a engendré une spécialisation des économies nationales. Car, chaque pays est devenu un maillon de la chaîne dans la production internationale. Par exemple, s’agissant de la pâte à tartiner Nutella du groupe Ferrero, les usines s’alimentent dans le monde entier. La Turquie fournit les noisettes, la Malaisie l’huile de palme et le Nigéria le cacao.

« Ce système est nécessaire au développement des pays émergents », insiste Sébastien Jean, directeur du Centre de recherche et d’expertise sur l’économie mondiale. «Les Brics [Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud] continuent dans la spécialisation nationale ». « Il ne faut pas oublier que la croissance a été sans précédente entre 1971 et 2008. C’est en grande partie liée à l’augmentation des échanges. La mondialisation a été encouragée durant cette période par le développement des quatre dragons (Taïwan, Corée du Sud, Singapour et Hong Kong) et la disparition du rideau de fer », ajoute-t-il.

La période actuelle observe malgré tout un ralentissement de la mondialisation. Pour Sébastien Jean, cela s’explique par la crise économique de 2008, mais pas seulement. « On a assisté à un boom des échanges jusqu’au début des années 2000. C’était lié à l’apparition des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les échanges aujourd’hui diminuent car nous revenons simplement à période plus calme », avance-t-il. L’entrée dans une nouvelle période de l’histoire de la mondialisation est à l’origine de la baisse de la croissance du commerce dans le monde.

Même si la mondialisation a permis aux pays émergents de rattraper en partie les pays développés, dans certains Etats la méfiance envers la mondialisation grandit. Le président américain Donald Trump souhaite imposer une taxe sur les produits chinois. En Europe, l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne (TAFTA) a rencontré l’opposition d’une partie de la société civile et des politiques, interrompant les négociations.

La montée des inégalités dans les pays développés serait à l’origine de cette remise en question de la mondialisation pour Pierre-Noël Giraud, professeur à l’université Paris-Dauphine. Dans une interview à Alternatives économiques, il explique que l’apparition du chômage a pour origine la diminution des emplois « nomades ». Ce sont les métiers qui se pratiquent partout et sont donc en concurrence avec le reste du monde. Cela correspond, par exemple, aux emplois dans le secteur industriel qui ont été délocalisés dans les pays où le coût du travail était plus faible. Les personnes qui perdent leur emploi « nomade » sont renvoyées aux métiers que Pierre-Noël Giraud qualifie de « sédentaires », attachés à un territoire. Mais ces emplois baissent également car ils dépendent de la demande des « nomades ».

Pour inverser le processus il faudrait soutenir la compétitivité des emplois « nomades » et « stimuler un secteur sédentaire, de production et d’échange de proximité », selon Pierre-Noël Giraud. Il appelle à densifier les offres de services locaux. « Il faut que les gens aient envie davantage de se rencontrer au restaurant, puis d’aller au spectacle, que de se mettre devant Netflix avec une pizza surgelée », lance-t-il aux journalistes d’Alternatives Economiques. Il ne remet cependant pas en question l’utilité de ces échanges internationaux pour le développement: « grâce à ce phénomène près de 4 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté absolue ».

Elisa Centis et Alice Pattyn

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