Affaire Merah : Pourquoi le procès n’est-il pas filmé ?

Le procès d’Abdelkader Merah (le frère du terroriste auteur de l’attentat de Toulouse en 2012) se tient actuellement à la cour d’Assises spéciale du tribunal de Paris. Extrêmement médiatisé, ce procès relance la question de l’enregistrement vidéo des audiences.

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Le tribunal de Grande instance de Paris, où se tient actuellement le procès d’Abdelkader Merah. (Crédit : CC)

Doit-on filmer et diffuser les procès à la télévision (en direct ou non) ? Cette question n’est plus posée dans certains pays où il est coutume d’enregistrer les audiences dans les tribunaux afin de les retransmettre à la télévision, lorsque celles-ci ne sont pas déjà diffusées en live. Ce fut le cas aux États-Unis durant la surmédiatisée affaire O.J Simpson ou encore en Norvège lorsque le terroriste d’extrême-droite Anders Breivik fut jugé.

En France, la question est épineuse et divise les praticiens du droit. Dans le cadre du procès d’Abdelkader Merah, la famille d’une victime avait déposé une requête afin que les audiences du procès soient filmées, avec comme argument la « portée historique » de l’événement. La réponse est sans appel : la demande est rejeté par le parquet de Paris pour qui l’affaire Merah « ne présente pas un intérêt proprement dit pour les archives historiques de la justice ». Il n’y aura donc pas d’enregistrement vidéo ni audio des audiences du procès.

Les procès peuvent être filmés depuis la loi Badinter de 1985, qui autorise « l’enregistrement audiovisuel ou sonore de l’intégralité des débats ». Peu d’affaires en ont bénéficié mais on peut tout de même citer les procès de Klaus Barbie, Maurice Papon ou encore celui d’un génocidaire rwandais en 2014.

Voir aussi : Procès Merah: les audiences filmées, entre intérêt historique et justice spectacle

Procès filmés: « Le risque est que les terroristes s’en servent comme tribune »

« Une tradition d’opacité »

D’après Me Isabelle Carbuccia, avocate au barreau de Paris et spécialiste du droit international et du droit américain, le refus de filmer les audiences en France est dû à plusieurs facteurs. « Il y a d’abord une contradiction avec la protection des données personnelles ainsi qu’avec le secret de l’instruction », explique-t-elle. « Une fois le procès terminé, le contenu des audiences est publié et même là les noms n’y figurent pas afin de protéger les personnes. Il y a aussi le droit à l’oubli : je me bats très souvent contre des grandes sociétés informatiques, des moteurs de recherches qui continuent d’exploiter des données personnelles ».

Mais l’avocate, qui travaille très souvent aux États-Unis, constate également qu’il y a une « tradition d’opacité » en France : « Aux États-Unis, il y a un objectif de recherche de la vérité basée sur une transparence complète et totale : les gens sont sous serment, et les procès sont régulièrement filmés pour assurer que rien n’est caché. En France, on accepte que les choses restent opaques, il y a une sorte de discrétion « .

Ce « souci d’opacité » conduit notamment à des pratiques dénoncées par certains avocats, comme par exemple la possibilité pour le juge de reformuler des déclarations faites par les personnes présentes dans la salle. Celles-ci seront consignées textuellement par les greffiers selon l’ordre du juge et sont donc susceptibles de ne pas être conformes à la réalité.

Par ailleurs, un avocat ne souhaitant pas être nommé évoque, lors d’un entretien téléphonique, « la nécessité de ne pas apporter trop d’importance à Abdelkader Merah par le biais de l’image ».

L’impossibilité de l’erreur à l’image

Si elle ne se prononce ni pour, ni contre l’enregistrement des procès, Me Carbuccia admet pourtant que cela pourrait amener certaines améliorations : « Il n’y a pas d’erreur possible lorsque vous êtes filmés. Cela éviterait les remarques déplacées ou désagréables de certains juges, les noms d’oiseaux qui peuvent échapper… ». Dans certains pays, rediffusion des procès est une partie intégrante de la vie d’une juge. « Aux États-Unis, les juges sont élus. La télévision est un moyen de faire campagne, il faut s’y montrer. Difficile, dans ces conditions, de refuser la diffusion d’un procès… ».

Pour Lucile S. jeune avocate dans un cabinet parisien qui désire rester anonyme, la télévision ne ferait qu’amplifier le côté « spectaculaire et voyeuriste » que peut parfois avoir un procès. « Je trouve que ce serait trop. Quitte à filmer un procès, autant qu’il soit utile et pas seulement diffusé en continu sans aucun commentaire. Utiliser les images dans des cours au lycée ou au collège pour expliquer le fonctionnement de la justice, ce serait déjà une bonne idée ».

Le parquet de Paris a définitivement mis fin à la question de la captation des audiences dans l’affaire Merah. La cour d’Assises spéciale fait cependant face à une demande bien plus compliquée : certaines personnes des parties civiles ont demandé que la vidéo de la tuerie perpétrée par Mohammed Merah soit diffusée durant le procès dans le but, selon elles, que les images parlent d’elles-mêmes.

Asmaa Boussaha

Catalogne : comprendre la crise en quelques questions

Mardi 10 octobre, devant le parlement catalan, Carles Puigdemont a officiellement proclamé l’indépendance de la Catalogne avant d’en suspendre immédiatement l’application.  Il appelle le gouvernement espagnol à dialoguer avec l’exécutif catalan et demande une médiation internationale. Une option rejetée ce mercredi par Mariano Rajoy. Dès lors, que risque-t-il d’advenir ? Voici cinq questions pour mieux comprendre ce moment historique.

Carles Puigdemont et Mariano Rajoy (c) La Moncloa - Gobierno de España
Carles Puigdemont et Mariano Rajoy (c) La Moncloa – Gobierno de España

En proclamant mardi soir l’indépendance de la Catalogne avant de suspendre son effet et de prôner le dialogue, le président de la région autonome, Carles Puigdemont, a renvoyé la balle dans le camp des institutions fédérales, et européennes. « Nous sommes disposés à ouvrir le temps du dialogue (…) J’en appelle à la responsabilité de tous et je demande à l’UE de s’impliquer dans ce processus », a-t-il indiqué.

Le président de l’exécutif catalan a ensuite poursuivi, et argué qu’il s’agissait d’ »un geste de responsabilité ». Une façon de temporiser et de se protéger à la fois des critiques des partisans de l’indépendance – en dépit d’un désaveux des plus radicaux – et d’une probable réponse autoritaire de Madrid. Mais les possibilités d’un dialogue s’amenuisent. Voici cinq questions pour mieux comprendre ce moment historique.

  • Qu’a répondu Mariano Rajoy à Carles Puigdemont ?

Au sortir du conseil des ministres exceptionnels convoqué ce mercredi, Mariano Rajoy a, à son tour, renvoyé la balle dans le camp de Carles Puigdemont, et a exigé du gouvernement catalan « qu’il confirme s’il a déclaré l’indépendance de la Catalogne », sans accepter la proposition de dialogue que lui avait formulé Carles Puigdemont. Une annonce sous forme d’ultimatum. Dans cette déclaration, Mariano Rajoy menace de mettre en oeuvre l’article 155 de la Constitution, à savoir le retrait de l’autonomie de la province catalane.

  • Pourquoi Madrid refuse le dialogue ?

D’après Gérard Onesta, ancien-vice président du Parlement Européen, observateur lors du référendum de dimanche et spécialiste de la question Catalane, la réponse est dogmatique. « Pour eux (Mariano Rajoy et le Parti Populaire, NDLR), l’idée même que l’on puisse seulement imaginer qu’une région espagnole puisse acquérir son indépendance est insupportable ».    

Pour preuve, il invoque le précédent référendum catalan de 2006, « qui s’était déroulé sans encombres, alors que la participation était moindre que dimanche. Seulement celui-ci ne traitait pas d’indépendance, mais uniquement d’autonomie ».  Puis de conclure une première fois, « il ne reconnaîtra rien, il ne transigera sur rien, il ne négociera pas ». 

  • Que risque-t-il d’arriver à la Catalogne ?

Si l’exécutif catalan confirme avoir déclaré son indépendance, et fait donc sécession, l’article 155 de la Constitution permettrait à l’exécutif de « prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général ». Toutefois, cette mesure serait longue à mettre en oeuvre. Le gouvernement espagnol devrait obtenir l’aval de Carles Puigdemont lui-même – ce qui est exclu – ou, à défaut, un vote à la majorité du Sénat, qui lui est favorable.

Le gouvernement pourrait aussi, afin d’aller plus vite, invoquer l’article 116 de la Constitution espagnole et proclamer l’état d’alerte en Catalogne, avec effet immédiat. Cela permettrait à l’exécutif fédéral de prendre le contrôle des institutions régaliennes de la Catalogne, comme la police et la justice. En septembre dernier, le gouvernement fédéral avait déjà pris en main les finances de la région. « Une décision qui n’a alertée aucune instance internationale », déplore Gérard Onesta.

Par la voix d’Alfonso Dastis, le chef de la diplomatie espagnole, le gouvernement espagnol a, quoi qu’il advienne, prédit une issue pessimiste aux futures décisions de Carles Puigdemont. Après le discours prononcé mardi soir devant le parlement catalan, M. Dastis a en effet prononcé la phrase suivante : « cette déclaration va engendrer des affrontements économiques et sociaux ». Un terme guerrier qui, dans la bouche d’un diplomate, ne devrait être sous-estimé.

  • La fin de l’autonomie de la Catalogne est-elle possible ?

Selon Gérard Onesta, Mariano Rajoy n’hésitera pas à mettre sa menace à exécution. Ce serait même son objectif : « la majorité politique sur laquelle repose le gouvernement de M. Rajoy est mince, comme sa côte de popularité. Il suffit de regarder les difficultés rencontrées lors des dernières élections législatives (les élus aux élections législatives de 2016 avait échoué à nommer un chef de gouvernement, une première, NDLR) ainsi que les récentes affaires de corruption dont pâtit son parti pour s’en convaincre ». D’après lui « engendrer une situation d’instabilité en Catalogne lui permettrait de revenir quelques mois plus tard en sauveur, après que la peur se soit installée. Il n’a, de toute façon, pas plus de 5 ou 6 % de sympathisants dans la région ».

Plus que tout, d’après l’ancien parlementaire européen, le gouvernement espagnol « ne veut pas laisser la résistance s’organiser ». D’après le journal El Pais, qui commente de récents mouvements de troupes dans la région, l’armée espagnole se prépare d’ailleurs à « soutenir la garde civile et le corps de police national dans leur mission de sécurité » si le gouvernement lui en donnait l’ordre. « Les militaires prendraient soin de la protection des ports, des aéroports, des centrales nucléaires, des dépôts de carburant et d’autres infrastructures critiques », conformément à une loi de défense nationale promulguée en 2005.

  • Quels rôles peuvent jouer les institutions européennes ?

Appelée par Carles Puigdemont à jouer le rôle de médiateur dans cette guerre de postures diamétralement opposées, ouverture contre fermeture, l’Union Européenne, à travers les déclarations de ses principales institutions, ne paraît pas moins clivée. Toujours de l’avis de Gérard Onesta, Carles Puigdemont placerait, en vérité, peu d’espoir en elles. « La Commission Européenne comme le Parlement Européen sont tous les deux dirigés par des membres du Parti Populaire Européen, l’équivalent du parti espagnol de Mariano Rajoy ». Il existerait tout de même un moyen pour Carles Puigdemont d’obtenir de l’influence : « le Conseil Européen, (formé des gouvernements nationaux, NDLR) est composé de nombreux pays ayant acquis leur indépendance à la suite de référendums d’initiatives populaires, comme la Lituanie ou la Slovénie. A une voix pour un pays au Conseil Européen, leur opinion pourrait peser ». 

 

Antoine Colombani

Olivier Giroud, autopsie d’un mal-aimé en équipe de France

L’attaquant de l’équipe de France Olivier Giroud est critiqué quasi continuellement depuis ses débuts en Bleu. Ses détracteurs lui reprochent sa lenteur et son manque d’influence sur le jeu. Ses laudateurs vantent son efficacité maximale et son nombre de buts important. Qu’en est-il réellement ? Réponse par les statistiques.

Adulé ou critiqué, Olivier Giroud ne laisse personne indifférent en équipe de France. Crédits wonker
Olivier Giroud à l’échauffement. Crédits wonker

A l’issue du match des Bleus contre la Biélorussie, une statistique est passée un peu inaperçue, noyée dans l’euphorie collective après la victoire (2-1) synonyme de qualification directe pour le Mondial 2018. Pourtant, l’attaquant de l’équipe de France Olivier Giroud égalait Youri Djorkaeff à la sixième place des meilleurs buteurs en équipe nationale, avec 28 réalisations.

Les buts par matchs

 

Sixième meilleur buteur de l’histoire des Bleus, Olivier Giroud. Il faut l’écrire pour le croire, tant le Gunner d’Arsenal reste vilipendé. Cependant, sa performance est d’autant plus remarquable lorsque l’on tient compte du nombre de buts inscrits en fonction du nombre de matchs joués en Bleu.

 

Souvent comparé à Karim Benzema, Giroud fait mieux que le Madrilène et Djorkaeff dans le domaine, avec une quinzaine de sélections en moins pour un nombre de buts équivalent. Le Chambraisien de 31 ans ne donne pas de signes de fatigue et possède encore quelques belles années devant lui. On peut raisonnablement l’imaginer dépasser l’icône Zidane à la quatrième place du classement – excusez du peu !

Les tirs

 

L’ancien buteur de Tours et Montpellier est également décrié pour son déchet élevé dans ses tentatives de tir, qui l’empêcherait de marquer plus de buts.

 

Le Gunner marque une fois tous les cinq tirs environ, un quota conséquent au niveau international.

 

 

Les tirs cadrés

 

Giroud est aussi décrié pour rater des buts « faciles ». Qu’en est-il de sa précision dans les tirs ?

On remarque que le colosse d’1m91 cadre 52,9% de ses tentatives, soit un ratio très élevé pour un attaquant. Même si ces dernières peuvent ne pas inquiéter le gardien, les cadrer fréquemment lui donne plus de possibilités de marquer.

Matchs à enjeu

 

Giroud est enfin accusé de ne marquer que lors des matchs sans enjeu, et de ne pas faire de différences lors de compétitions majeures, comme la Coupe du monde.

Son ratio (1 but en 5 matchs) est effectivement faible en Coupe du monde, une compétition qu’il n’a disputée qu’une fois. Mais il faut prendre en compte le fait qu’il n’avait souvent disputé que des bouts de match, le titulaire étant Karim Benzema. Par ailleurs, il affiche un taux de 1 but tous les 3 matchs à l’Euro, et 1 but tous les 2 matchs en qualifications de coupe du monde. Des compétitions loin d’être de simples faire-valoir.

Douglas De Graaf

Le vin de Montmartre, une tradition perpétuée chaque année

La fête des vendanges s’est installée pour sa 84ème édition sur les hauts de Montmartre, ce mercredi. Entre tradition et folklore, les vignes du Clos Montmartre témoignent d’une richesse passée. Focus chez un caviste de la Butte.

Parmi les 1 762 pieds de vigne, on retrouve dans le Clos de Montmartre 30 cépages différents. Crédit : Garance Feitama
Parmi les 1 762 pieds de vignes, on retrouve dans le Clos de Montmartre 30 cépages différents. Crédit : Garance Feitama

Dans cette petite cave à vin située rue des Abbesses (18e arrondissement), à deux pas des vignes de Montmartre il est impossible de trouver une bouteille de la « Cuvée des Lumières ». Chaque année, la cuvée de la Butte est vinifiée dans les caves de la mairie du 18e arrondissement, actuel propriétaire, et célébrée lors de la fête des vendanges pendant quatre jours. A cette occasion, les centaines de bouteilles de vin produites dans l’année sont vendues à prix d’or, non pas pour leur qualité mais pour leur rareté. Au prix de 45 euros la bouteille, l’ensemble des bénéfices issus de la vente du Clos Montmartre est reversé aux oeuvres sociales du quartier.

La 84ème édition de la fête des vendanges de Montmartre aura lieu du 11 au 15 octobre. Crédit : Comité des fêtes de Montmartre
La 84ème édition de la fête des vendanges de Montmartre aura lieu du 11 au 15 octobre. Crédit : Comité des fêtes de Montmartre

Adossé à son comptoir, le caviste Jérémy Vincent grimace à l’évocation de cette cuvée spéciale.  » Cette microproduction est infâme à la dégustation: c’est un vin clairet, presque limpide et acide. Mais je comprends qu’on veuille s’approprier un bien unique de Montmartre », explique-t-il. Une production de qualité moyenne qui se justifie par sa situation géographique.

1 556 m2 de vignes

Au XVIIe et XVIIIe siècle, les vignes recouvraient les trois quarts de la colline. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 1 556 m2, plantés au Nord de la Butte, entre la rue des Saules et la rue Saint-Vincent. « De ce côté là, il n’y a pas de lumière. Les vignes ont besoin au minimum de cent jours de soleil. De plus, des cépages de toutes sortes sont mélangés : pinot noir, gamay et autres variétés. On ne s’y retrouve plus gustativement », poursuit le propriétaire de la cave à vin.

Cette carte postale est une reproduction d’une gravure de 1820. Crédit : Archives de Paris
Cette carte postale est une reproduction d’une gravure de 1820. Crédit : Archives de Paris

Installé dans la boutique juxtaposant la cave, le maire du Bas-Montmartre, Guy Florentin souhaite avant tout faire perdurer, à travers cette production, la tradition viticole à Paris. « Les premières vignes ont été plantées au XIIe siècle par les soeurs de l’abbaye de Montmartre. Elles ont par la suite progressivement disparu pour laisser place à des habitations. Puis, elles ont réapparu en 1933 », développe l’antiquaire féru d’histoire.

Malgré la fermeture des chais de Bercy où s’élaboraient vins et spiritueux au XIXe siècle, la capitale s’accroche à son héritage viticole à travers la conservation de ses vignes à Montmartre, mais pas seulement. A Belleville, on produit aujourd’hui du pinot meunier, quant au parc de Bercy, on y retrouve du Chardonnay et du Sauvignon blanc. Une manière de nous rappeler que l’Ile-de-France était au XVIIIe siècle, la première région vinicole et viticole de France.

Garance Feitama