Community manager : un nouveau métier créé par et pour les réseaux sociaux

DSC_7286-2

Twitter, Facebook, Instagram, Snapchat… afin de faire de ces réseaux un atout et un outil de communication, un nouveau métier a émergé au tournant des années 2010 : celui de « community manager » (CM) ou animateur de communauté. Ces communiquants 2.0 sont chargés de renforcer l’image de la marque sur le web et d’attirer de nouveaux consommateurs, comme Alexia C., CM du Grand Palais.

Un œil sur la page Facebook du Grand Palais, ouverte sur son ordinateur, l’autre sur le compte Instagram du musée qui défile sur son smartphone, Alexia C. surveille la fréquentation des réseaux sociaux de l’institution. La jeune femme est la “community manager” (CM) du Grand Palais, ou l’animatrice de communauté (bien que l’anglicisme est entré dans le dictionnaire en 2016).

Apparu au tournant des années 2010, quand les entreprises ont réalisé la force d’influence que représentaient les réseaux sociaux, le CM est en charge de l’interaction et de l’échange avec les internautes au nom de la marque qu’il représente. Le but : s’appuyer sur des réseaux dans lesquels gravitent des millions de consommateurs potentiels (Facebook compte 33 millions d’utilisateurs rien qu’en France), pour faire connaître sa marque. “Tous les jours, nous partageons des publications sur le musée et ses expositions, qui vont intéresser différentes communautés d’utilisateurs, explique Alexia. L’enjeu est de renforcer l’image du musée auprès de groupes influents pour attirer du monde.

Les communautés sont aussi diverses que les réseaux. “On adapte notre ton et notre contenu à chaque réseau social et au public qu’on a réussi à happer, explique la CM du Grand Palais. Par exemple Twitter est un réseau plus professionnel et on s’adresse surtout aux “Muséo Geeks” : des passionnés de musée qui relayent des contenus qui les intéressent professionnellement parlant.” Comme cette annonce de conférence au sujet de l’exposition Gauguin l’alchimiste.

 

Sur Facebook, l’audience est plus large, plus hétéroclite. Mais notre communauté est essentiellement féminine et la moyenne d’âge est de 35 ans, donc quand on communique autour d’événements pour les enfants par exemple, ça marche bien,” poursuit Alexia.

 


Sur Instagram l’audience est plus jeune, et nous allons toujours chercher à toucher les influenceurs de ce réseau,” avance-t-elle. Une stratégie qui se retrouve bien avec cette photo de la mannequin Taylor Hill (dont le compte Instagram regroupe 9,5 millions d’abonnés) à l’exposition Irving Penn.

 

L’idée est de toujours apporter de la valeur ajoutée par rapport à l’exposition. “Internet est un monde à part, il peut s’y passer des choses qu’on ne pourrait pas voir in situ, comme des visites guidées avec des commissaires d’exposition, ou des entretiens avec des artistes” décrit Alexia.

 

DSC_7321 - copie

Pour aller plus loin : Enquête sur les community managers en France : les résultats 2017

Un poste parfois remis en question

Peut-être parce qu’il est récent, le poste de CM n’est pas toujours bien compris et il faut parfois faire des efforts pour faire valoir son intérêt, même en interne. “On voit souvent le CM comme un geek aux idées farfelues. Certaines personnes trouvent toujours incongru qu’on passe du temps sur des choses qu’ils jugent futiles, remarque Alexia. Une bonne partie du travail est de faire de la pédagogie auprès de ses supérieurs pour démontrer l’utilité de notre poste.”

Selon Alexia, être CM demande d’avoir un bon relationnel, de la polyvalence ainsi que… de la patience pour gérer les critiques des internautes : des files d’attentes trop longues au prix des expositions.

Clara Charles


A lire aussi :

Le numérique : portrait d’un usager moderne

Google is watching you : un espion dans la poche

Le numérique : portrait d’un usager moderne

Vivre à l'heure des nouvelles technologies ( campus de l'Ecole polytechnique)
Le 12 août 1981, le géant américain IBM lançait son premier ordinateur personnel. Dix ans plus tard, le premier site web était créé dans un laboratoire. Aujourd’hui, les trois quarts de la population française se connectent quotidiennement à Internet. Comment fonctionne l’internaute moderne ? Tour d’horizon.

Le numérique change nos modes de consommation, nos interactions avec les autres et peut même provoquer des addictions. 73% des Français sont équipés d’un Smartphone, 59% sont utilisateurs des réseaux sociaux. Les géants du web GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) pèsent aujourd’hui des milliards de dollars. La vie dans l’ère du numérique n’a rien à voir avec celle d’avant.


Source : CREDOC, Enquêtes sur les “Conditions de vie et les Aspirations”

Il participe à l’économie collaborative

L’avènement du numérique a permis, depuis quelques années, le développement d’un tout nouveau secteur de l’économie : l’économie collaborative. Il s’agit des plateformes d’échange de biens et de services entre particuliers. L’usager du numérique moderne peut aujourd’hui réserver un appartement pour ses vacances via une application, trouver un covoiturage sur un site web ou réaliser un projet grâce aux fonds récoltés sur les plateformes de financement participatif. L’application collaborative ayant connu le plus grand succès jusqu’ici : Airbnb. Fondée en 2008, elle met en relation les propriétaires de biens immobiliers et les particuliers pour des locations à court terme. Mais la belle idée de « séjourner chez l’habitant » a vite dégénéré. Dans la capitale française par exemple, nombreux propriétaires louent leurs appartements uniquement via la plateforme et, en quête de profits plus importants, refusent des contrats à long terme, contribuant à la hausse de prix de location des biens. La ville de Paris essaie de lutter contre ces pratiques. Lundi dernier, elle a mis en demeure cinq sites, dont Airbnb, proposant des locations de meublés touristiques. Ces plateformes sont obligées de retirer les annonces ne possédant pas de numéro d’enregistrement, désormais requis par la ville de Paris.

Il fait son shopping et ses démarches administratives chez soi

Le numérique a chamboulé nos modes de consommation. Le commerce en ligne permet aujourd’hui aux internautes de faire tous leurs achats à partir de chez eux. De la réservation des billets de train ou d’avion, en passant par l’achat des vêtements et en terminant par l’alimentation, tout peut s’acquérir en deux clics via les sites web spécialisés. La Fédération du e-commerce et de la vente à distance estime qu’en 2017, les Français auront dépensé 80 milliards d’euros pour leurs achats en ligne.

Source : CREDOC, Enquêtes sur les “Conditions de vie et les Aspirations”

En plus des courses, l’internaute moderne fait ses démarches administratives sur le web. Déclarer ses revenus, payer une amende, s’inscrire à l’université ou demander son acte de naissance… Les services en ligne permettent aujourd’hui de remplir toutes ces tâches administratives contraignantes sans sortir de chez soi et 67% des Français en ont déjà profité. Depuis le 6 novembre, les cartes grises, par exemple, ne s’obtiennent plus qu’en ligne. Mais ce glissement vers le numérique peut être pénalisant pour certains, notamment pour les seniors, peu à l’aise dans ces nouveaux modes de fonctionnement et ceux qui vivent en “zones blanches”: les endroits où Internet à haut débit ne passe pas.

Il est actif sur les réseaux sociaux…

Avec les réseaux sociaux les relations humaines évoluent. Aujourd’hui, rester en contact avec des personnes vivant à l’autre bout du monde est devenu une évidence. En juin dernier, l’un des grands GAFA, Facebook, a passé la barre des deux milliards d’utilisateurs actifs par mois. La plateforme est aujourd’hui un outil indispensable dans le quotidien de 33 millions de Français. Désormais, ils se tournent vers Facebook pour prendre des nouvelles de leurs proches, organiser des événements, exprimer leurs opinions politiques et même se signaler en sécurité lors des catastrophes naturelles ou des attentats.

graph internet graph internet2Mais Facebook inquiète aussi. En encourageant la communication, le site web facilite également des nouvelles formes de violence: 40% des élèves français disent avoir déjà subi le cyber-harcèlement.

La plateforme est gratuite car elle produit chaque jour des données personnelles: les mentions “j’aime”, les photos… Elle les collecte et analyse afin de vendre de la publicité et se monétiser. Les réseaux sociaux sont aussi accusés de créer chez ses utilisateurs une dépendance. Les “likes” et les commentaires que reçoivent les internautes “créent des boucles fonctionnant sur la dopamine”, a constaté lors d’un débat à la Stanford Graduate School of Business Chamath Palihapitiya, ancien vice-président en charge de la croissance de l’audience de Facebook.

…et il profite d’un droit à l’oubli qui n’est pas encore clair.

Grâce à Google, il est possible de trouver toutes sortes d’informations, même celles qui pourraient être sensibles pour certains. Le droit à l’oubli, appelé autrement “déréférencement” (la suppression de certains résultats) se trouve actuellement au coeur des débats entre la Commission nationale de l’informatique et des libertés et Google. Aujourd’hui, dans l’Union Européenne, les internautes peuvent exiger la suppression des informations nominatives s’ils sont en mesure de démontrer qu’elle sont inadéquates, excessives ou inexactes. Mais le droit à l’oubli, tel qu’il existe aujourd’hui en France, pose un problème: comment appliquer le déréférencement sur Google au niveau mondial, alors qu’il s’agit d’une mesure européenne ? Aujourd’hui, si le moteur de recherche a été forcé par une décision de justice de supprimer des liens URL concernant une personne, c’est seulement sur l’extension française de Google.fr qu’ils ne sont plus trouvables. Sur Google.com ou sur d’autres extensions, le contenu sera toujours référencé.

L’usager moderne du numérique est hyper-connecté. C’est sur les réseaux sociaux qu’il échange avec ses proches, c’est par mail qu’il communique avec son travail, c’est en ligne qu’il fait son shopping. Le numérique, l’utilisateur moderne l’a adopté totalement, en oubliant parfois ses côtés obscurs.

Malgo Nieziolek


A lire aussi:

Google is watching you: un espion dans ma poche

Community Manager: un nouveau métier créé par et pour les réseaux sociaux

Alex Fava, escrimeur professionnel et « chargé de com’ »

Aujourd’hui employé dans une banque, l’escrimeur Alex Fava a réussi l’exploit d’entrer dans une grande école de commerce tout en poursuivant la compétition à haut niveau. Un cas original dans le sport français. La faute, selon l’athlète de 28 ans, à un système au bord du gouffre.

Alex Fava fait partie des 100 meilleurs épéistes (une catégorie d’escrime) au monde et vise l’or olympique en 2020. Pourtant, lorsque l’on tape son nom sur Internet, la première chose que l’on apprend de lui n’est pas qu’il pratique l’escrime à très haut niveau. Mais plutôt qu’il est chargé de communication chez la banque populaire BRED. « Les gens pensent qu’on (les athlètes de haut niveau, ndlr) roule tous sur l’or, ou qu’on trouve un travail dans le sport une fois notre carrière terminée. Ce n’est ni l’un ni l’autre pour moi », tranche le jeune brun.

Un OVNI dans le sport professionnel

En France, selon lui, un seul escrimeur, médaillé olympique, arrive à vivre de son sport. « Son club le rémunère bien parce qu’il est plus connu, et il a des sponsors. » Tous les autres doivent se débrouiller. « Le plus jeune du groupe France ne reçoit rien de son club. Et comme il est étudiant, il ne gagne pas d’argent. Personnellement, je ne toucherais pas assez pour vivre sans mon emploi. »

Car si Alex Fava a réussi à décrocher un travail dans le secteur bancaire, il fait plutôt figure d’OVNI dans un monde du sport de haut niveau très chronophage et exigeant mentalement. « [Les sportifs] ne sont en général intégrés ni dans un lien de travail salarié, ni dans un lien de travail indépendant », alarmait le rapport Karaquillo, qui a servi de base à la rédaction de la loi Braillard sur le sport de haut niveau en 2015.

« J’ai pris conscience très jeune que l’escrime ne me suffirait pas pour vivre, affirme le Montpelliérain d’origine. Celui qui tourne actuellement autour de la 90e place mondiale en épée choisit donc très tôt de faire cohabiter escrime et parcours professionnel. Une double casquette qu’il a toujours conservée, jusqu’à aujourd’hui.

L'épéiste Alex Fava en pleine attaque lors d'une compétition internationale. Crédits Alex Fava
L’épéiste Alex Fava en pleine attaque lors d’une compétition internationale. Crédits Alex Fava

Si chères études

Au CREPS (centre d’accompagnement d’athlètes de haut niveau, ndlr) de Reims, l’épéiste navigue donc entre ses entraînements et ses cours à la fac. Une année en économie, puis trois ans de droit, grâce à des aménagements horaires. Sans jamais ressentir le besoin d’abandonner une voie. « Evidemment, ce n’est pas facile d’être sur deux fronts en même temps, surtout quand l’un te demande beaucoup d’énergie. Mais j’ai même dû travailler en tant que surveillant de mon internat pour me faire des sous ! »

2011 est un tournant pour lui. Il intègre le fameux Insep (Institut national du sport et de la performance) à Paris, le temple du sport du haut niveau. Son avenir sportif s’éclaircit. Mais toujours pas question pour lui de se focaliser sur les sommets de l’escrime. « Après ma licence de droit, j’ai fait 2 ans en communication-journalisme, puis j’ai réussi le concours d’une grande école de commerce, l’ESCP. J’ai suivi la formation classique, comme tout le monde, mais je devais négocier avec mes professeurs et mes entraîneurs pour partir plus tôt de cours. »

Négocier un CDD

Aujourd’hui, Alex Fava a donc décroché un emploi à la BRED. Mais, lui qui s’estimait pourtant « assuré de trouver un travail grâce à la réputation de [s]on école », a plus « galéré » que ses camarades de promotion. « De janvier à octobre, je n’avais rien. Le problème, quand on est sportif de haut niveau, c’est qu’il faut convaincre un employeur de nous embaucher alors qu’on part tout le temps en compétition, qu’on a besoin d’horaires aménagés, qu’on risque de se blesser … De plus, mon contrat ne dure qu’un an, je ne sais pas si je vais être reconduit. »

Si le n°2 français en épée a réussi à convaincre la BRED de le recruter, il ne le doit qu’à lui-même : il n’a pas bénéficié des dispositifs d’accès à l’emploi pourtant inscrits dans la loi Braillard. Pour cause de mauvais résultats sportifs, il a été retiré l’an dernier des listes favorisant l’insertion à l’emploi pour les SHN. Le principe : les fédérations sélectionnent certains athlètes, qui pourront profiter de contrats de travail, les CIP (Convention d’insertion professionnelle), plus favorables – travailler à temps partiel pour pouvoir pratiquer son sport, tout en étant rémunéré à temps plein. C’est grâce à ce dispositif qu’il avait obtenu son premier CIP au Crédit agricole, il y a deux ans.

Une jeunesse livrée à elle-même

Mais les places pour ces fameuses listes seraient, selon Alex Fava, désormais très chères. « En raison de contraintes budgétaires, le Ministère des sports est en train de limiter le nombre de candidats sélectionnés. J’en suis l’exemple concret. Comment va-t-on convaincre nos jeunes de devenir sportifs de haut niveau si on leur ferme la porte à une stabilité financière? »

Le problème, pour lui : « Le Ministère force les jeunes à faire des études, mais pas à trouver un travail. » Le fameux « double projet » à la française, qui oblige les meilleurs jeunes sportifs à combiner la pratique de leur sport avec la poursuite de leurs études, est dans son viseur. « La plupart ne sont focalisés que sur leur rêve sportif. On ne peut pas rivaliser avec les escrimeurs italiens ou coréens. Eux sont payés par leur fédération pour faire leur sport. Ils vivent de l’escrime parce que c’est leur métier. Pas nous. »

Douglas De Graaf

Apprenties handballeuses professionnelles, une double vie au CREPS

Alicia et Laura, 17 ans, en formation handball au Pôle Espoir du CREPS Île-de-France

Les sportifs de haut niveau sont soumis à des carrières courtes et incertaines. Pour les y préparer au mieux, les futures élites du sport français mènent en parallèle une rigoureuse formation scolaire. Rencontre avec Alicia et Laura, deux handballeuses en formation au CREPS Île-de-France.

Derrière les larges baies vitrées du bureau, un parc verdoyant, parsemé d’arbres majestueux, laisse deviner un terrain de hockey, un green de golf, et l’arche métallique d’un gymnase. Dans l’allée, une douzaine de jeunes cyclistes, maillot bleu et leggings, se rassemblent dans le froid. Le peloton s’effile, dévalant la pente douce.

Laura et Alicia, elles, font partie de la division de handball du Pôle Espoir du CREPS. Elles aussi ne vont pas tarder à aller s’entraîner. Après leur matinée de cours, elles ont troqué leurs vêtements de lycéennes pour un jogging. Toutes les deux arborent le sweat aux couleurs de leur Pôle, sur lequel elles ont enfilé une épaisse doudoune noire. Dans un quart d’heure, elles iront rejoindre la vingtaine de jeunes filles de leur section pour leur séance quotidienne d’entrainement. 2 h 30 tous les jours, « plus deux heures de muscu les mardi et les vendredi », précise Alicia. Mais avant, Laura, doit faire un point sur le le prochain stage en entreprise qu’elle devra effectuer. « Les offres que tu as ne sont pas trop loin d’ici ? » interroge Lydie Reuzé, chargée de l’accompagnement et du suivi scolaire. La question de la distance est importante pour la jeune fille.

Les jeunes filles s'apprêtent à se rendre à leur entraînement
Les jeunes filles s’apprêtent à se rendre à leur entraînement. Crédit Emilie Salabelle

En filière Gestion Administration, Laura doit gérer ses stages en entreprise pour qu’ils n’empiètent pas sur sa formation au CREPS. Alicia, elle, est en série S. Les deux jeunes filles sont en Terminale. Lorsqu’on leur demande quelle est leur principale échéance cette l’année, la réponse est immédiate : « d’abord on a le bac ! » s’exclame Laura. Certes, elles espèrent aussi beaucoup poursuivre leur rêve de carrière de handballeuse, en intégrant un centre de formation. Cela fait maintenant trois ans qu’elles vivent et s’entraînent ici. Cette année est la dernière qu’elles passent au CREPS. L’échéance se rapproche, car dès février, lors des tournois Interpôles, les sélectionneurs viendront les observer. L’enjeu est de taille : décrocher un contrat dans l’un de ces centres est indispensable pour espérer jouer dans un club professionnel

Une carrière sportive incertaine

Mais pas question pour les deux sportives de mettre de côté leurs études pour leur carrière sportive. « On pense énormément à notre double projet, explique Alicia. D’ailleurs il y a beaucoup de joueuses qui ont été refusées dans des clubs parce qu’elles n’avaient pas leur bac. » Les amies ont conscience que les carrières sportives comportent de nombreuses inconnues. « Il suffit qu’on soit blessé, qu’on ne fasse pas un stage et on nous oublie un petit peu. Donc si on est pro et qu’on a la chance de faire ça, en cas de blessure, on sait qu’on n’existe plus », expose, réaliste, Alicia, qui a dû renoncer à trois compétitions en première année au CREPS à cause d’un arrachement osseux au coude. Et comme tous les sportifs de haut niveau, les deux handballeuses savent que les carrières sont courtes. 30 ans pour les joueuses comme Laura, qui évolue au poste arrière, 35 pour les gardiennes comme Alicia. Autant donc, préparer l’après-carrière rapidement.

Dans de telles configurations, l’engagement doit être pris très tôt. Alicia et Laura ont commencé le handball au collège. Très vite, elles accrochent à ce sport, et s’insèrent dans un circuit de formation intensive. « C’est un tellement gros sacrifice de ne plus avoir de vie sociale, et de tout donner dans le sport et l’école, qu’il faut vraiment réfléchir avant et ne pas prendre la décision à la légère », insiste gravement Alicia. Les vies quotidiennes de ces jeunes sportives laissent peu de place aux moments de détente. « Quand les filles de ma classe sortent, moi je reste m’entraîner, faire mes devoirs. On a des déplacements le week-end », détaille Laura.

Au CREPS, plus de 200 jeunes sportifs sont accueillis sur un terrain de 18 hectares. Crédit photo : Emilie Salabelle

Des emplois du temps serrés

Au CREPS, les élèves sont très suivis dans leur investissement pédagogique. Ils ont des heures d’études de 20 h 15 à 22 heures, et des soutiens scolaires le mercredi après-midi. Les surveillants ne sont jamais très loin pour venir donner un coup de pouce. L’environnement est propice au travail. « Chez nous, on n’aurait peut-être pas travaillé autant », rigole Laura.

Les jeunes filles savent se prendre en main. « On a appris à faire des choix parce qu’on sait ce qu’on veut et on se donne les moyens de l’obtenir. Ca nous a fait grandir », considère Laura. Au Creps, elles ont acquis des capacités d’organisation à toute épreuve pour assumer de front leurs emplois du temps handballistique et scolaire, leurs rendez-vous médicaux, leurs compétitions, leurs stages…   Ces qualités compteront aussi pour leur insertion professionnelle, puisqu’elles comptent bien continuer leurs études après le lycée, en parallèle d’une carrière sportive. « Notre statut de sportif de haut niveau nous permet d’avoir un emploi du temps aménagé en études supérieures. On peut passer une formation en deux ans au lieu d’une, et redoubler plus facilement. »

Elles espèrent aussi pouvoir profiter pleinement de leur carrière sportive avant de se réorienter. « Notre vrai métier, c’est handballeuse et après, quand on a fini sa carrière, on n’oublie pas les études », appuie Laura, qui a l’intention de faire un BTS assistante manager en vue de travailler plus tard dans la communication. Ce choix conditionnera aussi le centre de formation dans lequel elle ira. « Il faut que je puisse faire ce BTS pas loin de mon lieu d’entraînement » explique-t-elle. Alicia, après avoir pensé à s’inscrire en première année de médecine, se destine finalement à des études de droit, pour devenir avocate. Mais elles savent que leurs projets peuvent changer. Leurs parcours sportif leur offriront peut-être d’autres opportunités. « Une fois professionnelles, certaines joueuses négocient aussi leur fin de carrière dans leur contrat. On peut demander que le club nous offre un travail à la fin », explique Laura, qui considère cette option également. Au moment de raccrocher des baskets qu’elles espèrent triomphantes, Alicia et Laura seront prêtes à démarrer une nouvelle vie hors du terrain.

Emilie Salabelle

A lire aussi :