La galère des jeunes musiciens

En 2016, ils sont près 8 000 étudiants en cycle supérieur de musique dans les conservatoires. Face à un afflux croissant de jeunes musiciens sur le marché du travail, leur insertion sur le marché du travail pose problème.

Depuis les années 80, le nombre de musiciens professionnels ne cesse de croître. Selon un rapport publié en novembre, les artistes de la musique et du chant étaient plus de 31.000 en France en 2015. Ce nombre cache pourtant une autre réalité : la difficulté de leur insertion professionnelle. Les écoles communiquent peu sur les chiffres. « Ils ne sont pas pertinents », se défend Bernard Renaudin, chargé de production de l’Orchestre des Jeunes Lauréats du Conservatoire de Paris. Aux chiffres d’insertion globale, le chargé de production préfère l’excellence. “ Regardez les plus grands musiciens dans le monde ! De Paris à New York, il y a des musiciens du Conservatoire de Paris dans des orchestres prestigieux ”, s’enorgueillit-il. Des symboles qui participent au rayonnement de l’institution. Mais pour les 8 000 étudiants dans les conservatoires de musique, les places sont chères. Alors quel avenir professionnel après les études ?

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58% des musiciens sont enseignants

En 2014, 69% des diplômés de l’enseignement supérieur de musique étaient salariés du secteur public. Cependant, de membre de l’orchestre national à professeur de musique, ce chiffre cache de grandes disparités. « On parle de ceux qui réussissent mais pas des autres. On est nombreux à penser qu’on ne pourra pas faire de la musique. On se dit qu’on devrait aller enseigner au collège ou devenir instituteur. Il y a un décalage entre nos attentes et ce que propose l’administration », s’inquiète un étudiant du Conservatoire National Supérieur de Musique. En 2014, 58% des diplômés de l’enseignement supérieur de musique sont enseignants.

A la galère de l’insertion, s’ajoute la galère de l’administration. 16% des diplômés sont sous le régime intermittent du spectacle. Un régime compliqué pour Manon, jeune musicienne de 22 ans, qui se sent dépassée. « C’est une vraie galère ! Il faut donner beaucoup de justificatifs de dates, de concerts. Mais le nombre d’heures à justifier a été augmenté, il devient donc de plus en plus difficile d’avoir le statut. Tout ça pour un SMIC à 600 euros ! ».

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Musique classique vs musique actuelle

Les problématiques de l’insertion ne sont pas abordées de la même manière que ce soit du point de vue des musiques classiques ou actuelles. Dans le secteur classique la carrière se conçoit comme une évolution logique dans le temps. « Nous on souhaite évoluer au sein d’un orchestre, pas forcément devenir célèbre. On évolue selon un schéma professionnel classique », explique Cyprien, violoniste au conservatoire. Son rêve ? « Devenir violon soliste ». Dans les musiques actuelles, la notion notoriété prend plus de place. « La réflexion sur l’insertion s’accompagne immédiatement d’une réflexion sur le fait de « durer », inquiétude qui devient essentielle face au zapping incessant du public et du marché », souligne Bob Revel, dans une étude sur les dispositifs d’insertion professionnelle dans le secteur musical.

 

Dorine Goth

Idir, étudiant algérien : « le plus difficile ce sont les démarches administratives »

Idir, étudiant à l’université de Créteil en double licence mathématiques et informatique est en France depuis 2013. Algérien d’origine, il est venu chercher en France une meilleure qualité d’enseignement que dans son pays natal. Il raconte ses galères administratives.

Qu’est-ce-qu’il faut faire pour étudier en France?

Il faut passer par Campus France. Il y en a dans plusieurs villes à Oran, à Alger et à Constantine, par exemple. Là ils nous font passer des tests. D’abord un test de français. Il faut avoir le niveau B2 pour pouvoir partir. Moi j’avais aussi passé le DELF [diplôme délivré par le ministère de l’Education nationale pour certifier de compétences en français des candidats étrangers NDLR] car je n’avais pas pu me rendre au test de langue de Campus France. Ils nous font également passer un test de connaissance en français. Ensuite il faut fournir des pièces justificatives comme les relevés de notes du lycée. Et dans ce cas il faut tout traduire en français. Puis il faut faire des dossiers pour chaque université où l’on souhaite postuler et adapter sa demande à chacune d’entre elles.

Et une fois les dossiers et les tests validés est-ce terminé ?

Non. Après on doit faire une demande de visa. Et justifier que quelqu’un pourra nous héberger en France. Moi j’ai de la chance, j’ai de la famille à Joinville chez laquelle je loge. Mais pour ceux qui n’en ont pas, ils doivent prouver qu’ils ont un budget de 7 000 euros au départ pour assurer leur hébergement.

Combien de temps tout cela vous a pris ?

A ce moment-là je faisais ma première année d’études de médecine en Algérie. Je n’avais donc pas beaucoup de temps. J’y ai passé une partie de mon année.

Une fois en France est-ce-que cela se passe mieux ?

On est toujours un peu dans les papiers. La carte de séjour que nous fournit la France doit être renouvelée tous les ans. Et pour l’obtenir il faut justifier d’un revenu mensuel de 615 euros par mois.

Comment faites-vous pour gagner cet argent?

Mes parents ne peuvent pas m’aider car ils n’en ont pas les moyens. Le coût de la vie en France est bien plus élevé qu’en Algérie. Du coup, je travaille à côté de ma licence 15 heures par semaine. J’ai un poste de vigile et je donne des cours de mathématiques.

Est-il simple de trouver un travail ?

Moi je n’ai pas eu trop de difficultés. Actuellement mon employeur est Algérien. Avant j’avais aussi travaillé pour le stade Roland-Garros. Mais une nouvelle fois ce qui pose problème ce sont les démarches administratives. Il faut obtenir une autorisation de travail. C’est la Direccte [Direction régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi NDLR] qui la fournit. On doit y apporter une déclaration de l’employeur, notre carte de séjour, notre passeport et notre certificat de scolarité. Certaines entreprises refusent de nous embaucher parce qu’elles estiment que faire les papiers prend trop de temps.

Propos recueillis par Elisa Centis

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Les 5 avantages et inconvénients d’étudier en France pour les maghrébins

 

Les 5 avantages et inconvénients d’étudier en France pour les maghrébins

Pour les jeunes maghrébins, étudier en France n’est pas simple comme changement de vie. Il y a des avantages et des inconvénients à quitter son pays pour se former ailleurs.

  • Les démarches administratives

Il y a une nette différence entre les étudiants qui viennent étudier dans des écoles d’élites et ceux qui réalisent leur cursus dans une université moins réputée. Pour les étudiants de grandes écoles, ce sont souvent les administrations qui s’occupent des visas et autre papiers pour que l’étudiant puisse venir étudier en France. Pour ceux qui sont dans des universités publiques, c’est à la charge de l’étudiant de s’occuper de son titre de séjour. Longues et compliquées, les démarches ne sont pas facilitées par l’administration française mais elle a tout de même quelques points positifs par rapport aux administrations maghrébines. « Tout peut se faire en ligne. Pas besoin de faire la queue pendant des heures, tous les services de l’administration française sont sur internet. Ce qui n’est pas le cas en Tunisie où les administrations sont ouvertes seulement de 8h à 11h » s’exclame un étudiant en école d’ingénieur à Paris.

  • Les bourses

Au Maroc et en Tunisie, les étudiants se voient dotés de bourses pour aller étudier à l’étranger. En Algérie, certaines bourses existent mais très peu d’étudiants y ont accès. Autre exemple particulier : Karim Berrada est marocain et aujourd’hui trader au Credit Suisse à Paris. « L’Ecole Centrale de Paris a payé ma scolarité. Je n’ai donc rien déboursé, c’était l’idéal. » Certaines grandes écoles font venir des étudiants qui excellent dans un domaine et leur payent les études afin de faire valoriser leur filière.

  • Qualité de l’enseignement

Les étudiants maghrébins jugent les écoles et universités françaises de grande qualité par rapport à ce qu’ils ont dans leur pays. En Algérie et en Tunisie, les étudiants sont confrontés à des grèves et des absences d’enseignants suite au printemps arabe. Karim Berrada a été très satisfait de ses enseignants français : « Les professeurs sont très compétents et de grande qualité. On ne retrouve cela pas n’importe où. » Mohammed Andaloussi est diplômé d’un master en ingénierie à l’Université de Lorraine à Metz. « Je suis content de mon diplôme, c’est pour moi une valeur ajoutée. Je cherche du travail en France pour avoir une première expérience et trouver plus facilement du travail quand je rentrerai au Maroc. »

  • L’insertion professionnelle

Trouver un emploi est plus facile pour ceux qui sortent de grandes écoles. Les employeurs les repèrent lorsqu’ils sont encore dans l’école. Pour ceux qui sont diplômés d’une université, c’est moins évident. « L’Etat français impose des exigences quand on est étranger. Je dois obligatoirement obtenir un contrat à hauteur de mon niveau d’études. Mais c’est compliqué même pour un Français d’avoir directement une proposition de poste de cadre » déplore Mohammed Andaloussi.

  • Les jobs étudiants

L’insertion professionnelle est aussi compliqué durant les études. Certains étudiants ont besoin d’un petit boulot pour subvenir à leurs besoins. Mais leur origine peut être un obstacle à l’embauche. Lina, 24 ans, est algérienne et a postulé à plus de 53 jobs étudiants. Plusieurs employeurs refusent de la prendre pour des questions administratives. « Après m’avoir proposé un CDI, ils font marche arrière lorsqu’ils constatent que je suis algérienne. A leurs yeux, il y a trop de papiers à faire. » En effet, pour obtenir une autorisation de travail, l’employeur doit remplir un papier et le déposer à la Direction régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Une perte de temps aux yeux des employeurs.

Alice Pattyn et Elisa Centis

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Insertion professionnelle : La filière STAPS en forme olympique

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C’est une réussite de haut niveau : la majorité des étudiants de la filière de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) trouvent un emploi immédiatement après leur cursus. Pour comprendre ce phénomène, décryptage d’un parcours universitaire qui concilie connaissances scientifiques et excellence sportive.

Jamais la filière Staps n’a été aussi populaire depuis sa création en 1974. Elle est une des plus prisées par les futurs étudiants : La plateforme Admissions Post-Bac (APB), sur laquelle doivent postuler les bacheliers, enregistre toujours plus de demandes chaque année pour les licences en sciences du sport, comme le montre l’infographie ci-dessous :

Les études de Staps (licence en trois ans puis possibilité de poursuite en master) visent à combiner maîtrise des connaissances scientifiques liées au sport et une pratique de bon, voire de haut niveau. Contrairement à ce que l’ont pourrait croire, on ne fait pas que du sport : les heures consacrées à la pratique sportive ne représentent qu’un tiers de l’enseignement. Le reste est dédié aux sciences (biologie, anatomie, physiologie, biomécanique…) et aux sciences humaines (psychologie, sociologie, histoire du sport…). Des modules de formation en secourisme et en informatique complètent le programme.

Comment explique-t-on le succès d’une filière qui, il y a encore peu de temps, était considérée comme une voie de garage pour des étudiants qui ne brillaient qu’en cours d’EPS ?

Un emploi à la clé

C’est une des forces de la filière : Le taux d’insertion dans la vie professionnelle est excellent. L’université Paris -Descartes réalise depuis plusieurs années des suivis des étudiants sortis de Staps. Ainsi, sur les onze personnes concernées par la dernière étude sur la formation Sciences du sport, dix ont trouvé un emploi 30 mois après leurs études. Par ailleurs, une majorité d’entre eux est employée en CDI.

Cette réussite s’explique d’abord par la variété des métiers du sport : accompagnement adapté de personnes handicapées, demande de coachs grandissante dans les salles de sports, travail dans l’événementiel ou recrutement dans les clubs : autant de secteurs qui ont toujours besoin de professionnels.

Du sport… mais pas que

Les universités ont également changé leur manière de promouvoir les études en STAPS. « Nous avons arrêté de communiquer uniquement sur le sport, précise Amélie Murat, Responsable du service professionnalisation et communication au sein de l’UFR STAPS de l’Université de PoitiersNous voulons avant tout former des jeunes sportifs avec un cerveau, des vrais professionnels, extrêmement compétents dans leur domaine et pas simplement des sportifs de haut niveau ». Il existe cinq formations qui préparent les étudiants à travailler dans différents secteurs :

Le revers de la médaille

Le succès des études Staps reste toutefois à nuancer. Premièrement, une partie non-négligeable d’étudiants en STAPS abandonnent en cours de L1 ou trouve un travail dans un secteur totalement différent une fois diplômés. De plus, le succès se retourne parfois contre les universités : les capacités d’accueil sont insuffisantes, et les conditions d’études se dégradent : amphithéâtres trop petits, matériel insuffisant, obligation de trouver des salles sur d’autres campus… De nombreux bacheliers n’étaient pas assurés de pouvoir entrer en Staps en septembre ( 83 000 attendaient encore une réponse après le seconde phase APB du 26 juin 2017) et d’autres se sont retrouvés sur la carreau début septembre, les filières étant toutes complètes.

Autre défi d’avenir pour la filière Staps :  la féminisation des effectifs. Le cursus est encore un univers très masculin où les filles ne représentent que 29% des étudiants.

Clément Dubrul et Asmaa Boussaha