La visite d’Obama au Vietnam vue comme un signal à la Chine

Official White House Photo by Chuck Kennedy
Official White House Photo by Chuck Kennedy

En visite au Vietnam pour quatre jours, Barack Obama a annoncé la levée de l’embargo sur les armes létales, un acte symbolique qui scelle l’alliance diplomatique entre les deux anciens ennemis, et qui pourrait irriter la Chine.

Barack Obama a entamé sa première visite au Vietnam lundi. Reçu  par son homologue vietnamien Tran Dai Quang, il a annoncé la levée de l’embargo sur les armes américaines, un vestige de la guerre qui a pris fin en 1975. Après Bill Clinton en 2000 et Georges W. Bush en 2006, Barack Obama est le troisième président américain à se rendre au Vietnam.

Le retrait de l’embargo économique en 1994 avait lancé le processus de réconciliation entre les deux pays. Celui sur l’interdiction des armes pourrait ainsi marquer une nouvelle étape. Barack Obama a toutefois précisé que cet assouplissement concerne uniquement les armes létales. La levée sera progressive, suivant les efforts d’Hanoï en matière de droits de l’homme, sans qu’aucun des deux dirigeants ne précise les conditions.

Mais l’annonce pourrait irriter la Chine dont les prétentions en mer méridionale s’opposent à celles du Vietnam.

En 2014, l’installation d’une plate-forme pétrolière chinoise dans une zone maritime revendiquée par Hanoï avait déjà conduit à des émeutes meurtrières entre les deux pays. Un épisode qui décide aujourd’hui le gouvernement vietnamien à accélérer son processus de réconciliation avec son ancien ennemi.

Un voyage centré sur les questions économiques

Selon Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS, le cas du Vietnam est très symbolique de la situation en mer de Chine du Sud, où la Chine a levé le ton face à ses voisins. « Ce sont les riverains qui appellent Obama à l’aide, explique le chercheur, Les Etats-Unis entretiennent des relations très complexes avec la Chine, à la fois rival politique et partenaire économique. »


C’est un geste politique qui montre que désormais, la Chine est l’ennemi commun


D’après le spécialiste de l’Asie Pacifique, la Maison Blanche envoie un signal à la Chine : « Avant ce déplacement au Vietnam, tout le monde pensait que Barack Obama n’oserait pas franchir cette frontière. C’est un geste politique qui montre que désormais, la Chine est l’ennemi commun ».

Face au comportement chinois dans la région, les Etats-Unis manifestent leur inquiétude « ils [les Américains] participent à des missions maritimes et aériennes en Mer de Chine mais cela n’engage pas un affrontement direct avec les Etats-Unis. Reste à attendre la réaction de Xi Jinping » conclue-t-il.

Barack Obama a quant à lui assuré que cette annonce est motivée par un « désir de compléter le long processus de normalisation », d’après les faits rapportés par l’AFP.

La suite de ce voyage diplomatique sera centrée sur des questions économiques et l’accord de libre-échange transpacifique (TPP) qui inclut le Vietnam et onze autres pays de l’Asie Pacifique, mais pas la Chine. Mercredi, il se rendra à Hô-Chi-Minh-Ville (ex-Saïgon), cœur économique du pays.

Sonia Ye

Cannes : la Semaine de la critique, machine à détecter les nouveaux talents

Révélé hier, le palmarès de la sélection officielle cannoise aurait presque éclipsé les lauréats des sélections parallèles. Ce que l’on peut retenir du Festival de Cannes ne s’arrête pourtant pas à la Palme d’or. En témoigne cette année encore la discrète mais néanmoins très plaisante Semaine de la Critique. Retour sur une sélection moins médiatique.

 

Devant l’entrée de l’espace Miramar, à quelques centaines de mètres du palais des Festivals, Alejandro González Iñárritu fume cigarette sur cigarette alors que son premier film est projeté devant une audience encore indécise.

Suffisamment proche des fameuses marches pour en rêver un peu, trop loin de la compétition officielle pour se l’imaginer vraiment, le quartier général de la Semaine de la Critique reste assez méconnu.

C’est là, pourtant, que le réalisateur mexicain a pour la première fois séduit un jury de festival. Le 21 mai 2000, Iñárritu remporte le Grand Prix de la Semaine de la Critique pour son long métrage Amours Chiennes ; quinze ans plus tard, il gagnait l’Oscar du meilleur réalisateur.

 

Une sélection parallèle centrée sur les nouveaux talents

 

« C’est un formidable tremplin, et ça m’a permis d’apprendre à gérer l’angoisse », confiait cette année Iñárritu à propos de la Semaine de la Critique. Depuis 1962, cette sélection parallèle consacre ses ressources à la découverte de jeunes cinéastes, de formes novatrices et de sujets hétéroclites. Délaisser les strictes structures et les noms légendaires, voilà la vocation de la Semaine de la Critique, qui ne sélectionne que des premiers ou seconds films.

 

 

Présidé cette année par l’actrice et réalisatrice Valérie Donzelli (La guerre est déclarée), le jury a sélectionné sept longs-métrages et dix courts au total. Peu connus mais déjà repérés, les jeunes réalisateurs en compétition ont pour point commun une réelle volonté de créer leur cinéma de demain. Victoria, de Justine Triet, est ainsi parvenu à marquer spectateurs et critiques lors de la projection d’ouverture. « Rythmé, drôle et esthète », selon les mots de Télérama, cette tragi-comédie française a brillamment annoncé le ton de la Semaine de la Critique.

 

Comme Philippe Garrel, Jacques Audiard, Wong Kar-wai ou Ken Loach avant eux, les réalisateurs sélectionnés pour cette édition 2016 avaient là l’occasion de mettre un pied dans la cour des grands.

C’est cette année Oliver Laxe, pour son film Mimosas, qui a obtenu le Grand Prix Nespresso, distinction suprême de la Semaine de la Critique. Le long-métrage du réalisateur espagnol narre le périple mystique d’un homme mourant, à travers les montagnes de l’Atlas, au Maroc. Fort de ses questionnements métaphysiques, ses décors grandioses et sa mise en scène léchée, Mimosas a su éblouir le jury de la sélection parallèle.

 

 

Au palmarès, Albüm de Mehmet Can Mertoglu remporte lui le Prix Révélation, tandis que le court-métrage Prenjak, du jeune Wregas Bhanuteja, décroche le Prix Découverte. Quand le premier dresse le portrait au vitriol de la Turquie d’aujourd’hui, le second dépeint en douze minutes chrono l’une des faces cachées de la société indonésienne.

 

 

À respectivement vingt-trois et vingt-sept ans, les deux réalisateurs ont tous deux choisi de proposer des films incarnés, locaux et personnels, qui ont su convaincre. Il leur reste désormais à parcourir ces quelques cinq-cent mètres qui les séparent de la Palme d’or.

 

 

Agathe Touny-Puifferrat

L’Etat Islamique revendique le double attentat qui a fait 41 morts au Yémen

41 militaires yéménites sont morts lundi à Aden, la grande ville du Sud du Yémen, dans un double attentat revendiqué aujourd’hui par l’Etat Islamique. Un kamikaze a enclenché sa ceinture d’explosifs devant la base militaire Badr où de jeunes recrues attendaient devant le bureau d’enrôlement. Selon le chef des forces spéciales à Aden, cet attentat a fait 34 morts. Par la suite une explosion à l’intérieur de la base a tué sept autres militaires, portant le nombre de victimes à 41. L’engin explosif aurait été déclenché à disance selon le chef des forces spéciales de la ville. Aden est la capitale du gouvernement du président Abd Mansour Hadi, ce qui en fait la cible d’attaques récurrentes, de la part des rebelles houthis fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, mais aussi de celle des groupes djihadistes Al Qaida et Etat Islamique, qui profitent du conflit pour étendre leur zone d’influence.

Claire-Marie Germain

Tensions politiques à Istanbul autour du sommet humanitaire

Alors que 60 millions de déplacés et 125 millions de personnes ayant besoin d’assistance inquiètent les ONG,  les principaux acteurs humanitaires mondiaux se réunissent aujourd’hui à Istanbul, chapeautés par les l’ONU, pour améliorer la réponse face aux crises sécuritaires et environnementales. Ces associations, mais aussi 60 chefs d’État et plusieurs entreprises, se retrouvent autour de la table pour repenser le système d’aide. Angela Merkel et le président turc Recep Tayyip Erdogan doivent discuter en amont du sommet, notamment de la situation politique turque jugée préoccupante par la chancelière allemande.

Un sommet contesté

Plusieurs associations dénoncent un sommet superficiel, sans véritable enjeux et motivations. La célèbre ONG Médecins Sans Frontières a notamment refusé d’y participer, arguant le manque d’avancées concrètes et anticipant une « déclaration de bonnes intentions ».

Le choix d’Istanbul comme ville hôte de la rencontre en agace plus d’un, notamment ceux qui accusent les autorités turques de renvoyer les réfugiés syriens vers les zones de conflit. La question des Syriens, qui sont plus de 2,7 millions en Turquie, s’ajoute à celle des populations kurdes. La Turquie prend part depuis plusieurs mois à une guerre civile à l’Est de son territoire contre les guérilleros du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan. De nombreux civils ont été tués dans ces affrontements que les politiciens prokurdes qualifient de « génocide ».

Des relations tendues avec l’Europe

De nombreux chefs d’État et ministres européens participent à ce sommet, notamment Angela Merkel, Alexis Tsipras ou Ségolène Royal. La chancelière allemande a déclaré lors d’un entretien à la presse allemande que « certaines évolutions en Turquie sont sources de vives préoccupations ». Elle a également exprimé de « profondes préoccupations » au sujet de la levée de l’immunité des parlementaires turcs, qui met en danger 50 des 57 parlementaires du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) et aurait dit au président Erdogan qu’une démocratie avait besoin d’« une justice indépendante, d’une presse indépendante et d’un Parlement fort ».

Alors qu’un accord a été signé entre la Turquie et l’UE au sujet des réfugiés, l’Allemagne est accusée de complaisance à l’égard du gouvernement turc, tout juste remanié. Les deux co-dirigeants du HDP ont par ailleurs écrit au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, pour lui demander de “mobiliser les mécanismes internationaux afin de répondre aux alarmantes violations des droits de l’homme et du droit humanitaire à l’intérieur et aux alentours des frontières turques“.

Peu d’avancées concrètes

untitled-infographic
Source : Mouvement mondial des droits humains

La crise des réfugiés est bien loin d’être terminée avec la reprise intensive des combats en Syrie, en Irak et au Yémen. Pourtant, le sommet échoue à acter des mesures concrètes et applicables car non contraignantes. La chancelière Merkel a déclaré que « très souvent, des promesses de dons sont faites, mais l’argent ne suit pas pour être mis dans les projets, cela doit cesser » et a ajouté que le système humanitaire actuel n’était toujours pas « compatible avec le futur ».

Liselotte Mas