Violences policières: l’ACAT sort un rapport éclairant

Depuis quelques semaines, la polémique a éclaté sur la question des abus de la force par les policiers. Violences policières, brutalités envers les policiers; les deux camps s’affrontent à coup de communiqués et de vidéos amateurs. Pour essayer de faire la lumière sur des faits mal répertoriés, l’Association des Chrétiens contre la torture (ACAT) a publié en mars 2016 un rapport sur les violences policières. Alors que la plupart des association de lutte contre ces violences sont composées d’anciennes victimes souvent virulentes, l’ACAT essaie d’adopter une attitude plus modérée. Mais les revendications de l’association restent nombreuses.

En marge des rassemblements contre la loi travail, plusieurs affrontements ont eu lieu de part et d’autre des cortèges, donnant lieu de part et d’autre à des violences injustifiées. Pour redorer le blason de la police, le syndicat Alliance a organisé le 18 mai une manifestation contre la « haine anti-flic ». En réponse, le collectif « Urgence notre police assassine » avait organisé une contre-manifestation qui a dégénéré. Il est souvent difficile pour les associations de trouver un juste milieu dans la lutte contre les violences policières. C’est ce que s’efforce de faire l’ACAT en adoptant une attitude qui se veut objective vis à vis des dérives dans l’action de la police.

Agir contre les violences policières

Les actions de l’ACAT http://www.acatfrance.fr/ ne sont pas seulement orientées vers la lutte contre les violences policières. L’association a été crée en 1974 et milite pour l’abolition de la torture et de la peine de mort partout dans le monde. Mais la lutte contre les violences perpétrées sur le sol français est une des priorités de longue date de l’association. « La question des mauvais traitements en France, c’est une question sur laquelle l’ACAT travaille depuis sa création, explique Pierre Motin, responsable médias de l’association, on considère qu’on peut difficilement donner des leçons à l’étranger sans faire le ménage devant notre porte« . A l’heure actuelle, l’ACAT est une des seules ONG qui travaille sur ces questions, et avec des moyens que les collectifs de victimes ou les autres associations n’ont pas.

L’ordre et la force

« On a une collègue qui travaille sur les questions de police et de justice en France et qui du coup a travaillé sur la question des violences policières » confirme Pierre Motin. Le résultat de ce travail de 18 mois est un rapport publié le 14 mars 2016 et intitulé « L’ordre et la force »https://www.acatfrance.fr/public/rapport_violences_policieres_acat.pdf. Arrivé dans le contexte des manifestations contre la loi travail, ce rapport a fait du bruit et a réanimé le débat sur les violences policières. « Le rapport a été très médiatisé et ça a permis de faire un peu pression sur les autorités, explique Pierre Motin. Ils ont réfuté certaines de nos conclusions en disant que nous avions fait une enquête seulement sur certains cas de violences policières. Mais on a pu leur répondre que justement nous n’avions pas accès à toutes les données et que s’ils étaient transparents, nous pourrions faire une enquête beaucoup plus exhaustive« . C’est un des problèmes majeurs qui a été diagnostiqué par ce rapport: le manque de données officielles sur les usages non-proportionnés de la force commis par les policiers. « Apparemment, il existe des chiffres car les policiers doivent remplir tout un tas de papiers pour justifier l’usage de la violence, tempère Pierre Motin, mais le Ministère de l’Intérieur ne les communique qu’au compte-goutte. Ils devraient se trouver dans le rapport de l’IGPN, mais il n’y en a pas eu depuis 2014″.

Une forme d’impunité?


L’un des objectifs de la campagne contre les violences policières lancées par l’ACAT est donc d’obtenir la transparence des chiffres sur les violences policières. Mais le rapport de mars 2016 a aussi insisté sur certaines dérives, notamment à propos de la répression des exactions policières: « Sur les 89 cas que nous avons étudié et où nous avions constaté un usage disproportionné de la force, seuls 7 ont donné lieu à des condamnations. On a souvent observé qu’il était difficile d’obtenir des enquêtes effectives et la plupart du temps les enquêtes ne sont pas menées par l’IGPN ou l’IGGN (Inspection générale de la police/gendarmerie nationale) mais par les collègues eux-mêmes. » De quoi ranimer le débat sur une éventuelle impunité policière qui avait été observé au moment de l’acquittement des policiers lors de l’Affaire Zyed et Bouna. Mais une avancée pourrait être en marche sur ce terrain-là puisque le journal Le Monde a révélé que l’IGPN s’apprêterait à mettre en place « un outil recensant, par convention, les blessures sérieuses, les blessures graves et les décès de particuliers, survenus à l’occasion ou à la suite de l’exercice des missions de la police nationale« . Une avancée que l’ACAT serait prête à accueillir favorablement, mais qui ne doit pas mettre de côté le débat sur des pratiques policières jugées dangereuses.

Flashball et interpellations musclées

Le rapport de l’ACAT remet aussi au centre de la polémique l’usage du flashball, arme jugée trop dangereuse et à l’origine de plusieurs blessures graves lors des dernières manifestations. « C’est une arme puissante et peu précise, et en plus dans un contexte de manifestation où tout change d’une seconde à l’autre, c’est beaucoup trop dangereux » estime Pierre Motin. Le cas récent d’un manifestant rennais éborgné par un tir de flashball le 29 avril soutient ce discours, mais l’ACAT vise aussi les techniques d’interpellations policières qui pourraient entrainer des blessures graves et parfois des décèshttp://www.marianne.net/violences-policieres-vs-haine-flics-guerre-videos-internet-100243118.html. C’est le cas de la technique dite du pliage, officiellement interdite, mais qui serait encore pratiquée et aurait été en cause dans plusieurs décès recensés ces dernières années. L’association recommande aussi l’interdiction effective de la technique du placage ventral, d’ores et déjà interdites dans certains pays, mais toujours pratiquée en France. Cette technique qui consiste à plaquer au sol l’individu interpellé à plat ventre en exerçant une forte pression sur son dos est elle aussi jugée trop dangereuse.

Haine anti-flic?


Mais à force de dénoncer des exactions policières, ne risque-t-on pas de tomber dans la haine anti-flic? L’ACAT essaie de se démarquer de positions trop extrêmes. « Il n’y a pas de contradictions à mener notre action et à applaudir la police quand elle fait un travail remarquable. Les violences policières ne sont pas le fait d’une majorité de policiers. Avec les sondages qui ont été faits (80% d’opinions favorables), on voit que les Français aiment leur police, on n’a pas de problème avec cela. On estime simplement qu’en faisant le ménage sur les violences policières, il serait possible que tous les Français aiment la police » conclut Pierre Motin. Recenser les violences policières serait donc, selon l’ACAT, le meilleur moyen de lutter contre la haine anti-flic. Mais toutes les associations de lutte contre ces violences policières ne poursuivent pas toujours cet objectif, et tous les 20 000 militants de l’ACAT ne le partagent peut-être pas tous.

 

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