Ce que l’affaire Cahuzac a changé

Le procès de Jérôme Cahuzac s’est ouvert cet après-midi. L’ancien ministre des finances est accusé de fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Alors qu’il était ministre du budget, le site d’information Médiapart a révélé que le socialiste avait détenu pendant 20 ans un compte en Suisse. Après des mois de déni, le ministre avoue et démissionne. Un scandale qui a laissé des traces.

Le procès de l'ancien ministre du budget débutait cette après-midi Crédit LIONEL BONAVENTURE / AFP
Le procès de l’ancien ministre du budget débutait cette après-midi Crédit – LIONEL BONAVENTURE / AFP

 

Avec l’affaire Cahuzac, la « République exemplaire » prônée par François est écornée. À lui seul, le député socialiste de Lot-et-Garonne décrédibilise un exécutif qui se voulait transparent. La réaction de François Hollande est immédiate. Suite aux aveux du ministre, Jean-Marc Ayrault exhorte son gouvernement à publier le détail de leur patrimoine. L’ensemble des ministres s’exécutent bien qu’aucun texte ne les y oblige.

Création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

L’objectif pour François Hollande: regagner la confiance des Français. En septembre 2013, les projets de loi sur la transparence de la vie publique sont adoptés. Désormais les déclarations de patrimoine des ministres, parlementaires et élus locaux sont consultables sur demande à la préfecture. Une haute autorité pour la transparence de la vie (HATVP) publique est également créée. Elle a pour mission de contrôler les déclarations des élus avant chaque mandat.  Elle détermine si la situation fiscale et patrimoniale de l’élu est compatible avec sa future fonction. La HATVP vérifie également, au terme du mandat, la régularité des comptes de l’élu pour éviter tout enrichissement personnel.

L’exécutif ne s’arrête pas là. François Hollande annonce la création d’un parquet national financier (PNF) qui « conduira et coordonnera toutes les enquêtes » liées à la délinquance financière et à la fraude fiscale. Il dispose de moyens humains et juridiques propres. En mars 2014, Eliane Houlette est nommée procureur national financier, aujourd’hui c’est elle qui représente le ministère publique dans le procès Cahuzac.

 

La chasse aux sorcières

Le scandale Cahuzac ouvre une chasse aux sorcières. Le gouvernement est intransigeant et des têtes tombent.

  • En mars 2014, Yamina Benguigui, la ministre déléguée à la francophonie est épinglée. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique saisie le procureur de la République. Dans sa déclaration de patrimoine, la ministre est suspectée de n’avoir pas mentionné des actions dans une société belges. Le montant de la fraude est estimé à 430 000 euros. La ministre n’est pas reconduite dans le gouvernement Valls. Elle comparait devant le tribunal correctionnel de Paris en septembre 2015 mais est relaxée.
  • Jean-Marie Le Guen est visé par la HATVP. Il est accusé d’avoir sous-évalué son patrimoine immobilier. Il corrige sa déclaration et évite une procédure pour déclaration mensongère. Pourtant, selon Médiapart, le secrétaire d’État chargé des relations avec le parlement pourrait faire l’objet d’un redressement fiscal.
  • Le plus gros scandale post-Cahuzac, c’est celui qui vise Thomas Thévenoud. Le secrétaire d’État au commerce extérieur et député PS est accusé de fraude fiscale. Selon Médiapart, il n’aurait pas payer ses impôts pendant trois ans. La HATVP l’accuse également d’avoir cacher certaines de ses activités sur sa déclaration d’intérêts. S’ajoutent à cela, des retards de paiement sur son loyer, ses amendes et ses factures EDF. Pour sa défense, il explique être « phobique administratif ». Face à la pression, il démissionne du gouvernement et quitte le Parti socialiste mais conserve son mandat de député de Saône-et-Loire.

 

Outre les scandales de fraude fiscale, d’autres affaires ont touché l’entourage de François Hollande. En avril 2014, d’Aquilino Morelle, alors conseiller politique de François Hollande est accusé de conflit d’intérêt. Il aurait réintégré l’Inspection général des affaires sociales (IGAS) alors qu’il travaillait toujours pour des laboratoires et ce, sans en informer l’IGAS. Quelques mois seulement après cette démission, le secrétaire d’Etat aux anciens combattants est à son tour accusé de conflit d’intérêt. Il aurait avantagé des membres de sa famille dans l’obtention de marchés publics. Il présente sa démission. En décembre 2014, Faouzi Lamdaoui, conseiller à l’égalité et à la diversité est accusé d’avoir utilisé l’identité d’une tierce personne pour créer une société. Société dont il aurait détourné plusieurs milliers d’euros.

Autre affaire qui égratigne l’image du pouvoir, celle d’Agnès Saal. L’ancienne directrice de l’INA est sanctionnée pour des notes de taxis faramineuses. En 10 mois de présidence, la fonctionnaire aurait dépensé 40 000 euros en frais de taxis. Suite à ses révélations, le président de la République l’a exclu de la fonction publique pour deux ans.

 

Victoire Haffreingue-Moulart

Alertes à la bombe dans les lycées parisiens : un homme interpellé

Un homme a été interpellé ce lundi suite aux alertes à la bombe dans plusieurs lycées parisiens. Il va être entendu par la Sûreté territoriale de Paris.

Le lycée Henry IV a été évacué en janvier dernier à la suite d'une fausse alerte à la bombe. LOIC VENANCE / AFP
Le lycée Henry IV a été évacué en janvier dernier à la suite d’une fausse alerte à la bombe. LOIC VENANCE / AFP

Un jeune homme a été interpellé près de Dijon ce lundi dans le cadre de alertes à la bombe des lycées parisiens, selon une information d’iTELE. Il serait suspecté d’avoir passé les appels anonymes menaçant ces établissements. Plusieurs lycées parisiens, notamment les prestigieux Henri IV ou Louis-le-Grand, avaient reçu des menaces d’attentat en janvier dernier. Ils avaient tous été évacués. Une série d’alertes qui avait été revendiquée par le collectif « Evacuation Squad ».

Les enquêteurs sont remontés jusqu’à ce jeune de 18 ans en retraçant son adresse IP grâce aux investigations de l’Office central de lutte contre la cybercriminalité (OCLCTIC). Du matériel informatique a été saisi. Le suspect, dont le rôle éventuel dans cet affaire reste encore à déterminer, est en cours de transfert vers les locaux de la Sûreté territoriale de Paris. « L’enquête cherche à établir s’il y a un lien entre les appels visant des lycées parisiens et les menaces contre des établissements de province, notamment à Lyon. Rien n’est exclu », a expliqué une source judiciaire citée par l’AFP. Par ailleurs, un lycée de Belfort ainsi qu’un collège de la même région ont été évacués ce matin après une alerte à la bombe, à la suite d’un nouvel appel anonyme.

LD

Pourquoi les producteurs de lait sont à bout de souffle ?

Les dirigeants de la grande distribution avaient rendez-vous ce lundi matin à Matignon avec Manuel Valls, Emmanuel Macron et Stéphane Le Foll pour parler de la crise agricole. Une réunion qui intervient après plusieurs jours de mobilisation.

Entre 150 et 200 producteurs laitiers de Loire-Atlantique déversent des centaines de litres de lait, le 01 avril 2010, sur une place du centre de Nantes, pour manifester contre le prix du lait. "Un avertissement" car "on ne passera pas l'année 2010 comme on a vécu l'année 2009", a assuré un responsable de l'Association des producteurs de lait indépendants (APLI) de Loire-Atlantique, qui appelait à la manifestation. AFP PHOTO FRANK PERRY / AFP / FRANK PERRY
Entre 150 et 200 producteurs laitiers de Loire-Atlantique avaient déversé des centaines de litres de lait, le 1er avril 2010, à Nantes. (Photo AFP / FRANK PERRY)

Opérations escargot, barrages, routes bloquées, transport en commun perturbés… Depuis près de 10 jours, une partie de la France est paralysée par des manifestations agricoles. Les producteurs laitiers, porcins, bovins ou de canards protestent contre la chute des prix d’achat. Tous réclament l’instauration d’un tarif minimum et une transparence sur la détermination des prix. Ils en appellent au gouvernement.

Parmi les manifestants, les producteurs laitiers sont de ceux qui donnent le plus de la voix. Et pour cause : depuis avril 2015, les 70 568 exploitations laitières en France tournent au ralenti, les producteurs ne rentrent plus dans leurs frais, les prix du lait dégringolent. Les producteurs laitiers souffrent d’une crise que rien ne semble pouvoir freiner. Les raisons de la crise sont multiples mais cinq d’entre elles semblent néanmoins plus importantes que les autres.


1. La fin des quotas laitiers européens

Pendant trente et un an, les producteurs laitiers des 28 états membres de l’Union européenne (UE) ont été soumis à un système de régulation très stricte. Les producteurs ne pouvaient pas vendre autant de lait qu’ils le souhaitaient. Le but était de contenir un souci de surproduction. Mais le 1er avril 2015, le robinet de lait européen s’est rouvert. Les quotas ont été supprimés,  la concurrence entre États membres a repris. Autorisés à produire plus, les acteurs de la filière laitière inondent le marché de lait. Mais l’offre ne suit pas la demande : les producteurs sont obligés de vendre moins cher, voire à perte, pour ne pas jeter leur stock.

2. Des subventions mal distribuées

A cela s’ajoute la question des subventions européennes. L’Europe a longtemps distribué des aides, sans forcément tenir compte des niveaux de productions. Les années de vache maigre comme celles d’opulence, les agriculteurs ont obtenu les mêmes aides financières. Mais à l’heure des premières restrictions budgétaires, et face aux divergences de vues des différents États membres, l’Europe revoit ses subventions à la baisse. Une baisse à l’impact significatif quand on sait que les subventions européennes représentent jusqu’à 20% du chiffre d’affaires des agricultures en 2012. Les États ont donc dû compenser en ajoutant de l’argent sur la table. Un plan d’aide accordé initialement aux éleveurs a été mis en place par Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture. Au total, plus de 825 millions d’euros sont distribués aux agriculteurs. Une somme qui ne résoudra pourtant pas la crise.

3. Le scandale chinois

La Chine, grande consommatrice de lait, souffre depuis plus de sept ans d’une crise de confiance. En 2008, un scandale du lait de vache frelaté éclate. Certains lots de lait produits en Chine (notamment le lait infantile) auraient contenu pendant 10 mois de la mélamine toxique afin de les faire apparaître plus riches en protéines. Depuis, les Chinois ont considérablement diminué leur consommation de lait, même européen. Les importations peinent à augmenter. Plus de 94 000 Chinois souffriraient aujourd’hui d’une maladie liée à la contamination du lait.

4. L’embargo russe

En août 2014, Vladimir Poutine décrète un embargo sur les produits agro-alimentaires en réponse aux sanctions européennes contre des secteurs de l’industrie russe dans le cadre du dossier ukrainien. Un an et demi plus tard, la filière laitière européenne en souffre toujours. En 2015, les ventes de produits transformés à base de lait ont reculé de 78 %, soit une perte de 29 millions d’euros pour la filière laitière. Les cours du beurre et du lait en poudre ont également chuté de 30 %.

5. L’illusion 2014

L’année 2014 est synonyme de dérèglement climatique en Nouvelle-Zélande. Le premier producteur laitier mondial subit les foudres du climat. Le réchauffement inhabituel des eaux du Pacifique-Est (+ 4 à 6°C), nommé El Niño, a provoqué une baisse de la production laitière néo-zélandaise. La Chine, l’un des plus grands importateurs de lait, se tourne alors vers l’Europe. Les exportations montent en flèche. Les cours du lait augmentent : les 1000 litres de lait sont vendus 400 euros, contre 300 euros actuellement. Les producteurs européens investissent à tour de bras dans de nouveaux équipements, persuadés de voir leur carnet de commandes exploser. Mais l’utopie ne dure qu’un temps. La Chine, qui a beaucoup stocké, ne commande plus et la Nouvelle-Zélande se remet de sa crise climatique.

Une crise conjoncturelle et structurelle qui pourrait bien perdurer. En plus des conditions de travail qui se dégradent, les agriculteurs doivent faire face à une crise des vocations. Le métier d’éleveur, perçu comme ingrat et mal payé, n’attire plus. Depuis 2000, le nombre d’exploitations laitières a diminué de 34% par rapport à 2000. Un chiffre qui devrait augmenter si aucune solution n’est trouvée à la crise actuelle. Mais derrière la crise laitière, se joue une autre bataille. Celle des marges imposées par la grande distribution.

Nivin Potros

Le Qatar, ce pays qui veut devenir une grande puissance grâce au sport

 

La 15ème édition du Tour du Qatar s’ouvre aujourd’hui à Dukhan, petite ville située  à 60 km de Doha, la capitale. L’occasion de revenir sur les investissements massifs réalisés par ce petit État de la péninsule arabique dans le sport dans le but de peser sur la scène internationale.

Dimension Data team leader, Britain's Mark Cavendish, celebrates on the podium after receiving the golden jersey from the President of the Qatari Cycling Federation, Sheikh Khaled bin Ali al-Thani (R) on February 8, 2016, at the end of the first stage of the 2016 Tour of Qatar between Dukhan and Al Khor Corniche, north of the Qatari capital Doha. Cavendish, the former world road race champion, took the gold jersey and covered the 175 kilometres from Dukhan to the Al Khor corniche in 3hrs 28.31secs, eight seconds in front of Modolo and 11 seconds ahead of Guardini. / AFP / ERIC FEFERBERGCavendish débloque son compteur 2016 au Tour du Qatar Crédit / AFP

 

Omniprésent. Le Qatar est devenu en l’espace de trente ans un acteur incontournable du sport. Cyclisme, football ou encore tennis, le pays a investi toutes les disciplines sportives. La preuve? En 2018, le pays sera l’hôte du mondial de gymnastique. Un an plus tard, il accueillera le mondial d’athlétisme et en 2022, consécration ultime ou presque, le Qatar organisera la Coupe du monde de football. Mais le Qatar ne s’arrête pas là, et vise l’accueil d’un Grand Prix de formule 1 dans les prochaines années ainsi que l’organisation de Jeux Olympiques, organisation, qui lui a échappée à deux reprises.

Cette omniprésence dans le domaine du sport est le fruit d’une politique volontariste menée depuis la fin des années 1980 par le cheikh dirigeant d’alors, Hamad Ben Khalifa Al Thani et poursuivie par son fils Tamin Ben Hamad Al Thani, au pouvoir depuis 2013. Fer de lance de cette politique, le Fond d’investissement qatarie, “Qatar Investment Authority” lancé en 2005 et qui s’occupe des achats sportifs du pays.“ Les qataris ont très tôt compris qu’ils ne pouvaient uniquement compter uniquement sur les hydrocarbures et qu’ils devaient diversifier leur économie. Le sport a été jugé suffisamment stratégique car il permet la promotion rapide d’un pays”, explique Sébastien Abbis chercheur à l’Iris, intérrogé par le Celsa lab.

Un avis que partage l’économiste du sport, Frédéric Bolotny: “En étant l’hôte d’ évènements sportifs majeurs, le Qatar espère attirer des médias ainsi que le regard des spectateurs du monde entier sur le pays.” En organisant par exemple une coupe du monde de football, le Qatar espère donc faire d’une pierre deux coups: d’abord attirer l’attention du monde et surtout peaufiner son image de marque. “En misant sur le sport, le pays s’associe de facto à des valeurs positives comme le dépassement de soi ou le fair play”, estime l’économiste interrogé par le celsa lab.

 

– Investissement tous azimuts –

 

Mais le Qatar ne s’arrête pas en si bon chemin. Le pays n’est pas seulement l’hôte de grandes compétitions internationales, il a également investi plusieurs millions de dollars dans l’achat et le sponsoring de différents clubs de football. En France, le Qatar est propriétaire depuis 2008 du prix de l’Arc de triomphe renommé dans la foulée Qatar Prix de l’arc de triomphe. En 2011, il a racheté le club de football parisien, Paris Saint Germain. Un an plus tard, c’est au tour du club de handball parisien de passer sous pavillon qatarien. Rien ne sembler combler l’appétit du Qatar. Pas même l’émoi provoqué dans l’opinion par le rachat de clubs faisant partie de la ‘marque France’ à l’international. La France qui n’est d’ailleurs pas l’unique terrain de jeu du Qatar. En 2010, le pays a jeté son dévolu sur le club de football espagnol de Malaga.

A défaut de pouvoir s’offrir le FC Barcelone qui appartient a ses 153,000 “socios”, le Qatar s’est lancé dans une opération de sponsoring en vue d’être associé à la marque Barca. Le pays a investi 150 millions d’euros pour avoir le droit d’apparaître sur le maillot de l’équipe catalane. Car le FC Barcelone comme sa devise l’indique, “més que un club”,  est beaucoup plus qu’un club de football. Selon différentes études de marché, le club catalan – n’en déplaise au Real madrid – est  le plus connu au monde  et compte 300 millions de fans dans le monde entier. En s’associant à des marques mondialement connues, le pays espère gagner en notoriété.

Mais selon Sébastien Abbis, à travers ces opérations, le Qatar ne peaufine pas seulement son image de marque: “ Il y’a une volonté du Qatar d’acquérir des partenariats qui soient en mesure d’aider et de protéger le pays. Pour le Qatar, il est plus économique d’acheter le PSG que de construire une armée.” Car si le pays est certes riche de ses hydrocarbures, il n’a selon le chercheur pas les moyens de se constituer une armée suffisamment forte.

Autre stratégie développée par le Qatar: celle de compter sur des sportifs de renom.Zinedine Zidane,champion du monde de football 1998 a servi de prête nom et de vitrine à la candidature qatarie lors de l’organisation de la coupe du monde de 2022: “ Ils apportent le prestige et la lumière nécessaire à une nation” estime Frédéric Bolotny.

 

Alexandra del Peral